Actualité juridique : Jurisprudence

Droit criminel

Le cumul des peines de confiscation et de remise d’un animal (Cass. Crim., 18 juin 2024, pourvoi n° 23-84.094) 1

Mots clés : peine – confiscation – remise – modalité – cumul – retrait

 

1 L’affaire. Le 14 septembre 2022, la Cour d’appel de Riom reconnaît un éleveur de bovins coupable du délit de mauvais traitements par l’exploitant d’un établissement, incriminé par l’article L. 215-11 du Code rural et de la pêche maritime, de la contravention d’inexécution d’une mise en demeure de respecter les mesures propres à assurer la protection des animaux, prévue par l’article R. 205-6 dudit code, et de multiples contraventions de privation de soins ou d’alimentation, fulminées par l’article R. 215-4, I, 1 et 2° du même code. Pour les deux premières infractions, elle le condamne, à titre de peine principale, à la confiscation de l’intégralité de son cheptel. Quant aux contraventions de privations de soins ou d’alimentation, elle le condamne, également à titre de peine principale, à la remise des animaux à une œuvre de protection animale. Le prévenu forme un pourvoi. La Cour de cassation doit répondre à deux questions. La confiscation peut-elle s’appliquer à tous les animaux dont l’intéressé est propriétaire ou seulement à ceux qui ont été victimes des faits de mauvais traitements objet de la condamnation ? La peine de confiscation d’un animal, réprimant le délit de mauvais traitements, peut-elle se cumuler avec la peine de remise d’un animal à une œuvre de protection animale, réprimant les contraventions de mauvais traitements ? La Cour de cassation répond par l’affirmative aux deux questions. Il convient à cet égard d’identifier les conditions de la peine de confiscation d’un animal (I) pour mieux percevoir la distinction établie entre les peines de confiscation et de remise d’un animal (II).

 

I – Les conditions de la peine de confiscation d’un animal

 

2 Le champ d’application. Le délit de mauvais traitements de l’article L. 215-11 du Code rural prévoit en son alinéa 2 que le tribunal a la possibilité de prononcer la confiscation d’un animal. En matière contraventionnelle, l’article 131-16 du Code pénal dresse un inventaire de peines complémentaires que les textes réglementaires doivent nécessairement viser pour que les juges puissent les prononcer, dont en 8° la confiscation de l’animal ayant été utilisé pour commettre l’infraction ou à l’encontre duquel l’infraction a été commise. Tel est le cas de la contravention d’inexécution d’une mise en demeure de l’article R. 205-6 du Code rural qui renvoie précisément à ce texte. Force est de constater qu’en l’espèce la peine de confiscation est incontestablement encourue. Le problème est de savoir quels animaux peuvent être confisqués. Dans un premier temps, le pourvoi met en exergue qu’aux termes des 5° et 8° de l’article 131-16 du Code pénal, la confiscation ne peut porter que sur l’animal qui est le produit ou l’instrument de l’infraction, ou sur l’animal ayant été utilisé pour commettre l’infraction ou à l’encontre duquel l’infraction a été commise. Il en est de même pour les délits. Selon l’article 131-21 du Code pénal, la peine de confiscation doit normalement se limiter à l’objet de l’infraction, son produit ou son instrument. Toutefois, depuis la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, la confiscation d’un animal est plus précisément encadrée par l’article 131-21-1 du Code pénal. La loi pénale spéciale dérogeant à la loi pénale générale, ces nouvelles dispositions sont dorénavant applicables à toute confiscation d’un animal. Fidèle à la logique du droit commun, l’alinéa 1er dispose que « la confiscation d'un animal ou d'une catégorie d'animal concerne l'animal qui a été utilisé pour commettre ou tenter de commettre l'infraction ou à l'encontre duquel l'infraction a été commise ». Jusque-là, on ne peut encore que donner raison au pourvoi. L’alinéa 2 dispose cependant que la confiscation peut s’étendre aux « animaux susceptibles d’être utilisés pour commettre l’infraction ou si l’infraction aurait pu être commise à leur encontre ». La confiscation n’est donc plus réservée aux animaux déjà victimes de mauvais traitements, elle intègre désormais les animaux potentiellement victimes de mauvais traitements. Elle permet d’éviter la récidive envers les animaux pas encore victimes mais qui pourraient le devenir en restant entre les mains du propriétaire condamné. Partant, il apparaît que la confiscation animalière n’est pas seulement une confiscation-sanction, elle est également une confiscation-prévention, que l’on pourrait qualifier à ce titre de mesure de sûreté ante delictum2. Considérant que l’article 131-21-1 ne concerne que « les modalités d’application » de la peine de confiscation d’un animal, la Cour de cassation estime en l’espèce que l’arrêt de la Cour d’appel a fait une exacte application dudit texte en prononçant la confiscation de la totalité du cheptel qui n’était pas limitée aux 396 bovins maltraités.

3 Le critère d’application. Si la loi autorise la confiscation d’animaux qui n’ont pas encore subi les infractions reprochées au prévenu, faut-il encore la justifier. En effet, en vertu du principe d’individualisation de la peine, la confiscation, et ses « modalités d’application » pour reprendre l’expression de la Cour de cassation, doivent être motivées par les juridictions du fond. Plus précisément, les juges doivent indiquer le nombre de bêtes menacées comme celles concernées par la mesure pour éviter des confiscations abusives3. Or, le pourvoi dénonce un tel abus. Néanmoins, la Cour de cassation contrôle et approuve la motivation des juges énonçant que « le positionnement de l’intéressé, qui s’estime parfaitement apte à la poursuite de son exploitation mais qui n’a pas pris de mesures pour disposer de salariés en nombre adéquat, persistant dans la maltraitance animale et restant sourd aux recommandations et avertissements, adoptant même une attitude virulente voire menaçante envers les services vétérinaires, démontre qu’il n’est pas en capacité d’exploiter correctement un effectif bovin aussi important ». Le dépassement numéraire s’explique donc par rapport au comportement du prévenu. Les juges ont démontré, par des éléments concrets, que l’exploitant faisait effectivement encourir un danger à tous ses animaux. On connaissait les infractions comportementales, on connaît maintenant les peines comportementales. On notera que la Cour de cassation n’exige pas des juges qu’ils établissent leur démonstration à l’égard des animaux concernés, à savoir les animaux confisqués en surplus. La dangerosité de l’individu est le critère déterminant pour délimiter l’étendue de la confiscation, elle justifie en l’occurrence que l’intégralité du cheptel lui soit confisqué, y compris les animaux acquis après la commission des infractions.

4 Les difficultés d’application. Si le régime juridique de la confiscation d’un bien et de la confiscation d’un animal diffère, le vocabulaire employé reste le même d’où l’ambiguïté de la seconde. « En effet, ce qui est visé au travers de cette peine c’est le droit de propriété de l’auteur des actes de maltraitance commis sur son animal »4. Par fiction, l’animal est soumis au régime des biens tout en étant protégé comme un être vivant et sensible ; un bien vivant et sensible en quelque sorte. Sur ce point, le Code pénal est précurseur de l’article 515-14 du Code civil. La confiscation ne pouvant s’appliquer qu’à l’encontre des biens dont la personne condamnée est propriétaire, par analogie, la confiscation d’un animal ne peut s’appliquer que sur les animaux dont l’intéressé est propriétaire. Les animaux maltraités n’appartenant pas au prévenu ne peuvent alors être saisis5. Ceci est, sans équivoque, la conséquence de l’assimilation de l’animal à un bien. En revanche, quand il s’agit de réprimer les contraventions de mauvais traitements, le législateur emploie la notion de « remise » d’un animal. Il semble exister deux régimes selon que l’on soit dans le domaine correctionnel ou contraventionnel. Qu’est-ce qui les différencie ? Il s’agit du second problème de l’arrêt commenté.

 

II – La distinction des peines de confiscation et de remise d’un animal

 

5 Une différence de nature. Dans un second temps, l’éleveur reproche à la Cour d’appel de l’avoir condamné à la remise des animaux victimes des contraventions de mauvais traitements à une œuvre de protection animale, alors qu’elle l’a déjà condamné à la confiscation de la totalité du cheptel au titre du délit de mauvais traitements. Il estime que les juges ont prononcé des « peines inconciliables », sinon « des peines de même nature », portant sur les mêmes animaux. Autrement dit, pour lui, même si elle sanctionne des infractions distinctes, il n’y aurait au fond qu’une seule et même remise, ce qui revient à le condamner deux fois à la même peine. Un tel cumul lui paraît ainsi impossible. Pour la Cour de cassation, en revanche, il y a remise et remise. Elle relève en effet qu’une première remise des animaux à une association de protection animale a été ordonnée contre le délit de mauvais traitements, en tant que « modalité » de la peine de confiscation prévue par l’article 131-21-1 alinéa 3 du Code pénal. On comprend que cette remise doit s’entendre comme la mise en œuvre concrète de la confiscation de l’animal. Elle n’est donc pas une peine, c’est la confiscation qui l’est. En somme, il ressort de cet arrêt que tout ce qui touche à l’article 131-21-1 relève des « modalités d’application » de la peine de confiscation d’un animal. La Cour de cassation poursuit en énonçant qu’une seconde remise des animaux à une œuvre de protection animale a été ordonnée contre les contraventions de mauvais traitements, en tant que peine prévue par l’article R. 654-1 alinéa 2 du Code pénal (auquel l’article R. 215-4 I du Code rural renvoie). C’est clair, la remise est ici une peine par nature. Ce sont donc deux remises différentes. La Cour de cassation en conclut qu’elles ne sont pas de même nature au sens de l’article 132-3 du Code pénal.

6 Une différence de vocabulaire.  Cette différence défendue de façon tout à fait légitime par la Cour de cassation est dans les faits et dans les effets très relative. D’abord, que ce soit une confiscation ou une remise, l’animal est remis à une association ou à une œuvre de protection animale, on retrouve les mêmes « acteurs ». Ensuite, la peine emporte dans les deux cas un transfert de propriété au profit de l’établissement de protection animale désigné « qui pourra librement en disposer » (art. 131-21-1, al. 3, et art. R. 654-1, al. 2, C.P). Enfin et surtout, on peut tout aussi bien considérer que la remise d’un animal en tant que peine suppose qu’une confiscation la précède, si cette dernière n’est pas le fruit d’une décision elle nécessite au moins de s’exercer en pratique. La confiscation est comme un passage obligé, une étape nécessaire si on veut pouvoir concrétiser la remise à l’association de protection animale. La confiscation est de ce fait une peine complémentaire « implicitement encourue au travers de la remise de l’animal »6. La Cour de cassation ne dit pas le contraire, elle n’a pas censuré du moins l’application de la confiscation pour réprimer des contraventions7. En définitive, confiscation ou remise, la première comme la seconde peut être une modalité d’application ou une peine à part entière. La frontière entre les deux notions est bien mince. Tout dépend en fin de compte s’il s’agit d’un délit ou d’une contravention. Le manque d’harmonisation régulièrement dénoncé dans cette chronique est un problème récurrent du droit pénal animalier. Mais le fondateur de cette revue a proposé de remplacer le terme de « confiscation » par celui de « retrait » de l’animal(8). Cette substitution permettrait d’extraire l’animal du régime des biens et surtout de lui attribuer un régime juridique en adéquation avec sa nature d’être vivant et sensible. L’objectif est de repenser plus largement un régime juridique commun relatif au sort de l’animal fondé sur le retrait9, puisqu’une telle notion est déjà expressément utilisée par l’article 99-1 du Code de procédure pénale au stade de la phase préparatoire du procès pénal, tandis que les contraventions animalières y font directement allusion car si on remet à l’un c’est pour retirer à l’autre.

 

Brèves animalières

Mots clés : civelles – détention – liste – constitution de partie civile – fédération de chasseurs – chasse sur le terrain d’autrui – chien spécialisé – marquage – flagrance

La détention des civelles n’étant pas interdite par une liste, celle-ci ne peut être pénalement sanctionnée (Cass. Crim., 22 mai 2024, pourvoi n° 23-83.463 : JCP G, n° 40, doctr. 1175, n° 8, S. Detraz) : Pour que soit interdite et pénalement sanctionnée la détention d’une espèce sauvage sur le fondement de l’article L. 415-3 du Code de l’environnement, cette espèce doit nécessairement figurer sur une des listes limitatives établies à cette fin par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l’agriculture. Or en l’espèce la Cour d’appel n’a pas établi que les civelles figurent sur une des listes limitatives des espèces animales non domestiques dont la détention est prohibée.

La constitution de partie civile par une fédération départementale de chasseur pour la contravention de chasse sur le terrain d’autrui est possible sans plainte préalable de la victime (Cass. Crim., 5 novembre 2024, pourvoi n° 23-84.742) : L’article L. 421-6 du Code de l’environnement permet aux fédérations départementales des chasseurs d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne la contravention de chasse sur le terrain d’autrui, réprimée par l’article R. 428-1 du même code. Depuis l’ordonnance du 11 janvier 2012 abrogeant l’article L. 428-33 du Code de l’environnement, la contravention de chasse sur le terrain d’autrui n’est plus soumise à la condition préalable d’une plainte de la victime, c’est-à-dire le propriétaire ou le titulaire du droit de chasser.

Le marquage d’un chien spécialisé dans la recherche de stupéfiants caractérise un indice apparent d’un comportement délictueux qui permet à l’OPJ d’agir en enquête de flagrance (Cass. Crim., 26 novembre 2024, pourvoi n° 24-80.365) : Le comportement du chien spécialisé dans la recherche de stupéfiants, qui a marqué de manière significative devant la porte de l'appartement où résidait une personne visée par un renseignement anonyme comme se livrant à un trafic, renseignement lui-même corroboré par des vérifications sur fichier antérieures à la venue des enquêteurs sur les lieux, caractérisait suffisamment l'indice apparent laissant penser qu'une infraction était en train de se commettre ou sur le point de se commettre.

  • 1 Voir aussi sur cet arrêt : S. Detraz, « Deux remises et une confiscation », Gaz. Pal., 2024, n° 36, p. 57.
  • 2 P. Kolb et L. Leturmy, Droit pénal général, coll. Mémentos, Gualino, 18e éd., 2023-2024, p. 205.
  • 3 Cass. Crim., 10 janvier 2012, n° 11-81.211 : cette revue, 2012/1, chron. p. 77, J. Leroy ; Dr. Pénal, 2012, n° 4, comm. 50, M. Véron.
  • 4 J. Leroy, « Abandon d’un animal de rente. Confiscation. Contrôle de proportionnalité de la peine », cette revue, 2023/1, p. 49, spéc. p. 50.
  • 5 Cass. Crim., 9 octobre 2012, n° 11-85.812 : cette revue, 2013/1, chron. p. 52, J. Leroy.
  • 6 J.-Y. Maréchal, « Mauvais traitements envers les animaux », JurisClasseur Code pénal, Fascicule 20, Art. R. 654-1, 2018, n° 49.
  • 7 Par exemple : Cass. Crim., 10 janvier 2012, n° 11-81.211.
  • 9 8 =J.-P. Marguénaud, « Retour sur la proposition de réforme du statut de l’animal », cette revue, 2013/1, p. 179, spéc. p. 181. J. Leborne, La protection pénale de l’animal, Mare & Martin, coll. Bibliothèque des thèses, 2024, p. 296.
 

RSDA 2-2024

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