Actualité juridique : Jurisprudence

Droit du commerce international

  • Sandrine Clavel
    Professeure à l’université Paris Saclay
    UVSQ, DANTE
  • Tintignac Max Gino
    Avocat à la Cour, Collaborateur
    White & Case LLP

I/Un animal, des animaux1

1 Chasseur blanc, cœur sec. Protéger les espèces par le contrôle de leur commerce : l’import-export des trophées de chasse en question.

« La chasse aux trophées est une pratique récréative consistant à poursuivre et abattre un animal pour obtenir tout ou partie de son corps aux fins d’exhibition. Le plus souvent pratiquée par de riches Occidentaux, cette chasse s’attaque aux spécimens les plus gros, forts, âgés ou rares, prisés pour la valeur décorative de leurs cornes, tête, peau, dépouille ou défenses ». Ainsi s’ouvre le Rapport à l’Assemblée nationale française (n°2107), déposé le 24 janvier 2024 par Madame la députée Sandra Regol, sur la proposition de loi visant à interdire l’importation et l’exportation des trophées de chasse d’espèces protégées (n°1895). Cette proposition de loi se présentant comme transpartisane, déposée le 21 novembre 2023, s’annonce comme le prolongement d’une évolution passée un peu inaperçue (en tout cas de notre chronique), issue de l’article 26 de la loi n°2023‑610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces modifiant l’article 67 bis-1 du code des douanes. Ce texte autorise désormais les agents des douanes à prétendre être des acheteurs pour identifier et sanctionner les personnes important illégalement des trophées de chasse2 en France. Jusqu’alors, cette pratique n’était autorisée que pour lutter contre les importations de stupéfiants et de tabac manufacturé. Une telle évolution, incontestablement positive, suppose toutefois pour porter ses fruits que l’illégalité de l’importation des trophées de chasse soit largement consacrée.

Or l’importation de trophées de chasse n’est pas en soi illégale en France. Conformément aux engagements souscrits dans le cadre de la CITES et aux obligations résultant des textes de l’Union européenne3, la France réglemente et contrôle l’importation et l’exportation de trophées de chasse d’animaux protégés par ces textes en exigeant des certificats et des autorisations4, sous peine de sanctions5. Mais elle ne les interdit pas formellement, à l’exception de celles concernant les trophées de lions faisant suite à l’engagement pris « de facto » en 2015 par Madame Ségolène Royal, alors Ministre de l’environnement, que la France ne délivrerait plus de permis pour de tels trophées. La proposition de loi française vise, dans ce contexte, à « sanctionner l’importation, l’exportation ou la réexportation de tout ou partie d’un animal d’une espèce inscrite aux annexes A, B et C du règlement CE 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces et d’autre part, la publicité en faveur de la pratique de la chasse d’un animal de ces espèces ».

La discussion politique française semblait portée par une dynamique favorable : le 25 janvier 2024, le Parlement belge a en effet adopté à l’unanimité une loi interdisant l’importation dans le pays de trophées de chasse d’espèces en danger. Promulguée le 9 février 2024 et publiée au Moniteur belge le 3 avril 2024, la loi modifiant la loi du 28 juillet 1981 portant approbation de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, et des annexes faites à Washington le 3 mars 1973, ainsi que de l’Amendement à la Convention adopté à Bonn le 22 juin 1979 prohibe strictement l’importation de trophées issus de toutes les espèces inscrites à l’annexe A du règlement européen n°338/97, telles que les jaguars, les guépards, les léopards, certains ours bruns, les zèbres de montagne du Cap, les chimpanzés et les éléphants d’Afrique, ainsi que certaines espèces figurant à l’annexe B du même règlement et à l’annexe XIII du règlement (CE) n°865/2006, notamment les lions d’Afrique, les rhinocéros blancs du Sud, les hippopotames et les mouflons argali. La Belgique rejoint ainsi la position pionnière des Pays-Bas, dont le gouvernement a dès 2019 interdit l’importation des trophées de chasse concernant environ 200 espèces, et de la Finlande dont le Nature Conservation Act prohibe, depuis une réforme adoptée le 13 décembre 2022 et entrée en vigueur le 1er janvier 2023, les importations de trophées de chasse de certaines espèces protégées depuis les Etats tiers à l’Union européenne (v. en part. la section 88). Des discussions quant à l’adoption d’une telle prohibition sont en cours en Italie, en Espagne ou en Pologne, ainsi qu’au Royaume-Uni où une proposition de loi, le Hunting Trophies (Import Prohibition) Bill 2023-24, a été déposée et discutée par la représentation nationale en 2024.

En France comme au Royaume-Uni, le débat politique semble toutefois enlisé. Comme souvent, l’argument « scientifique » est mobilisé, tous azimuts et sans grande nuance : interdire l’importation des trophées issus de certains espèces protégées serait « contre-productif » en ce que la chasse aux trophées, parce qu’elle vise à prélever de façon très sélective des individus malades ou âgés, pourrait s’avérer favorable au renouveau des populations. Sur ce sujet, on consultera avec intérêt le très complet exposé des motifs d’une proposition de loi visant à l’arrêt de l’émission de permis d’importation de trophées de chasse de certaines espèces menacées, passée encore plus inaperçue puisque déposée devant le Sénat français le 26 mai 20236 mais jamais discutée : la sénatrice Céline Boulay-Espéronnier s’attache à faire ressortir les biais de lecture de l’étude scientifique conduite en 2007 par P.A. Lindsey, S.S. Romanach et P.A. Roulet7, régulièrement invoquée par les défenseurs de la chasse aux trophées au soutien de leur thèse ; la sénatrice confronte en outre cette étude à toute une série de papiers aux conclusions beaucoup plus modérées, voire contraires 8, démontrant les effets délétères de la chasse aux trophées sur la conservation des espèces. Ce débat politico-scientifique est sans doute loin d’être clos : comme souvent, les discussions politiques ont suscité de nouvelles études scientifiques, comme celle publiée en septembre 2024 par des chercheurs d’Oxford, intitulée Evaluating key evidence and formulating regulatory alternatives regarding the UK’s Hunting Trophies (Import Prohibition) Bill9 qui soutient et  prolonge les thèses de P.A. Lindsey. En définitive, l’incertitude scientifique favorise un déplacement sur le terrain éthique : c’est en renforçant les arguments scientifiques par le recours à l’éthique la branche française de l’UICN10 et de nombreux scientifiques français(11) comme étrangers12 se prononcent en faveur d’une interdiction.

Reste que des arguments économiques et désormais juridiques sont également appelés à la rescousse pour freiner la mise en place des interdictions d’importation. Sur le terrain économique, il est fréquemment opposé d’une part que la chasse aux trophées serait une source de revenus importants pour les pays africains où elle se pratique, et serait donc utile au développement local, d’autre part que la chasse aux trophées finance et donc favorise une partie de la conservation des espèces dans les pays appelés à la mettre en œuvre. Là encore, les contre-arguments sont puissants : si les enjeux financiers sont réels13, démentant le prétendu caractère « anecdotique » de cette pratique « récréative », des études économiques s’attachent à démontrer que les bénéfices de la chasse aux trophées pour les communautés locales sont nettement surestimés14. Sur le terrain juridique, les arguments invoqués sont d’inégale valeur. Il n’y a pas lieu de s’attarder longuement sur les « scrupules » de certains hommes politiques faisant valoir que la prohibition des importations de trophées de chasse constituerait une « ingérence » dans la gestion de la biodiversité menée par les pays africains concernés. Si ces pays africains peuvent souverainement, dans la limite de leurs obligations internationales, autoriser la chasse aux trophées sur leur territoire, les pays « destinataires » de ces trophées peuvent tout aussi souverainement, là encore dans la limite de leurs obligations internationales, en interdire l’entrée sur leur territoire, quand bien même cette interdiction aurait pour conséquence de rendre moins « attractive » la chasse aux trophées. C’est donc bien en réalité à la seule teneur de ces obligations internationales qu’il convient de réfléchir.

Comme toujours en cas de restrictions aux importations, les règles de l’OMC doivent être respectées. Le débat est récurrent : les restrictions au commerce destinées à la protection des animaux peuvent-elles être justifiées au regard de ces règles ? Une réponse positive suppose que les mesures restrictives : 1) soient justifiées par un objectif de politique publique admis par le droit de l’OMC ; 2°) qu’il existe un lien nécessaire entre l’objectif poursuivi et les mesures prises (proportionnalité) ; et 3°) sous réserve de ne pas soumettre les produits importés à un traitement moins favorable à celui réservé aux produits similaires nationaux ou émanant d’autres Etats (non-discrimination). Le point de savoir si les restrictions en matière de bien-être animal relèvent d’un « objectif de politique publique admis par le droit de l’OMC » constitue une difficulté15 qui reste à notre connaissance non tranchée à ce jour. En revanche, il nous semble que l’état du droit positif international devrait nécessairement conduire l’OMC à reconnaître que la protection de la biodiversité – dont relève la prohibition de l’importation de trophées ‑ est un objectif de politique public admissible. C’est donc plutôt sur le terrain de la proportionnalité de cette interdiction, en exploitant les ambiguïtés scientifiques déjà évoquées, que la discussion pourrait être instaurée pour la contester.

Il faut aussi compter, dans la mesure où les premières législations en la matière émanent d’Etats européens, avec le droit de l’Union : la Finlande, on l’a souligné, s’est gardée de toucher à la libre circulation des marchandises intra-Union, ne posant d’interdictions que pour les importations depuis des pays tiers. Même ainsi formulée, la prohibition pourrait se voir contester : une étude juridique publiée en 202416, commandée au cabinet GvW Graf von Westphalen par la branche allemande du CIC (International Council for Game and Wildlife Conservation) ‑ dont il importe de préciser qu’elle se définit elle-même comme une organisation « dédiée à la promotion des efforts de conservation menés par les chasseurs » ‑ fait valoir que la prohibition de l’importation des trophées de chasse depuis les Etats tiers, adoptée par certains Etats membres, serait contraire au droit de l’Union en ce qu’elle porterait atteinte à la compétence exclusive dont l’Union est titulaire en matière de « politique commerciale commune ». L’argument n’est pas sans fondement : les restrictions aux importations depuis les Etats tiers relèvent bien, en principe, de la compétence exclusive de l’Union européenne (art. 3 et 207, TFUE)17. Mais le sujet est délicat et pourrait être débattu sur de nombreux points. Tout d’abord, les prohibitions d’importation de trophées de chasse relèvent-elles du domaine environnemental, dans lequel l’Union et les Etats membres ont une compétence partagée (art. 4, TFUE), ou sont-elles des mesures purement commerciales, relevant pour cette raison de la compétence exclusive de l’Union ? La réponse est discutable : d’un côté, ces mesures constituent bien une restriction à la circulation des marchandises, et pourraient donc relever de la politique européenne commune d’importation ; de l’autre, leurs objectifs concernent au premier chef le domaine environnemental, en ce que leur unique raison d’être est la préservation de la biodiversité, ce que confirment le préambule et l’article 1er du règlement n°338/97. Ensuite, ledit règlement européen, qui pose des mesures restrictives à l’importation de certaines espèces pour assurer leur protection, ne préjuge pas « des mesures plus strictes pouvant être prises ou maintenues par les États membres, dans le respect du traité, notamment en ce qui concerne la détention de spécimens d'espèces relevant du présent règlement »18 : l’adverbe « notamment » pourrait être compris comme autorisant les Etats membres à prendre des mesures plus strictes également en matière d’importation de trophées ; les dispositions combinées du règlement ne sont toutefois pas parfaitement limpides sur ce point. Enfin, dans la mesure où les règlements européens applicables19 laissent le soin aux autorités nationales d’instruire les demandes de permis d’importation de trophées de chasse, permis dont le règlement pose l’exigence de principe pour les trophées d’espèces protégées, ne pourrait-on considérer qu’il est en tout état de cause loisible aux Etats membres de donner instruction à leurs administrations de refuser toutes ces demandes de permis pour les espèces dont la conservation est en péril ? C’est ce qu’a implicitement préconisé la Commission européenne à propos de l’importation des cornes de rhinocéros20, rappelant que « les États membres devraient suivre les recommandations suivantes lorsqu’ils traitent des demandes [de permis] d’importation de trophées de chasse de spécimens de rhinocéros :i) comme toujours, vérifier si les autorités scientifiques ont conclu que l’introduction dans l’Union européenne de ces spécimens aura un effet néfaste sur la conservation de l’espèce - aucune mesure supplémentaire n’est requise et la demande doit être rejetée s’il n’a pas été possible de parvenir à un avis de commerce non préjudiciable ». Le débat juridique, en définitive, semble étroitement lié à une prise de position éthique sur un débat scientifique : favoriser la chasse aux trophées, par l’émission de permis d’importation, est-il favorable à la conservation des espèces ? Certes le débat scientifique est, on l’a vu, loin d’être tranché. Le doute devrait cependant, à suivre la Commission qui préconise le rejet de la demande de permis « s’il n’a pas été possible de parvenir à un avis de commerce non préjudiciable », militer en faveur de l’interdiction « par précaution ».

S.C.

 

II/ Activités des organisations internationales

2 OMC. En 2024, l’OMC a poursuivi le sixième examen de l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (l’« Accord SPS ») du 1er janvier 1995, qui pose un socle commun de règles et normes sanitaires relatives aux animaux et végétaux, afin de garantir l’innocuité des produits alimentaires. L’article 12 §7 de cet Accord impose aux membres de revoir périodiquement son fonctionnement et sa mise en œuvre par des ‘examens’ donnant lieu à des rapports soumis pour adoption aux Etats-membres. Plusieurs sessions de travail, sous forme de ‘séances thématiques’ ou de ‘réunions formelles’, se sont tenues durant l’année, afin de parvenir à l’adoption d’un « rapport sur le sixième examen » horizon mars 2025. Dans l’intervalle, ces réunions ont mené à l’adoption d’un programme de travail sous la forme d’un rapport identifiant les difficultés et possibilités liées à la mise en œuvre de l’Accord SPS21. Cette étape intermédiaire, qui fixe donc cadre et objectifs pour le sixième examen, permet également d’acter l’accord des membres de l’OMC sur certains points précis, dont l’importance des normes, directives et recommandations internationales élaborées par l’OMSA pour promouvoir la sécurité alimentaire internationale22 ainsi que la nécessité d’adapter les mesures SPS aux spécificités régionales afin notamment de mieux « protéger la santé et la vie des animaux »23. La suite en 2025.

M.G.T.

3 OMSA. Pour son 100ème anniversaire, l’OMSA (Organisation Mondiale pour la Santé Animale) a tenu sa session générale en mai 2024 à Paris, à laquelle ont participé près de 1.100 personnes originaires de 166 pays. A cette occasion, l’OMSA a renouvelé les Protocoles d’entente conclus avec plusieurs entités de l’Union Africaine afin en particulier d’apporter son soutien pour la mise en œuvre des normes sanitaires et phytosanitaires (tirées de l’Accord SPS et transposées en annexe de l’Accord de libre-échange continental africain), qui posent des problèmes particuliers en Afrique (coût, complexité, et conséquences de ces mesures sur le commerce et la santé public)24. Toujours en mai, l’OMSA a également publié ses Lignes directrices pour la gestion des risques de maladies dans le commerce de la faune sauvage. Destinées principalement aux autorités publiques concernées par le commerce d’espèce sauvages, les Lignes directrices couvrent toutes les facettes de la gestion du risque, de la cartographie des systèmes commerciaux à l’évaluation des risques, en passant par la surveillance et l’évaluation des mesures mises en place. On remarquera qu’elles mettent l’accent à plusieurs reprises sur l’importance d’une approche globale prenant en compte « la préservation de la biodiversité, le bien-être animal, et [l’impact des] réglementations nationales et internationales sur les espèces menacées et en voie de disparition ».

M.G.T.

4 OMI, UE et Commerce maritime international. L’impact négatif du commerce maritime international sur la faune marine connaît plusieurs manifestations : aux collisions, contre lesquelles certains opérateurs internationaux cherchent spontanément à lutter dans le cadre de leurs politiques RSE25, s’ajoutent des pollutions diverses, dont la pollution sonore, particulièrement néfaste notamment pour les cétacés. Les normes internationales en la matière existent, mais elles sont, faute de consensus suffisant, essentiellement incitatives : l’Organisation Maritime Internationale (OMI) a ainsi adopté le 7 avr. 2014 des Directives visant à réduire le bruit sous-marin produit par les navires de commerce pour atténuer leurs incidences néfastes sur la faune marine (MEPC.1/Circ.833), qui ont été actualisées et renforcées en 2023 (version révisée disponible en anglais seulement). Il est donc remarquable que la Commission ait adopté en 2024 un seuil contraignant en matière de pollution sonore sous-marine26, que les Etats membres sont tenus de mettre en œuvre en application de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » à partir du mois d’octobre 2024. Cette mesure pourrait avoir des conséquences économiques non négligeables pour les opérateurs du transport maritime international. Sa portée reste toutefois limitée pour l’heure, car si le respect du seuil est bien désormais « obligatoire », aucune sanction n’est prévue en cas de violation.

S.C.

5 UE. 2024, année de la contemplation ? Il y a tout juste un an, nous partagions dans cette chronique notre déception quant à la tournure prise par l’année 2023 en matière de politique commerciale de l’Union Européenne en lien avec le bien-être animal : des quatre règlements annoncés dans le cadre de la stratégie « de la ferme à la table » (Farm to Fork) de 202027, la Commission Européenne avait revu ses ambitions à la baisse en ne proposant finalement que deux textes (sur lesquels v. infra), le 7 décembre 2023. Turbulences révélatrices de quelques hésitations passagères ou d’un véritable changement de cap ? A défaut d’avancée concrète, c’est sans doute à cette question que l’année 2024 aura permis de répondre. Au moment d’écrire ces lignes, le site internet du Parlement européen indique que « le calendrier concernant le reste des propositions n’est toujours pas défini », un aveu d’impuissance à l’image de ces douze mois de quasi-stagnation.

Alors que 2023 finissait sur un « renoncement » de taille28, c’est sur une note enthousiaste qu’a débuté l’année 2024. Le 24 janvier, la Présidente de la Commission Ursula von der Leyden a réaffirmé son attachement au Pacte Vert (qui inclut en son sein la stratégie Farm to Work) en lançant dès janvier un « Dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture de l’Union », décrit comme un nouveau forum réunissant les différents acteurs de la chaîne agroalimentaire afin de définir une « vision commune de l’agriculture dans l’UE ». Peut-être s’agissait-il de la seule issue à l’impasse qui semblait guetter les travaux sur les projets de règlement avortés, et peut-être cela ouvrira-t-il la voie à un consensus dans un domaine où les positions sont bien souvent polarisées, entre considérations éthiques, scientifiques, et intérêts commerciaux. Cette initiative, arrivée opportunément au moment où Madame von der Leyden était candidate à sa propre réélection (finalement prononcée en juillet) et où le Pacte Vert avait du plomb dans l’aile29, laisse malgré tout dubitatif. Et cela n’était sans doute pas suffisant pour la Présidence belge du Conseil de l’UE qui, frustrée par les déconvenues rencontrées par la Commission dans la préparation du paquet législatif européen en matière de bien-être animal, a tenu dans la foulée (le 29 janvier) un colloque dont le nom parle de lui-même : « Call to Care for Animal Welfare »30. Cette journée qui visait à replacer le bien-être animal « au cœur de l'agenda européen » a réuni décideurs politiques, experts, défenseurs du bien-être animal et différentes parties prenantes de plusieurs États membres européens pour discuter des nouvelles propositions législatives de la Commission européenne sur le bien-être des animaux lors du transport, ainsi que sur le bien-être et la traçabilité des chiens et des chats. Attendue de pied ferme, la Commissaire Stella Kyriakides s’est voulue rassurante dans son discours sur l’engagement de la Commission en faveur du bien-être animal. Sur le sujet délicat de l’initiative citoyenne européenne relative à la « fin de l’ère des cages » (précédemment acceptée par la Commission), elle a d’abord apaisé (« La Commission n’a pas renoncé à son engagement ») avant d’annoncer des travaux supplémentaires nécessaires pour atteindre une « proposition équilibrée qui tienne compte des coûts, des périodes de transition nécessaires et de l'impact sur [les] partenaires commerciaux [de l’UE] ». La Commissaire Kyriakides a enfin souligné l’importance de parvenir à un consensus, ce qui – annonçait-elle – serait l’objet du dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture dans l’UE, que la présidente von der Leyen avait lancé quatre jours plus tôt.

Présidé par Peter Strohschneider (ancien président du Conseil allemand des sciences et sciences humaines puis de la Fondation allemande pour la recherche) et comprenant des représentants de l'industrie agroalimentaire, des organisations environnementales, des syndicats agricoles, des associations de consommateurs, des institutions académiques, des coopératives agricoles et des institutions financières, le dialogue stratégique s’est réuni en plénière à sept reprises entre janvier et août 2024, avant de remettre son rapport à la Commission en septembre 202431. Face à l’impérative transition vers des pratiques agricoles durables, notamment en termes de bien-être animal (car oui, ces deux notions ne sont pas mutuellement exclusives32), le rapport recommande notamment (i) une révision du cadre législatif actuel en faveur de normes plus strictes basées sur les dernières données scientifiques, tout en prévoyant une application progressive pour ne pas mettre en péril la viabilité économique des agriculteurs ; (ii) l’introduction d’un nouveau système d’étiquetage basé sur le bien-être animal (Animal Welfare Labelling) afin d’assurer une meilleure information du consommateur, d’accroître la transparence, mais également de récompenser les agriculteurs qui adoptent des meilleures pratiques de bien-être animal et en supportent les coûts (ce qui ne sera pas sans rappeler le rapport de la Cour des comptes européenne, déjà évoquée dans une chronique antérieure33), et (iii) le financement de la transition par des subventions, investissements privés et la création d’un fonds commun, l’Agri-food Just Transition Fund (AJTF). Quant aux prochaines étapes, le rapport propose également la création d’un Conseil européen de l’agroalimentaire (EBAF, pour European Board on Agriculture and Food) chargé notamment d’examiner les initiatives politiques de l’UE et de leur impact socio-économique et de proposer des ajustements au cadre réglementaire existant34. L’appel à candidatures a déjà été lancé pour trouver les futurs membres de cet EBAF35.

2024 aura donc permis de réaffirmer des objectifs que 2023 semblait avoir perdu de vue, bien que les progrès concrets semblent en réalité maigres. Le rapport invite en effet la Commission à proposer la révision de la législation sur le bien-être animal, en ce compris la législation relative à l’interdiction des cages, « d’ici 2026 » (ce qui acte d’ores et déjà trois ans de retard sur les objectifs initiaux du programme « Farm to Fork », lequel annonçait ces changements règlementaires pour le dernier trimestre 202336). Visiblement peu convaincus37, plusieurs députés européens ont interrogé en novembre 2024 la Commission sur le point de savoir si elle entend « inclure la révision des autres actes législatifs sur le bien-être animal (sur les animaux détenus, l’abattage et l’étiquetage) dans son programme de travail pour 2025, afin de garantir que les propositions en suspens sur le bien-être animal puissent être présentées d’ici 2026 ? »38. Réponse attendue pour février 2025.

M.G.T.

6 UE. Mercosur. L’aboutissement des négociations entre l’Union européenne et le Mercosur ‑ dont les prémices remontent à 1999 ‑ par l’annonce d’un accord politique de libre-échange le 6 décembre 2024, pourra à certains égards être qualifié de succès pour le « gouvernement » de Madame von der Leyen. Il constitue pourtant un ferment de discorde interne, plusieurs pays dont la France ayant officiellement affirmé leur opposition à l’accord « en l’état ». Il faut dire que, scellé en pleine crise agricole, l’accord « viande contre voitures » ‑ sobriquet dont il se voit affublé en ce qu’il permettrait aux entreprises européennes d'exporter davantage de produits industriels et de services alors que les pays du Mercosur pourraient exporter davantage de produits agricoles vers l'Union européenne – met en difficulté, au moins politiquement, ceux des pays européens dont l’économie repose en partie sur l’agriculture. Economiquement, il est à ce stade difficile d’évaluer l’impact que l’accord de libre-échange aura dans ces pays : l’administration européenne déploie depuis la fin de l’année 2024 une communication lénifiante, destinée à rassurer entreprises et citoyens européens, invoquant les garanties de qualité imposées par l’Accord concernant les exportations vers le marché européen et les opportunités économiques résultant d’une plus grande ouverture du marché du Mercosur aux producteurs agricoles européens. La réduction drastique de la taxation par le Mercosur de certains produits européens, notamment les vins et spiritueux ou encore les produits laitiers, mais aussi la simplification des processus d’approbation des exportations et la meilleure protection intellectuelle des appellations et indications  d’origine, sont mises en avant.

Il n’empêche, l’accord de libre-échange avec le Mercosur aura réussi l’exploit d’allier temporairement le monde politique39, le monde agricole au sens large – incluant l’interprofession de la viande ‑ et les défenseurs de la cause animale, autour de l’insuffisance des garanties offertes, notamment en matière de bien-être animal. Dans le discours des producteurs de viande, c’est l’absence de « clauses miroirs » qui se trouve une nouvelle fois mise en cause. Ces mesures, qui consistent à imposer une réciprocité entre les normes de production des deux contractants et donc à s’aligner sur la législation la plus stricte, sont considérées comme essentielles pour éviter des distorsions de concurrence : comment les producteurs européens pourraient-ils être compétitifs sur le marché européen s’ils sont astreints au respect de normes de production, dont celles relatives à bien-être animal, que leurs concurrents outre-Atlantique au ne sont pas tenus de mettre en œuvre pour accéder à ce même marché ? Du côté des défenseurs de la cause animale40, sont dénoncées tout à la fois l’insuffisance des garanties instituées pour assurer le bien-être animal dans les exploitations du Mercosur, et les effets pervers globaux de la libéralisation des échanges de produits carnés sur le bien-être animal, notamment en raison de leur incidence sur l’intensification de la production et du transport international d’animaux.

Il est vrai que le texte de l’accord issu du dernier round des négociations, dont il faut rappeler qu’il est encore provisoire puisqu’il doit désormais être approuvé par les Etats membres de l’Union, ne répond pas à toutes ces inquiétudes. Comme souvent en matière de commerce international41, la question animale y transparaît – plus qu’elle n’est directement appréhendée – au travers de deux types de considérations : celles liées à la protection de la biodiversité, et celles liées aux normes et barrières techniques. En attendant le texte définitif de l’Accord, qui sera analysé dans cette chronique une fois adopté, on renverra aux analyses précitées42, en soulignant seulement que sur des questions importantes comme le soutien aux producteurs engagés dans une démarche « durable » ou le bien-être animal, l’Accord procède principalement par renvoi à des discussions et coopérations ultérieures entre les parties, ce qui n’est guère de nature à rassurer.

S.C.

 

III/ Commerce licite

7 Monde. Transports d’animaux vivants. Les conditions souvent abominables dans lesquelles s’effectue cette activité-clé du commerce international d’animaux qu’est le transport international d’animaux vivants ont été à plusieurs reprises dénoncées dans cette chronique43. L’année 2024 démontre que ces souffrances ne sont pas une fatalité : le 20 mai 2024, le Royaume-Uni a définitivement adopté son Animal Welfare (Livestock Exports) Act, interdisant sous peine de sanctions l’exportation d’animaux vivants aux fins d'abattage (ou d’engraissement avant abattage) en dehors des îles britanniques, depuis ou à travers la Grande-Bretagne. L'interdiction vise différentes catégories de mammifères (bovins, chevaux, moutons, chèvres, porcs et sangliers) ; elle ne concerne pas les volailles. Les exportations d'animaux vivants restent possibles dans certaines circonstances, notamment pour les exportations destinées à la reproduction et à l’élevage. Les importations vers les îles britanniques ne sont pas visées, mais celles réalisées aux fins d’abattage seraient, selon le dossier législatif, statistiquement marginales. L’entrée en vigueur de certaines dispositions (les sections 1 et 5) est reportée à une date définie par décrets ministériels. La Grande-Bretagne rejoint ainsi la Nouvelle-Zélande et l’Australie au nombre des pays ayant adopté une interdiction de ce type.

En Nouvelle-Zélande, le Animal Welfare Amendment Act 2022, entré en vigueur en avril 2023, amende le Animal Welfare Act 1999 pour interdire l’exportation de certains mammifères vivants par mer. Si la portée de l’interdiction est plus limitée que celle du droit anglais en ce qu’elle ne vise que le transport par mer et un nombre plus limité d’espèces, elle est en revanche plus large en ce qu’elle ne distingue pas en fonction de l’objectif poursuivi – élevage ou abattage – dans le cadre de l’exportation. Or ces éléments ont une grande importance pratique, et leurs conséquences doivent être comprises tant du monde politique de la société civile. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, l’application de l’interdiction sans considération de l’objectif de l’exportation pourrait être prochainement remise en cause. Le gouvernement de coalition actuellement au pouvoir a annoncé en novembre 2024 travailler à une réinstauration partielle du droit d’exporter les animaux vivants aux fins d’élevage, en imposant cependant de nouvelles exigences pour les exportateurs en matière d'identification des risques et de gestion du bien-être des animaux tout au long du voyage.

En Australie, le Export Control Amendment (Ending Live Sheep Exports by Sea) Bill 2024, amendant le Export Control Act 2020 et entré en vigueur le 10 juillet 2024, mettra fin aux exportations de moutons vivants par mer depuis l’Australie à compter du 1er mai 2028, des mesures de transition étant mises en œuvre dans l’intervalle. Là encore, la portée de la législation reste réduite, puisqu’elle concerne le seul transport par mer, d’une seule espèce, pesant il est vrai lourd dans le commerce international australien.

Les évolutions des droits néo-zélandais et australiens seront suivies avec d’autant plus d’attention en 2025 que l’Union européenne devrait avancer en parallèle sur sa proposition de règlement en matière de transport d’animaux, qui a reçu un certain nombre de critiques en raison de son caractère insuffisamment protecteur pour les animaux (v. infra). Le gouvernement conservateur britannique, à l’origine de l’interdiction d’exportation susvisée, n’a d’ailleurs pas manqué de communiquer très largement sur le fait que cette avancée n’avait été rendue possible que grâce au Brexit

S.C.

8 UE. Transports d’animaux vivants. Dans le prolongement de l’adoption d’un nouveau projet de règlement sur la protection des animaux durant le transport, le 7 décembre 202344, la Commission européenne a soumis son texte à une consultation publique et obtenu pas moins de 5.482 avis, particulièrement hétérogènes, revus et synthétisés dans un rapport. Si l’objectif du nouveau règlement, à savoir l’amélioration des conditions de transport animal, fait l’unanimité45, de nombreux citoyens et ONG ont exprimé des préoccupations quant aux souffrances infligées aux animaux durant les longs trajets, plaidant pour des interdictions strictes du transport de longue distance des animaux destinés à l’abattage (solution qui avait été écartée par la Commission46) et appelant à durcir la règlementation sur le temps, la température, et le confort du transport ainsi que pour les animaux vulnérables47. En face, associations et syndicats industriels et agricoles craignent que ces nouvelles règles ne présentent un défi de conformité susceptible d’impacter négativement la compétitivité du marché européen, notamment pour les régions du sud de l’Europe. Ils appellent à une meilleure appréciation des réalités géographiques et économiques, ainsi qu’à une plus grande flexibilité48. Réactions en demi-teinte donc, sans surprise puisque plusieurs des objectifs de cette révision (définis par la Cour des comptes européenne comme la promotion du transport de viande plutôt que d’animaux vivants, la limitation des trajets à 8 heures maximum, ou encore l’attribution d’une valeur monétaire à la souffrance animale afin de l’ajouter au coût de la viande49) ne sont pas au rendez-vous. Un brin frustrant, pour ce qui sera finalement la seule avancée notable de l’année sur cette proposition de règlement, dont le sort était vraisemblablement dépendant de l’issue du dialogue stratégique évoqué plus haut50.

M.G.T.

9 UE. Commerce des chiens et des chats. On partait de plus loin s’agissant de la seconde proposition rescapée du paquet législatif de quatre règlements (voir supra), puisque le bien-être des chiens et des chats n’avait jusqu’alors jamais fait l’objet d’une normalisation à l’échelle européenne. Le 7 décembre 2023, la Commission européenne a adopté pour la première fois une proposition de législation sur le bien-être des chiens et des chats ainsi que sur leur traçabilité, une avancée historique qui ravira les 70 millions d’amis canins et 83 millions d’amis félins qui peuplent l’Union européenne (soit un animal de compagnie dans près d’un foyer sur deux)51. C’est précisément leur nombre croissant, et l’augmentation concomitante du commerce (et des ventes en ligne) de ces animaux, qui ont imposé l’adoption de normes communes afin de garantir une protection minimale sur le territoire de l’Union et de lutter efficacement contre le commerce illégal.

Les principaux acteurs visés sont donc les opérateurs du commerce des chiens et chats, de la boutique d’animaux de compagnie à l’établissement d’élevage, en passant par les refuges et les transporteurs (les importations en provenance de pays tiers étant également visées par la proposition). Pour la première fois, des normes minimales s’appliqueront au logement, aux soins et au traitement de ces animaux à travers l’UE, notamment durant le transport. Des exigences strictes en matière de traçabilité, avec la possibilité de contrôles automatisés, faciliteront le contrôle des autorités sur l’élevage et le commerce de ces animaux et permettront aux futurs propriétaires de vérifier l'origine de leur animal52. Les chats et chiens importés pour être mis sur le marché de l'UE devront notamment être enregistrés dans une base de données dans les cinq jours ouvrables suivant leur entrée, tandis qu’une base de données sera spécifiquement créée pour le suivi des animaux de compagnie en déplacement53.

A l’instar de la proposition de règlement sur le transport des animaux, cette proposition de législation a également fait l’objet d’une consultation publique, dont les résultats ont ici aussi été présentés dans un rapport54. Les 532 contributions obtenues (en provenance de citoyens européens et non-européens, d’ONG, d’entreprises, d’associations et syndicats professionnels, d’autorités publiques, d’institutions académiques, etc.) saluent une proposition longuement attendue. Parmi les principales propositions de modifications, on retrouve (i) l’extension de l’exigence d'identification à tous les chiens et chats de l'UE, (ii) l’inclusion d’une définition claire de l’élevage extrême55, et (iii) l’application des règles prévues à tous les éleveurs, quelle que soit la taille de l’établissement concerné. Certains retours, plus isolés, appelaient à interdire la vente de chiens et de chats dans les animaleries et en ligne, ainsi qu’à améliorer les visites vétérinaires et les conditions d’alimentation et d’abreuvement des animaux56.

Le 26 juin 2024, le Conseil de l'Union européenne a approuvé le mandat de négociation pour cette législation. Reste donc au Parlement à arrêter sa position (sur la base du document de travail de la Commission) pour que les négociations avec la Commission puissent débuter et aboutir, à terme (horizon 2026 vraisemblablement57), à un texte définitif.

M.G.T.

IV/ Commerce illicite

10 ICCWC. Deux avancées majeures pour le Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (ICCWC – une organisation résultant d’un partenariat pour le moins unique entre la CITES, INTERPOL, l’ONUDC, le Groupe de la Banque Mondiale (GBM), et l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD)) en 2024. Premièrement, la tenue de la première conférence mondiale sur le commerce illégal d’espèces sauvages, qui a réuni 20 pays du 22 au 24 avril à Bruxelles, sur un thème particulièrement concret : Constituer des dossiers solides grâce à l’Opération Thunder. De la saisie aux poursuites. Différentes séances et ateliers impliquant tour à tour les services douaniers, les services d’enquête et de poursuite, ainsi que certaines organisations de la société civiles se sont succédé, dont le résultat sera incorporé lors de la mise en application de la Vision 2030, feuille de route de l’ICCWC58.

Deuxièmement, publié en août 2024, le rapport annuel 2023 de l’ICCWC fait le point sur les efforts transnationaux en faveur de la lutte contre le trafic illicite d'animaux59. En matière de règlementation d’abord, l’ICCWC avait mis à disposition des Etats plusieurs outils permettant d’élaborer des stratégies adaptées de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (un Toolkit – ou en bon français, la Compilation d’outils pour l’analyse de la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts – et un Indicator Framework – le Cadre d’indicateurs pour la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts). En 2023, l’ICCWC a accompagné 17 pays dans la mise en œuvre de recommandations issues d’évaluations réalisées à l’aide de ces outils. Concernant la formation ensuite, l’ICCWC a annoncé avoir enseigné à plus de 400 professionnels (grâce à des ateliers organisés en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo et au Mozambique notamment) des secteurs juridique, financier et commercial sur la lutte contre le blanchiment d’argent et les crimes financiers liés au commerce illicite d’animaux. Enfin, s’agissant des résultats de la lutte contre la criminalité, le rapport souligne les succès obtenus grâce aux collaborations internationales, comme le soutien à la plus grande saisie de cornes de rhinocéros de l’histoire de Singapour. Interpellé lors d’une escale à l’aéroport, le suspect se rendait au Laos depuis l’Afrique du Sud, emportant avec lui 20 morceaux de corne de rhinocéros totalisant près de 35 kilos d’ivoire. Un paquetage qui lui a valu une condamnation à la plus lourde amende jamais prononcée en matière de trafic d’animaux sauvages et deux ans d’incarcération. Par ailleurs, l’ICCWC a souligné le succès des opérations multilatérales (opérations Thunder et Mekong Dragon), pour lesquelles 2023 a été l’année la plus prolifique à ce jour (plus de 2.000 saisies pour l’opération Thunder, décrite dans la chronique précédente60, et 216 saisies pour l’opération Mekong Dragon)61. Le rapport souligne enfin que les coopérations internationales ont, plus largement, permis de renforcer les compétences des autorités nationales à travers plusieurs formations (enquête, scènes de crime, preuves numériques, etc.).

M.G.T.

11 ONUDC. Le rapport 2024 de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) sur la criminalité liée aux espèces sauvages (troisième édition après les rapports de 2016 et 2020) propose une évaluation transversale des connaissances actuelles sur les causes et les implications de ces crimes tout en proposant, comme pour les précédentes éditions, une appréciation quantitative du trafic mondial d’espèces sauvages et une série d’études de cas. Le rapport concède sans détour que, en dépit de deux décennies d’efforts concertés aux niveaux international et national, le trafic d’espèces sauvages persiste à l’échelle mondiale et (malgré des progrès sur certaines espèces emblématiques telles que les éléphants et les rhinocéros grâce à des efforts combinés sur la demande et l’offre) ne présente aucun signe de réduction substantielle. La criminalité reste foisonnante : les saisies, entre 2015 et 2021, ont impliqué 162 pays et territoires, pour environ 4 000 espèces végétales et animales. Au-delà de la menace immédiate pour la conservation des espèces ciblées, les réductions de population causées par le trafic d'espèces sauvages peuvent avoir une incidence à l’échelle des écosystèmes, en affectant les interdépendances entre espèces et en compromettant leurs chances de survivre au changement climatique. Enfin, le rapport remarque qu’outre le monde animal, cette criminalité impacte à la fois l’économie en menaçant les bénéfices procurés par la nature aux populations locales, et l’état de droit du fait de la corruption, du blanchiment d’argent et des flux financiers illicites qu’elle suscite.

M.G.T.

 

RSDA 2-2024

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