Chronique : Droit constitutionnel
- Olivier Le Bot
Professeur de droit public
Université d’Aix-Marseille
Résumé : Le premier semestre 2023 s’est révélé intéressant sur le plan du droit constitutionnel animalier. Le Luxembourg a refondu sa Constitution en y ajoutant une disposition enrichie relative aux animaux. La Cour suprême indienne est revenue sur un précédent de 2014 en en tempérant de façon substantielle la portée. Enfin, la cour constitutionnelle de Belgique a admis la constitutionnalité d’un décret augmentant les sanctions encourues en cas d’atteinte portée aux animaux.
Luxembourg : nouvelle Constitution, nouvelle disposition sur les animaux
En 2007, le Luxembourg avait introduit dans la Constitution un objectif de protection et de bien-être animal. En 2023, à l’occasion d’une vaste révision de la Constitution, la formule a évolué pour s’enrichir d’une référence à la qualité d’être vivant et sensible de l’animal.
I. L’ancienne formulation
En 2007 a été ajouté à l’ancienne Constitution du Luxembourg, un article 11 bis rédigé comme suit : « L’État garantit la protection de l’environnement humain et naturel, en œuvrant à l’établissement d’un équilibre durable entre la conservation de la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et la satisfaction des besoins des générations présentes et futures. Il promeut la protection et le bien-être des animaux ».
La disposition en cause présentait la nature d’un objectif constitutionnel1. La cour constitutionnelle a toutefois accepté de contrôler si une disposition législative est, selon les termes employés, « contraire » à cet article2.
Le texte employait la notion de « bien-être » animal. Cette notion s’entend habituellement d’un certain état de l’animal, résultant de la satisfaction de ses besoins.
La cour constitutionnelle a indiqué « que cette norme constitutionnelle vise à assurer le respect de l’animal, pour soi-même, dans la manière de l’utiliser et de le traiter »3.
II. La nouvelle formulation
La Constitution du Luxembourg a fait l’objet d’une vaste révision en 2023 afin, d’une part, de moderniser la terminologie et, d’autre part, d’adapter les textes à l’exercice réel des pouvoirs et au fonctionnement des institutions. Cette révision clôt un processus qui avait débuté quinze ans plus tôt avec le dépôt de la proposition de révision 6030. En 2018, pour des raisons politiques, cette révision a été scindée en quatre « chapitres » (juridiquement, en quatre propositions de révision). Le chapitre « Droits et libertés » (proposition 7755) comprend une nouvelle disposition relative aux animaux.
Le texte reprend de l’ancienne formule la référence au bien-être, il supprime la notion de protection et y ajoute la qualité d’être vivant et sensible des animaux. Le nouvel énoncé, qui figure à l’article 41, al. 3, se lit comme suit : « [L’État] reconnaît aux animaux la qualité d’êtres vivants non humains dotés de sensibilité et veille à protéger leur bien-être ».
Au sein du chapitre « Droits et libertés », le nouvel alinéa fait partie des sept dispositions ajoutées au projet après la consultation des citoyens et résultant directement de celle-ci4. L’influence de la consultation citoyenne concernant l’alinéa relatif aux animaux a été soulignée par la Commission des institutions et de la révision constitutionnelle. Celle-ci a noté que « le libellé de l’alinéa 3 vise à renforcer la protection des animaux en tenant compte des nombreuses idées avancées dans le cadre de la participation citoyenne »Rapport de la Commission des institutions et de la révision constitutionnelle sur la proposition de révision du chapitre II de la Constitution, 8 février 2022, p. 19.">5.
Au niveau de son contenu, la nouvelle disposition contient deux dimensions.
D’une part, elle consacre sous la forme d’un objectif à valeur constitutionnelle que l’État « veille à protéger » le bien-être des animaux. Il s’agit donc d’une invitation faite à l’État de protéger leur bien-être, à travers une formule assez souple (l’État « veille » à protéger, et non pas « protège »). En aucun cas ne se trouve consacré un droit au bien-être au profit des animaux. On note également qu’il n’est plus mentionné que l’État protège les animaux ; il protège leur « bien-être », cette notion étant davantage dans l’air du temps du fait d’un mouvement, qui a débuté dans les années 1970, de remplacement de la notion de protection par celle de bien-être.
D’autre part, la nouvelle disposition « reconnaît aux animaux la qualité d’êtres vivants non humains dotés de sensibilité ». Il s’agit là d’une innovation très importante. C’est en effet la première fois que se trouve élevée au niveau constitutionnel une disposition reconnaissant les animaux comme des êtres vivants et sensibles. De nombreuses législations l’ont fait au niveau ordinaire au cours des dernières années, notamment au sein du code civil, mais aucun ordre juridique n’avait hissé cette qualification au niveau constitutionnel. Le rapport de la Commission des institutions et de la révision constitutionnelle a souligné que cette qualité « vaut sans distinction pour tous les animaux »6.
Inde : un sérieux tempérament de la jurisprudence de 2014 sur le Jallikattu
Cour suprême de l’Inde, 18 mai 2023, The Animal Welfare Board of India & ors. v. Union of India and anr., writ petition (civil) no. 23 of 2016
En 2014, dans une très importante décision7 ayant reçu une attention de la part des juristes animalistes du monde entier, la Cour suprême indienne avait posé trois principes. Premièrement, le Jallikattu et les courses de chars sont contraires à la loi relative à l’interdiction de la cruauté envers les animaux (Prevention of Cruelty to Animals Act : PCA Act). Deuxièmement, ces pratiques sont contraires à la tradition indienne, qui est une tradition de respect de l’animal et non pas une tradition d’atteinte à celui-ci. Troisièmement, les animaux bénéficient du droit à la vie et plus largement de droits fondamentaux8.
La Cour suprême indienne vient sérieusement de tempérer ces principes – plus exactement les deux derniers – dans une décision rendue le 18 mai 20239.
Dans quel contexte intervient-elle ? À la suite de la décision rendue en 2014, plusieurs États (dont celui du Tamil Nadu) ont entrepris de modifier leur législation afin de soumettre à des règles plus strictes les Jallikattus et courses de chars. Ont en particulier été prévus un examen médical des bœufs ainsi qu’une interdiction de les battre, de jeter du piment dans leurs yeux et, plus généralement, de les soumettre à des actes pouvant leur causer de la douleur. Ces législations ont été contestées devant diverses juridictions, dont la High Court de Bombay, par divers individus et organisations. En 2018, la High Court de Bombay a adressé cinq questions à la Cour suprême indienne. La haute juridiction fédérale s’est prononcée sur celles-ci dans la décision commentée.
I. Le respect du PCA Act
La Cour suprême juge tout d’abord que les législations d’États contestées satisfont désormais aux exigences du PCA Act. Les spectacles qu’elles autorisent n’ont en effet plus rien de comparable avec ceux qui avaient été déclarés illégaux en 2014. Du fait de l’encadrement strict des conditions de leur mise en œuvre, ces pratiques ne sont plus regardées comme constitutives d’actes de cruauté (§§ 27-28).
Il importe de relever que ce premier point ne constitue pas un revirement par rapport à la jurisprudence antérieure. En effet, l’appréciation portée par la Cour ne fait que tirer les conséquences d’une évolution de l’état du droit ayant conduit à retirer à une pratique ce qu’elle avait de contraire au PCA Act.
Il est certes possible, relève la Cour, que le cadre juridique mis en place n’empêche pas totalement que les animaux subissent de la douleur ou de la souffrance (§ 30). Néanmoins, l’objet du PCA Act n’est pas d’abolir toute douleur ou souffrance mais seulement d’interdire les douleurs et souffrances non nécessaires, c’est-à-dire non justifiées par des besoins humains ni proportionnés à ceux-ci (§ 31, § 36).
II. Le droit à la vie et les droits fondamentaux
La deuxième question concerne l’existence d’un droit à la vie et plus largement de droits fondamentaux pour les animaux.
Dans la décision rendue en 2014, la Cour suprême avait indiqué que le droit à la vie reconnu par l’article 21 de la Constitution s’étend aux animaux. Elle avait affirmé que « toute espèce a le droit à la vie et à la sécurité », ce qui inclut celui de ne pas être privé de la vie « hors nécessité humaine ». Précisant la portée du terme, la cour avait indiqué qu’« en ce qui concerne les animaux, nous estimons que le terme "vie" signifie quelque chose de plus que la simple survie, l’existence ou la valeur instrumentale pour les êtres humains, mais qu’il s’agit de mener une vie avec une certaine valeur intrinsèque, de l’honneur et de la dignité » (§ 62). La Cour avait également indiqué que les dispositions législatives applicables doivent être lues et comprises à la lumière de l’article 51A(g) de la Constitution, qui fait de l’obligation d’avoir de la compassion pour les créatures vivantes un devoir fondamental de tout citoyen et que « le Parlement, en incorporant l’article 51A(g), a rappelé et souligné le devoir fondamental de tout être humain à l’égard de toute créature vivante (…). Toute créature vivante a une dignité intrinsèque, un droit de vivre en paix et un droit au respect de son bien-être (…) » (§ 32).
Volte-face dans la décision rendue en 2023 : la Cour affirme qu’elle n’a jamais entendu reconnaître un droit à la vie aux animaux ni leur reconnaître le bénéfice de droits fondamentaux. Sur le premier point, elle indique que la formule employée en 2014 sur le droit à la vie ne peut être interprétée comme signifiant une reconnaissance de celui-ci au profit des animaux. Elle souligne qu’il s’agissait seulement d’un « conseil » ou d’une « suggestion » et que la responsabilité pour opérer une telle consécration relève du seul législateur§ 24 : « Alors même que la protection de l'article 21 a été conférée à la personne plutôt qu'au citoyen, [...], nous ne pensons pas qu'il soit prudent pour nous de nous aventurer dans un aventurisme judiciaire en faisant entrer les taureaux dans le mécanisme de protection susmentionné. Nous doutons que la détention d'un taureau errant dans la rue contre son gré puisse donner lieu à un recours constitutionnel en habeas corpus. Dans l'arrêt A. Nagaraja (supra), la question de l'élévation des droits statutaires des animaux au rang de droits fondamentaux a été laissée au niveau du conseil ou a été formulée comme une suggestion judiciaire. Nous ne voulons pas nous aventurer au-delà et laissons cet exercice à l'appréciation de l'organe législatif approprié ». ">10. Sur le second point, la Cour est on ne peut plus claire : après avoir affirmé que le précédent de 2014 « n’a pas établi que les animaux ont des droits fondamentaux » (§ 24), elle déclare que « la Constitution ne reconnaît aucun droit fondamental aux animaux » (§ 37).
III. L’inscription dans la culture
La troisième question abordée par la Cour suprême a trait au point de savoir si le Jallikattu et les courses de chars sont contraires à la tradition et à la culture. Sur ce point également, la Cour va faire preuve d’un certain self-restraint.
Dans le contentieux de 2014, les organisateurs des Jallikattu et courses de chars en avaient appelé à la tradition pour donner un fondement et une justification à ces spectacles. La Cour suprême avait toutefois opposé à la tradition d’atteinte invoquée par les organisateurs une tradition plus profonde de respect de l’animal. Pour montrer qu’il s’agit d’une tradition très ancienne, la Cour avait cité un extrait de l’« Isha Upanishad » (texte fondateur de l’hindouisme remontant aux années 1500 à 1600 avant JC) : « L’univers et ses créatures appartiennent à la terre. Aucune créature n’est supérieure à une autre. Les êtres humains ne doivent pas être au-dessus de la nature. Ne laisser jamais une espèce empiéter sur les droits et privilèges des autres espèces » (§ 44). « A notre sens, écrit la Cour, telle est la culture et la tradition de notre pays (…) » (§ 45). Si tradition il y a, pour la Cour Suprême, c’est une tradition de respect et non une tradition d’atteinte. En conséquence, les organisateurs ne peuvent se prévaloir d’une tradition circonstancielle, à l’échelle des siècles, pour escompter se soustraire à l’application de la loi.
Le même moyen de défense se retrouvait invoqué dans le contentieux de 2023, mais cette fois la Cour décide d’y faire droit au motif que le caractère traditionnel et culturel de ces spectacles a été inscrit dans la loi et qu’il n’appartient pas au juge de remettre en cause cette qualification. Selon la Cour suprême, « La question de savoir si cela est devenu partie intégrante de la culture tamoule ou non nécessite une analyse religieuse, culturelle et sociale plus détaillée, ce qui, à notre sens, est un exercice qui ne peut être entrepris par le pouvoir judiciaire. La question de savoir si la loi modifiée du Tamil Nadu vise à préserver le patrimoine culturel d'un État particulier est une question qui peut être débattue et qui doit être tranchée par l’Assemblée législative. Cela ne devrait pas faire partie d'une investigation judiciaire et, compte tenu en particulier de l'activité en question et des documents présentés devant nous par les requérants et les défendeurs, cette question ne peut pas être tranchée de manière concluante dans le cadre de la procédure judiciaire. Dans la mesure où un travail législatif a déjà été entrepris et où il a été constaté que le Jallikattu fait partie de l'héritage culturel du Tamil Nadu, nous ne bouleverserons pas le point de vue du législateur. Nous n'acceptons pas le point de vue exprimé dans l'affaire A. Nagaraja selon lequel le Jallikattu ne fait pas partie du patrimoine culturel du peuple de l'État du Tamil Nadu. Nous ne pensons pas que la Cour disposait d'éléments suffisants pour parvenir à cette conclusion » (dispositif, pt. ii).
Durcissement des peines en droit pénal flamand : une mesure nécessaire, pertinente et proportionnée à l’objectif de préservation du bien-être animal
Cour constitutionnelle de Belgique, 20 juillet 2023, arrêt n° 114/2023
Le décret de la Région flamande du 4 février 2022 a modifié la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux en aggravant les sanctions pénales encourues en cas de méconnaissance de ses dispositions (augmentation des amendes et de la durée des peines d’emprisonnement et possibilité d'ordonner la fermeture définitive d’un établissement). Un recours a été formé contre celui-ci, devant la cour constitutionnelle, par des organisations professionnelles représentant les intérêts de l’industrie agro-alimentaire et des animaleries. La cour constitutionnelle a statué sur celui-ci dans un arrêt du 20 juillet 2023arrêt n° 114/2023.">11.
I. Une évolution juridique et sociétale favorable au bien-être animal
La cour rappelle d’abord (pt. B.13.2) l’attention croissante accordée au bien-être animal.
Sur le plan juridique, elle relève que « la protection du bien-être animal est un but légitime d’intérêt général, dont l’importance a déjà été relevée, notamment, dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (…), ainsi que lors de l’établissement, par les États membres européens, du Protocole n° 33 sur la protection et le bien-être des animaux, annexé au Traité instituant la Communauté européenne (…), dont le contenu a été repris en grande partie dans l’article 13 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ». Elle ajoute que « le législateur décrétal poursuit tout autant un objectif légitime lorsqu’il entend, d’une part, durcir les sanctions pénales pour les infractions en matière de bien-être animal en Région flamande et, d’autre part, rationaliser et simplifier ces sanctions ».
La cour constitutionnelle souligne qu’une évolution similaire s’est produite sur le plan sociétal : « Par sa volonté d’encourager un changement de comportement et de refléter l’importance que la société attache au bien-être animal, le décret attaqué s’inscrit aussi dans une évolution de la société marquée par une sensibilisation accrue aux règles en matière de bien-être animal (…) ». Sur ce point, note la cour, « la manière d’appréhender juridiquement les animaux a subi une évolution : d’abord objets de droit soumis au droit de propriété, les animaux sont devenus des êtres doués de sensibilité et ayant des besoins biologiques (…). Cette prise de conscience sociétale s’opère également au niveau de l’Union européenne. Bien que les animaux soient encore considérés comme des biens dans le droit de l’Union, diverses initiatives ont néanmoins été prises pour inciter les institutions comme les États membres à adopter une législation plus sévère en matière de bien-être animal, assortie de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives. La Cour de justice de l’Union européenne a elle aussi reconnu que le bien-être animal s’inscrit dans un contexte en évolution sur les plans tant sociétal que normatif, qui se caractérise par une sensibilisation croissante (CJUE, 17 décembre 2020, C-336/19, précité, points 77 et 79) ».
C’est dans ce contexte d’une sensibilité accrue au bien-être animal, sur lequel la cour constitutionnelle prend soin d’insister, qu’elle va apprécier la constitutionnalité des mesures contestées.
II. La proportionnalité des sanctions et le principe de sécurité juridique
Le principal moyen reposait sur le manquement à l’exigence de proportionnalité des sanctions et au principe de sécurité juridique.
Sur ce point, la cour déclare tout d’abord que ces mesures sont pertinentes : « l’augmentation des taux de peine comme composante d’une stratégie plus large de durcissement est de nature à réduire le nombre d’infractions à la législation relative au bien-être animal et d’inciter les individus à ajuster leur comportement à l’égard des animaux. Une peine qui vise à changer les mentalités ne peut être utile que si elle est suffisamment dissuasive » (pt. B.13.3).
Ensuite, la cour constitutionnelle estime que les mesures sont proportionnées. Pour cela, elle prend en compte toute une série d’éléments : « les personnes qui détiennent ou commercialisent un animal connaissent ou doivent connaître la législation relative au bien-être animal (…) » (pt. B.13.4.2) ; dans l’exercice de son pouvoir répressif, « le juge est en tout état de cause tenu de respecter le principe de proportionnalité et, par conséquent, de veiller à ce que la sanction qu’il impose soit proportionnée à la gravité du comportement punissable » (pt. B.13.4.3) ; il « est par ailleurs tenu de motiver la peine qu’il choisit d’infliger » (pt. B.13.4.4) et dispose de la possibilité « de choisir une sanction dans de larges fourchettes de peines (…) » ; « chaque infraction à la loi du 14 août 1986 ne doit pas forcément donner lieu à des poursuites pénales » (pt. B.13.4.5 : le ministre en charge du Bien-être animal peut retirer l’agrément d’un établissement qui ne satisfait plus aux conditions prévues par la loi ; en cas de constat d’une infraction, le contrevenant peut recevoir un avertissement le mettant en demeure de mettre fin à cette infraction ; il est possible d’infliger le paiement d’une amende administrative, dont le paiement volontaire par le contrevenant éteint l’action publique) ; enfin, le juge peut condamner, à titre de peine principale, à une peine de travail ou à une peine de probation autonome et réduire la peine d’emprisonnement et/ou l’amende s’il existe des circonstances atténuantes et aussi accorder une suspension du prononcé ou un sursis de la peine d’emprisonnement ou de l’amende (B.13.4.6).
La cour constitutionnelle en déduit que « même si les dispositions attaquées accordent au juge un large pouvoir d’appréciation, elles ne lui attribuent pas un pouvoir d’appréciation qui excéderait les limites de ce qu’admettent le principe de la sécurité juridique et le principe de proportionnalité » (pt. B.13.5).
III. Les autres moyens
Le raisonnement précédemment exposé est repris pour écarter deux moyens : d’une part le moyen tiré de la violation de la liberté du commerce et de l’industrie (pts. B.28 et s.) ; d’autre part celui reposant sur l’atteinte à la liberté d’expression du fait de l’augmentation des sanctions encourues en cas de méconnaissance des règles – non modifiées par le décret en cause – sur le régime de publicité applicable à la vente d’animaux de compagnie (pts B.35 et s.).
Enfin, se trouve écarté le moyen selon lequel les dispositions contestées auraient la nature d’une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives interdite par le droit de l’UE. La cour constitutionnelle indique que, sans avoir à se prononcer sur la nature de MEERQ, la mesure contestée est justifiée par la protection du bien-être animal, laquelle constitue un objectif légitime d’intérêt général au sens du droit de l’UE, ce qui rend admissible une éventuelle restriction apportée (pts. B.32 et s.).
- 1 Pour une présentation détaillée de cette disposition, v. O. LE BOT, Droit constitutionnel de l’animal, Independently published, 2023, § 57 et s.
- 2 Cour constitutionnelle du Luxembourg, 26 septembre 2008, arrêt n° 46/08 – Cour constitutionnelle du Luxembourg, 16 décembre 2016, arrêt n° 127. Dans aucun de ces arrêts, la cour n’a retenu que la disposition en cause était contraire à l’article 11 bis. Dans le premier arrêt, il s’agissait d’une législation restreignant la possibilité de construire des ouvrages dans certaines zones dignes de protection (la cour souligne qu’en posant une telle législation, « l’État exécute la mission lui conférée par l’article 11bis, paragraphe 1er, de la Constitution »). Dans le second arrêt, était en cause une législation n’autorisant pas les constructions nouvelles d’immeubles destinés à des activités équestres de nature commerciale ou de loisir, dans des zones définies (la cour indique qu’une telle législation ne constitue pas une « mesure qui contrevient à la norme constitutionnelle de promotion de la protection et du bien-être des animaux »).
- 3 Cour constitutionnelle du Luxembourg, 16 décembre 2016, arrêt n° 127.
- 4 Les six autres sont les suivantes : les droits de l’enfant ; le dialogue social ; l’accès à la culture et le droit à l’épanouissement culturel, la protection du patrimoine culturel ; la liberté de la recherche scientifique ; l’initiative législative citoyenne ; l’Ombudsman.
- 5 Rapport de la Commission des institutions et de la révision constitutionnelle sur la proposition de révision du chapitre II de la Constitution, 8 février 2022, p. 19.
- 6 Rapp. préc., p. 19.
- 7 Cour suprême de l’Inde, 7 mai 2014, Animal Welfare Board of India vs. A. Nagaraja & Ors, n° 5388 of 2014 & ors.
- 8 Pour une présentation de cette décision, v. RSDA 2014/1, pp. 127-130, chron. O. LE BOT, « Inde : la Cour Suprême somme les autorités d’agir ».
- 9 Cour suprême de l’Inde, 18 mai 2023, The Animal Welfare Board of India & ors. v. Union of India and anr., writ petition (civil) no. 23 of 2016.
- 10 § 24 : « Alors même que la protection de l'article 21 a été conférée à la personne plutôt qu'au citoyen, [...], nous ne pensons pas qu'il soit prudent pour nous de nous aventurer dans un aventurisme judiciaire en faisant entrer les taureaux dans le mécanisme de protection susmentionné. Nous doutons que la détention d'un taureau errant dans la rue contre son gré puisse donner lieu à un recours constitutionnel en habeas corpus. Dans l'arrêt A. Nagaraja (supra), la question de l'élévation des droits statutaires des animaux au rang de droits fondamentaux a été laissée au niveau du conseil ou a été formulée comme une suggestion judiciaire. Nous ne voulons pas nous aventurer au-delà et laissons cet exercice à l'appréciation de l'organe législatif approprié ».
- 11 Cour constitutionnelle de Belgique, 20 juillet 2023, arrêt n° 114/2023.