Droit administratif
Une nouvelle pierre dans le jardin des défenseurs de l’interdiction des cirques exploitant des animaux sauvages
Note sous CE, 6ème – 5ème chambres réunies, 26 avril 2024, Association One Voice, n° 462884
Mots-clés : cirques, animaux sauvages, autorisation d’ouverture, bien-être animal, polices administratives
1 On ne peut qu’être surpris que la question de l’usage des animaux sauvages dans les cirques, pourtant réglée par la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes1 ait engendré, en quelques mois, un contentieux aussi fourni dont les dernières chroniques de droit administratif dans cette revue se sont déjà fait l’écho2. Cette fois, c’est le contentieux des autorisations d’ouverture des établissements accueillant de tels animaux qui a donné lieu à cet arrêt du Conseil d’Etat.
2 Rappelons que, si la loi du 30 novembre 2021 pose un principe d’interdiction dans ces établissements, de la détention, du transport et des spectacles incluant des espèces d'animaux non domestiques3, elle a souhaité aménager, au profit des établissements concernés, une période de transition puisque l’interdiction n’entre en vigueur qu’à l'expiration d'un délai de sept ans à compter de la promulgation de la loi, soit le 30 novembre 2028. En attendant cette date, le régime permissif perdure et s’appuie sur une double autorisation accordée par le préfet de département : un certificat de capacité pour l’entretien de ces animaux, délivré aux responsables des « établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère »4 et surtout une autorisation pour l’ouverture de ce type d’établissement5. La loi de 2021 prévoit du reste le sort de ces certificats et de ces autorisations après l’entrée en vigueur de l’interdiction mentionnée : ils ne pourront plus être délivrés aux établissements concernés ; quant aux autorisations d’ouverture, elles « sont abrogées dès le départ des animaux détenus. »6 Le régime juridique des autorisations d’ouverture est particulier car il repose sur des conditions tenant notamment aux installations, déterminées par un arrêté interministériel7. C’est actuellement l’objet de l’arrêté du 18 mars 2011 qui, abrogeant des arrêtés similaires du 21 août 1978, précise ces caractéristiques générales et qui prévoit, dans ses annexes, des prescriptions particulières pour chaque espèce8. Il appartient au préfet de vérifier, par des contrôles, que toutes les conditions assujettissant les arrêtés d’autorisation sont toujours remplies9 ; à défaut, il peut mettre en demeure l’exploitant de les respecter, voire d’ordonner la fermeture de l’établissement10.
3 L’affaire soumise au Conseil d’Etat lui permet justement de se pencher sur les particularités de ces autorisations. En l’espèce, l’association One Voice entendait contester les conditions de détention d’un hippopotame, dénommé Jumbo, exploité depuis près de quarante ans à des fins de spectacle dans un cirque. Le sort de Jumbo, devenu l’étendard des cirques Zavatta-Muller, a d’ailleurs connu une forte résonance médiatique, suite au lancement d’une pétition de cette même association11. Les exploitants pouvaient pourtant se prévaloir à la fois du certificat de capacité délivré en 1998 pour la présentation au public de l’animal et surtout, d’une autorisation d’ouverture qui lui a été accordée par un arrêté du préfet de la Drôme, en date du 24 octobre 2008. Cet arrêté précisait que les caractéristiques de l’installation doivent non seulement être conformes aux arrêtés ministériels de 1978 mais également aux prescriptions imposées ultérieurement « dans l’intérêt de la santé, de la salubrité, de la commodité ou de la sécurité publique ». Convaincue que l’autorisation ne répondait plus aux conditions d’installation applicables à l’établissement, l’association, par un recours administratif, demande au préfet de procéder à l’abrogation de cet acte et d’ordonner le placement de l’hippopotame dans un sanctuaire. Pour étayer ses prétentions, elle invoque principalement l’arrêté interministériel de 2011 qui a remplacé les dispositions réglementaires de 1978 et qui, précisant les conditions d’accueil des hippopotames12, rendrait l’autorisation non conforme aux prescriptions propres à ce type de détention. Le préfet, après avoir diligenté une visite d’inspection du cirque, oppose un refus dans un courrier en date du 28 juin 2017 que l’association décide de contester devant le Tribunal administratif de Grenoble. Celui-ci rejeta sa demande d’annulation13, solution confirmée par la Cour administrative d’appel de Lyon14. Le Conseil d’Etat rejette, à son tour, le pourvoi en cassation de l’association et confirme, implicitement, que le cirque peut continuer à détenir l’animal. Son raisonnement est intéressant car il apporte des précisions relatives à la nature juridique des autorisations d’installation dont le rapporteur public, dans cette affaire, avait tiré des conséquences contentieuses que la Haute Assemblée n’a pas suivies15 (I). Au-delà de cet aspect, la solution du Conseil d’Etat doit être replacée dans le contentieux plus général des cirques accueillant des animaux sauvages qui, en attendant l’interdiction générale à l’horizon 2028, semblent plutôt bénéficier d’un régime pour le moins protecteur (II).
I Un raisonnement discutable
4 Puisque, dans cette affaire, le juge administratif avait été saisi d’un recours en annulation contre une décision de refus d’abroger une autorisation, il fallait d’abord qu’il se prononce sur la nature de cette décision, dans la mesure où cette dernière, datant de 2008, est bien antérieure à la date du recours administratif présenté le 9 mai 2017. Sur ce point, le juge de cassation confirme en tout point le raisonnement du juge d’appel. Ces autorisations d’ouverture peuvent être qualifiées de décisions individuelles créatrices de droit au profit de leurs bénéficiaires dès lors qu’elles permettent l’exercice d’une activité économique. Elles ne sont pas pour autant soumises au délai de droit commun imposé pour les révocations des décisions créatrices de droit : le juge fait jouer ici l’article L. 242-2, 1° du code des relations entre le public et l’administration qui permet à cette dernière d’abroger sans condition de délai « une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n’est plus remplie. » Ce sont donc des décisions créatrices de droits conditionnelles : elles sont assorties de prescriptions qui, édictées notamment dans l’intérêt de protection du bien-être animal, relèvent de mesures de police administrative qui, à la différence de l’autorisation elle-même, ne créent pas de droit au profit de leurs destinataires. Ce type de « décision à double visage » – selon l’expression utilisée par le rapporteur public – n’a rien d’exceptionnel : le Conseil d’Etat a pu reconnaitre leur existence à propos des autorisations de création des installations nucléaires16 ou des autorisations d’exploitation des installations de production d’électricité17 qui, assorties de prescriptions de police administrative, peuvent être abrogées sans délai lorsque ces conditions ne sont plus remplies.
5 Mais si cette qualification n’est pas contestable, le Conseil d’Etat n’a pas souhaité en tirer toutes les conséquences sur le plan contentieux, comme l’y invitait pourtant le rapporteur public. Statuant comme juge de l’excès de pouvoir, la Cour administrative d’appel s’est classiquement placée, pour apprécier la légalité de la décision de refus d’abrogation, à la date d’édiction de cette décision et a logiquement écarté les rapports réalisés par des enquêteurs privés et produits par l’association en 2018 et 2019. Le rapporteur public plaidait pour une « appréciation dynamique », c’est-à-dire pour une appréciation de la légalité de la décision au regard des circonstances de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue. Cette position ne manquait pas d’assises, surtout si on la met en parallèle avec l’évolution de l’office du juge de l’excès de pouvoir ces dernières années. On sait à cet égard que, dans sa décision Association des américains accidentels rendue en 2019, la Haute juridiction administrative a jugé que « l'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation (…), pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. » ; il en résulte que « lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision. »18. Cette solution a été appliquée au cas par cas à de nombreux cas de refus, notamment des décisions individuelles de refus, comme le refus d’abroger un décret d’extradition19. Le Conseil d’Etat est même allé plus loin puisqu’à titre subsidiaire et lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, il peut lui-même prononcer l’abrogation d’une décision réglementaire rendu illégale par suite d’un changement de circonstances postérieur à son édiction20. S’il existe encore une incertitude sur l’application de cette jurisprudence aux décisions individuelles, le rapporteur public, dans notre affaire, avait plaidé pour que la décision de refus d’abroger une autorisation d’ouverture soit soumise à une telle appréciation dynamique de la légalité : « du fait de son caractère conditionnel, la décision attaquée partage, avec les actes réglementaires, la caractéristique qu’elle peut être abrogée à toute époque (…) sans porter atteinte à aucun droit acquis » ; il insistait aussi sur le fait que « dans son caractère hybride de décision administrative individuelle créatrice de droits assortie de mesures de police, ce sont ces mesures qui prédominent largement. »21.
6 La Haute Assemblée n’a pas suivi son rapporteur public. Elle a jugé que la Cour administrative d’appel, en se plaçant à la date à laquelle le préfet a refusé d’abroger l’arrêté d’ouverture, avait fait une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation : le seul élément pris en compte – le rapport de l’inspection diligenté par le préfet – montre que les conditions de détention de l’animal sont conformes à la réglementation en vigueur, les autres éléments tirés de rapports postérieurs à la date de la décision, sont inopérants. En donnant un coup d’arrêt à sa propre jurisprudence sur l’appréciation dynamique au cas d’espèce, la Haute juridiction administrative semble maintenir une frontière fragile entre les décisions réglementaires qui sont soumises à cette appréciation et les décisions individuelles qui en seraient exclues, alors même que l’évolution jurisprudentielle, très pragmatique, n’implique pas forcément cette césure22. Surtout, le Conseil d’Etat, par cette solution, semble laisser de côté la spécificité de ces autorisations d’ouverture tenant à leur caractère hybride ; si elles sont des décisions créatrices de droits mais aussi des décisions assorties de mesures de police, le juge fait clairement pencher la balance du côté de la première qualification, au détriment de la seconde. Ce qui en dit long sur la portée de cet arrêt.
II– Une portée contestable
7 Au-delà de ces aspects contentieux et d’un point de vue plus général, notre arrêt montre les limites de la police administrative spéciale détenue par l’autorité préfectorale. Au fond, les prescriptions imposées aux autorisations d’ouverture sont censées assurer le bien-être animal, comme le confirme l’arrêté de 2011 qui soumet la décision préfectorale au respect de plusieurs conditions, afin que ces animaux soient détenus dans des conditions de nature « à satisfaire leurs besoins biologiques et comportementaux » ainsi que « leur bien-être et leur santé »23. Cet enjeu fait du contrôle des établissements concernés par les services de la préfecture un dispositif essentiel afin de vérifier que ces conditions sont toujours remplies. Or, dans l’affaire qui nous occupe, si le préfet a bien ordonné un contrôle des installations sur le fondement de l’article R. 413-44 du code de l’environnement, il semble que, comme l’ont révélé tant la Cour administrative d’appel que le Conseil d’Etat, le rapport de la visite menée par la direction départementale de la protection des populations du Var comportait certaines « insuffisances », dès lors qu’il ne mentionnait pas certaines prescriptions prévues pour les hippopotames à l’annexe I de l’arrêté de 2011 (comme la température dans les installations et la piscine extérieure ou les dimensions du paddock). Le juge a pourtant évacué cette carence en considérant que « l’inspecteur avait connaissance des prescriptions prévues spécifiquement pour les hippopotames ». On comprend mieux pourquoi l’association tenait à ce que le juge tienne compte des rapports qu’elle a fournis postérieurement au refus d’abroger l’autorisation et qui étaient censés démontrer que l’animal ne participant plus au spectacle, il n’avait plus à être détenu par un cirque. Elle pouvait d’ailleurs s’appuyer sur un arrêt rendu par la Cour administrative de Marseille en 2021 qui s’était prononcé sur des faits similaires : contestant le refus préfectoral d’abroger un arrêté d’ouverture d’un cirque présentant un éléphant, la même association avait obtenu du juge qu’il tienne compte de rapports effectués par des enquêteurs privés après la date de la décision de refus, même si cela n’a pas été suffisant pour en obtenir l’annulation24. Le contraste entre les deux affaires est saisissant et l’association One Voice peut légitimement considérer qu’en dépit de toutes ses démarches, le Conseil d’Etat, en décidant de son maintien en détention jusqu’en 2028, a relancé la polémique sur le sort de l’hippopotame, devenu malgré lui le symbole des spectacles vivants25.
8 Ce que notre arrêt met en exergue, c’est finalement une certaine impuissance de la police administrative spéciale détenue par le préfet, conjuguée à une interprétation restrictive du juge administratif, à faire respecter le bien-être animal. C’est d’ailleurs pour cette raison que des maires ont tenté d’anticiper l’interdiction générale en prenant des arrêtés interdisant ces spectacles dans leurs communes, en se fondant sur leur police administrative générale26. Cette initiative n’est pas sans fondement au regard de la théorie du concours entre polices spéciales et police générale : il n’y a que si ces deux polices ont « les mêmes finalités »27, que si « le caractère spécial d’une police remplit pleinement son office »28 que le principe d’exclusivité de la police spéciale – en application de l'adage specialia generalibus derogant – joue a priori ; la police générale pourra intervenir dans les interstices laissés vacants par la police spéciale, dans le cas où cette dernière ne joue pas pleinement son rôle pour faire face aux troubles à l’ordre public29. Mais ce n’est pas la voie choisie par la jurisprudence administrative qui maintient le principe d’exclusivité de la police spéciale détenue par les préfets, alors même que l’on peut avoir un doute sur l’office de cette dernière quant à la défense du bien-être animal. Les affirmations de certaines juridictions administratives territoriales sont particulièrement éloquentes sur ce point : « il résulte (des) dispositions législatives et réglementaires, (qui) visent notamment la protection des animaux et le respect de leur bien-être ainsi que la lutte contre les souffrances animales, que le législateur a confié aux seuls préfets le pouvoir de police permettant de réglementer l'installation dans une commune d'un cirque détenant et utilisant des animaux vivants d'espèces non domestiques, pour des motifs tenant aux conditions d'utilisation de ces animaux, et d'effectuer les contrôles nécessaires. »30 C’est donc le principe specialia generalibus derogant que le juge fait prévaloir, non sans avoir examiné au préalable les exceptions possibles à ce principe : « eu égard à l'existence d'une police spéciale de réglementation et de contrôle des conditions de détention et d'utilisation des animaux vivants d'espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants confiée à l'Etat, et en l'absence de risque de troubles graves et imminents à l'ordre public et de circonstances locales particulières, le maire (…) n'était pas compétent pour prendre un arrêté interdisant sur le territoire de sa commune tout spectacle de cirque présentant des animaux vivants d'espèces non domestiques. »31
9 Le tableau dessiné ces derniers mois par la jurisprudence administrative dans lequel notre arrêt s’insère n’est pas très réjouissant pour les associations de défense des animaux. Pourtant, le constat selon lequel les animaux sauvages n’ont rien à faire dans les cirques est largement partagé32, y compris par les parlementaires lors des discussions de qui deviendra la loi du 30 novembre 2021, adoptée avec une rare « concorde politique »33. Cette pratique « moderne » est même anachronique au regard de l’histoire du cirque qui, par mimétisme colonial à la fin du XIXème siècle, « délaisse chevaux et écuyères – les oublie sur l’étagère de la nostalgie et du romantisme – pour s’épanouir dans un exotisme facile fondé sur l’omniprésence des animaux sauvages. »34 Si l’on ne peut faire reproche au législateur d’avoir, en entérinant enfin la disparition de ce genre de spectacles, consacré une avancée incontestable dans la lutte contre la maltraitance animale, on ne peut que regretter que sa mise œuvre différée laisse prospérer un contentieux qui s’avère, curieusement, assez antinomique avec l’objectif législatif. Le sort de Jumbo l’hippopotame est emblématique de cet entre-deux finalement délétère : arrivé au terme de sa vie, après plus de quarante années de détention, il est sommé d’attendre 2028 pour bénéficier, à défaut d’un retour à la vie sauvage, d’une retraite bien méritée…
Pascal COMBEAU
La protection des Fous de Bassan
Note sous CE, 6ème chambre, 21 juin 2024, Fédération française motonautique, n° 488466
Mots-clés : réserve naturelle, biodiversité, activités sportives, faune et flore marines
10 L'arrêt commenté illustre le combat pour la biodiversité à l'heure de la COP 16 à Cali en Colombie et peut être lu à la lumière des engagements pris lors de la COP précédente de 2022 à Kunming-Montréal, qui comportaient vingt-trois objectifs sur la protection des espaces naturels et leur restauration. Par décret du 19 juillet 2023, le Premier ministre et la ministre de la Transition écologique ont élargi le périmètre de la réserve naturelle nationale des Sept-Iles dans les Côtes d'Armor et interdit la circulation des véhicules nautiques à moteur de type jet-ski et scooter des mers sur l'ensemble du territoire de la réserve. La Fédération française motonautique demande au Conseil d'Etat, compétent en premier et dernier ressort pour connaître des décrets, d'annuler le décret en cause en invoquant deux moyens, d'une part l'erreur d'appréciation concernant les risques que font courir ces sports nautiques à la faune et à la flore, et d'autre part la violation du principe d'égalité de traitement par rapport aux bateaux de plaisance, dont la circulation est toujours autorisée dans le périmètre de la réserve, sauf dans la zone de protection renforcée pendant la période estivale.
11 La Haute Assemblée a rejeté ces deux moyens et a argumenté en faveur de la légalité du décret attaqué en s'appuyant largement sur le rapport d'enquête publique et l'étude scientifique qui lui était jointe. Du point de vue sociologique, cette espèce est intéressante, en ce qu'elle montre que la protection de la biodiversité – ici la biodiversité marine - passe nécessairement par la modification de certains modes de vie et l'acceptation de quelques restrictions de police qu'elle induit. Du point de vue juridique, l'arrêt est révélateur de l'existence d'un ordre public écologique, considéré par certains auteurs comme « la clé de voûte du système juridique de sauvegarde de la biodiversité »35 et qui concrétise les rapports étroits entre la science et le droit. Concernant précisément la protection de la biodiversité, le décret attaqué tend à protéger l'ensemble de la faune et de la flore marines dans la réserve naturelle des Sept-Iles, particulièrement onze espèces d'oiseaux nicheurs36 et surtout les 19 000 couples de Fous de Bassan nichant dans l'île Rouzic et dont la moitié n'a pas survécu à l'épidémie de grippe aviaire qui a sévi durant l'été 202237. L'espèce jugée le 21 juin 2024 met bien en lumière les injonctions contradictoires auxquelles sont confrontés les pouvoirs publics : d'un côté aménager des réservoirs de biodiversité marine, de l'autre préserver l'attractivité touristique et sportive des espaces marins, en recourant de manière équilibrée à des interdictions de police. L'équilibre recherché s'inscrit nécessairement dans le concept d'écosystème, central dans la définition de la biodiversité donnée par la Convention de Rio38, et qui prend en compte les interactions entre le milieu et les espèces qu'il abrite.
12 Le classement de parties du territoire terrestre ou maritime en réserves naturelles constitue l'un des instruments juridiques que prévoit le code de l'environnement pour la conservation de la faune, de la flore et des milieux naturels, depuis la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature39. En l'espèce, après avoir vérifié la réunion des conditions légales de leur constitution, considérées comme valant aussi pour l'extension d'une réserve préexistante, le Conseil d'Etat estime parfaitement justifiées l'extension de la réserve naturelle des Sept-Iles et l'interdiction des activités de jet-ski et de scooter des mers dans toute cette zone. Aussi a-t-il consacré la sanctuarisation d'un réservoir de biodiversité marine (I) et admis la restriction d'activités sportives au titre de la police de l'environnement (II).
I/ La sanctuarisation d'un réservoir de biodiversité marine
13 Depuis 2002, il existe trois catégories de réserves naturelles, celles qui sont nationales, celles qui sont régionales et celles de la collectivité territoriale de Corse40. La réserve naturelle des Sept-Iles relève de la première catégorie et fait partie des 169 réserves naturelles nationales (RNN) au 1er janvier 2023. Elle a été créée par un arrêté ministériel de 197641 qui en confiait la gestion, par convention, à la Ligue française pour la protection des oiseaux. Ici, la légalité de la réserve naturelle des Sept-Iles n'est pas remise en cause à l'occasion de son extension, laquelle est seule contestée par la Fédération requérante, qui critique l'interdiction des activités de jet-ski et de scooter des mers42. Initialement, l'arrêté de classement comportait seulement l'interdiction de la chasse et le débarquement, sauf sur l'Ile aux Moines, la seule habitée, où les débarquements et la circulation demeuraient libres. L'évolution des activités humaines et leur pression sur la biodiversité justifient l'extension de la réserve ainsi que la protection renforcée des zones où les espèces d'oiseaux sont remarquables.
A/ La légalité de l'extension de la réserve naturelle des Sept-Iles
14 La légalité de la création d'une réserve naturelle est subordonnée à de multiples conditions43, alternatives cependant, ce qui permet d'admettre aisément leur légitimité. Dans la présente affaire, le Conseil d'Etat rappelle les articles pertinents du code de l'environnement consacrés aux réserves naturelles44 et énumérant les conditions auxquelles est subordonnée leur création. Parmi celles-ci, figurent « l'importance particulière » que revêt la conservation des espèces de la faune, de la flore et du milieu naturel, à raison des risques de leur disparition ou de leurs « qualités remarquables », ainsi que la reconstitution des populations, la préservation des biotopes et des étapes sur les grandes voies de migration de la faune sauvage, et enfin la réalisation des études scientifiques indispensables au développement des connaissances humaines. Il est également prévu par le code que l'acte de classement d'une réserve naturelle peut soumettre à un « régime particulier » toute action susceptible de nuire au développement de la faune et de la flore, ce qui peut entraîner la réglementation de la chasse, de la pêche et des activités touristiques et sportives45, ainsi que de la circulation et du stationnement des personnes, des animaux et des véhicules.
15 Ces conditions appellent un contrôle normal de la légalité des motifs de la création d'une réserve naturelle de la part du juge administratif, qui vérifie que la conservation de la faune et de la flore présente bien un intérêt qui justifie légalement le classement46 et que la délimitation de la réserve n'excède pas la surface nécessaire à la conservation des espèces47. Mais dès lors que les conditions légales sont remplies, l'emploi par les textes de qualificatifs à texture ouverte, comme « particulier » ou « remarquable », laisse un assez large pouvoir d'appréciation discrétionnaire aux autorités ministérielles pour réglementer les activités dans une réserve, ce qui explique qu'elles s'appuient toujours sur des études scientifiques pour prendre des décisions de classement de parties du territoire en réserves naturelles.
16 Pour conforter les choix de l'administration contestés ici, la Haute Assemblée raisonne en deux temps, même si l'ordre des considérants peut prêter à discussion. Elle rappelle tout d'abord les règles de principe applicables au classement et à l'extension d'une réserve naturelle et la possibilité de soumettre à un régime particulier certaines activités. Le juge résume ainsi les conditions dans lesquelles une réserve peut être créée : « peuvent être classées en réserve naturelle nationale les parties du territoire au sein desquelles la conservation des espèces et du milieu naturel revêt une importance écologique ou scientifique particulière ou qu'il convient de soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader, ainsi que les zones qui contribuent directement à la sauvegarde de ces parties du territoire, en particulier lorsqu'elles en constituent, d'un point de vue écologique, une extension nécessaire ou qu'elles jouent un rôle de transition entre la zone la plus riche en biodiversité et le reste du territoire ». Il est remarquable que le juge justifie l'extension d'une réserve naturelle par la nécessité d'une continuation écologique ou par sa position transitionnelle entre une zone riche en biodiversité et le reste du territoire. Dans un second temps, l'arrêt constate que la superficie de la réserve, étendue de 280 à environ 19 700 hectares, comporte des zones de protection intégrale et des zones de protection renforcée, où des activités sont soumises à certaines restrictions. Par là-même, le juge statue à la fois sur le principe de l'extension et sur le zonage de la réserve ainsi étendue, sans dissocier la légalité des deux démarches.
B/ Le bien-fondé d'une zone de protection renforcée
17 Le décret attaqué a classé en zone de protection renforcée l'espace maritime autour de l'île Rouzic et interdit toute activité du 1er avril au 31 août, sauf les activités scientifiques ou les missions de sécurité ou de lutte contre les pollutions. C'est dans ce cadre que la circulation des véhicules nautiques à moteur, de type jet-ski et scooter des mers, a fait l'objet de l'interdiction litigieuse sur l'ensemble du territoire de la réserve naturelle, et pas seulement dans la zone de protection renforcée. Sans que l'arrêt y fasse allusion, le décret attaqué a en réalité pour effet de créer un réservoir de biodiversité pour les espèces d'oiseaux présentes dans l'île Rouzic. Ces réservoirs peuvent être créés en vertu de l'article R. 371-19-II du code de l'environnement qui les définit comme « des espaces dans lesquels la biodiversité est la plus riche ou la mieux représentée, où les espèces peuvent effectuer tout ou partie de leur cycle de vie et où les habitats naturels peuvent assurer leur fonctionnement en ayant notamment une taille suffisante, qui abritent des noyaux de population d'espèces à partir desquels les individus se dispersent ou qui sont susceptibles de permettre l'accueil de nouvelles populations d'espèces ». Il est étonnant que le juge ne tire pas argument de cette faculté d'instituer un « réservoir », alors que l'étude scientifique, jointe au rapport d'enquête publique, sur laquelle s'est appuyé le gouvernement, relève la « richesse écologique exceptionnelle » du lieu et les nombreuses espèces d'oiseaux marins, protégées au niveau national et « reconnues d'intérêt européen », parmi lesquelles le Fou de Bassan, classé comme espèce vulnérable. Certes, ces réservoirs de biodiversité sont prévus dans le cadre de la trame verte et bleue48, mais, selon certaines dispositions combinées du code de l'environnement, les espaces protégés et les espaces naturels importants pour la préservation de la biodiversité constituent bien des réservoirs de biodiversité49. Au sein de la réserve des Sept-Iles, le juge remarque « l'attention particulière » dont l'espèce des Fous de Bassan fait l'objet, puisque le site accueille l'unique colonie française, « laquelle suscite des préoccupations quant à son état de santé et voit son effectif stagner ». Finalement, la réserve accueille bien un réservoir de biodiversité marine, même s'il n'en est pas fait état dans l'arrêt commenté.
18 Le précédent concernant la réserve marine de la Réunion faisait aussi état d'une zone de protection intégrale, sans toutefois préciser les espèces spécialement dignes de protection. Après avoir vérifié l'intérêt qui justifiait légalement le classement en réserve naturelle de 3 500 hectares « en raison de la richesse du biotope que constituent les récifs coralliens et de la diversité de la faune qu'ils abritent, comprenant notamment un site de nidification d'oiseaux d'une espèce protégée »50, le juge administratif avait simplement relevé que la zone de protection intégrale ne s'appliquait qu'à 197 hectares et présentait un intérêt pour la faune et pour la reconstitution des populations d'espèces concernées. Dans l'arrêt présentement commenté, l'évolution des préoccupations environnementales et l'urgence de la préservation de la biodiversité sont attestées par la mention d'une « zone de quiétude destinée spécifiquement à la protection des Fous de Bassan » et par l'objectif de protéger « ce patrimoine naturel unique en Bretagne Nord en tenant davantage compte des écosystèmes et des atteintes aux fonctions biologiques des espèces » qui peuvent résulter des activités humaines. On voit donc bien à la fois le degré de précision scientifique que le juge ressent le besoin d'exposer et la prégnance actuelle des concepts d'écosystème et de fonctions biologiques, qui tendent à considérer un site dans sa globalité et les interactions entre espèces.
19 La contestation de cette protection renforcée, qui exclut la circulation des véhicules à moteur, trouve probablement un début d'explication dans une disposition terminale de l'article L. 332-3 du code de l'environnement qui prévoit que l'acte de classement d'une réserve naturelle « tient compte de l'intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes » dans la mesure où elles sont compatibles avec la préservation des espèces et de leurs habitats. La Fédération requérante n'a pas cru bon de porter le fer sur la question de savoir si le jet-ski et le scooter des mers étaient « des activités traditionnelles », qui auraient pu lui sembler compatibles avec la protection des espèces d'oiseaux et de leurs habitats. Elle a préféré remettre en cause la légalité de la mesure de police interdisant la circulation de ces engins, d'autant qu'elle invoquait aussi une rupture de l'égalité de traitement des navigateurs à son détriment et à l'avantage de la navigation de plaisance.
II/ La restriction d'activités sportives au titre de la police de l'environneme
20 L'interdiction, à l'intérieur des réserves, de certaines activités de chasse, de pêche et plus généralement d'activités sportives ou à caractère industriel et commercial, se rencontre fréquemment et donne lieu, de la part du juge administratif, à un contrôle de sa nécessité par rapport à l'objectif recherché, qui est de préserver l'intégrité de l'ensemble classé et la reconstitution des populations d'espèces protégées51. L'intérêt de l'arrêt commenté réside dans le fait que la réglementation des activités à l'intérieur de la réserve des Sept-Iles pouvait s'apparenter à une interdiction générale et absolue de la circulation des véhicules à moteur sur l'ensemble du territoire de la réserve et semblait instaurer une différence de traitement entre la navigation de plaisance et la pratique du jet-ski et du scooter des mers.
A/ L'interdiction de la circulation des véhicules nautiques à moteur
21 Le décret attaqué a prévu deux types d'interdictions différentes, dont la légalité devait être examinée au regard des principes dégagés par la jurisprudence depuis le célèbre arrêt Benjamin de 193352, à savoir l'illégalité des interdictions générales et absolues, supposées excessives, et l'illégalité des interdictions non proportionnées au but recherché. Le décret attaqué a défini dans la réserve naturelle des Sept-Iles des zones de protection intégrale et des zones de protection renforcée. La première interdiction concernait l'espace maritime autour de l'île Rouzic qui a été classé en zone de protection renforcée, où toute activité a été interdite dans la période courant du 1er avril au 31 août, donc durant la période estivale, à l'exception des activités scientifiques et des missions de sécurité. Concernant la seconde interdiction, elle concerne l'ensemble du territoire de la réserve naturelle où a été interdite la circulation des véhicules nautiques à moteur, de type jet-ski et scooters des mers, sauf dans un périmètre bien délimité pour assurer la sécurité de la navigation. Par conséquent, la première interdiction était limitée dans le temps, et la seconde était limitée dans l'espace, ce qui empêchait d'y voir des interdictions générales et absolues, seules susceptibles d'encourir la censure du juge53. Dès lors, son raisonnement s'est concentré sur le but de la réglementation de police, à savoir la protection de l'environnement, en faisant abstraction de la nature coercitive des interdictions de police et en présumant leur proportionnalité au but recherché.
22 S'appuyant sur le dossier d'enquête publique et l'étude scientifique qui lui est jointe, le juge a exposé tout l'intérêt qu'il y a à protéger la grande diversité d'habitats naturels qui se trouvent dans la réserve, dont une vingtaine d'habitats d'intérêt européen, et les très nombreuses espèces de faune et de flore marines qui en dépendent, parmi lesquelles des oiseaux marins protégés au niveau national et reconnus aussi d'intérêt européen, comme le Fou de Bassan qui fait l'objet d'une attention particulière, puisque l'unique colonie française de cet oiseau se trouve dans la réserve et que ses effectifs stagnent. Le renforcement de la réglementation applicable à la réserve ainsi étendue vise donc à « mieux protéger ce patrimoine naturel unique en Bretagne Nord » en tenant compte, comme on l'a vu plus haut, des écosystèmes et des atteintes aux fonctions biologiques des espèces que les activités humaines peuvent engendrer. En outre, le juge prend soin de mentionner les nuisances que la circulation des véhicules nautiques peut causer aux espèces de mammifères et d'oiseaux : « risques de collision », « pressions acoustiques sous-marines » ou encore perturbation de la « zone de quiétude » instituée pour les Fous de Bassan, dont le passage doit être préservé dans le chenal d'accès à la baie de Perros-Guirec et dont la reproduction peut être perturbée par les dérangements humains. « Au vu des risques environnementaux » découlant de l'utilisation des véhicules nautiques à moteur, les restrictions à leur circulation sont donc considérées comme « justifiées » en application du régime particulier de la police de l'environnement applicable dans les réserves54. On voit donc que, dans la police de l'environnement, c'est le concept d'environnement qui prévaut et qui dispense le juge d'examiner le triple test auquel est soumise en principe la légalité de l'interdiction de police, à savoir la nécessité, l'adaptation et la proportionnalité de celle-ci55.
23 Pourtant, dans un précédent comparable, le juge administratif avait pris le soin de relever que l'interdiction du scooter des mers dans les estuaires de la Somme et de l'Authie ne s'apparentait pas à une interdiction générale et absolue et qu'elle était bien proportionnée au but de protection recherchée par l'instauration d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), d'une zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO), d'un site « Natura 2000 » et d'une réserve naturelle créée en 199456. Le juge avait même vérifié que cet objectif de protection n'aurait pas pu être atteint par une simple mesure de limitation de la vitesse des scooters des mers ou par une autre définition des zones concernées et des chenaux de navigation. Dans une autre espèce comparable, le Conseil d'Etat avait jugé qu'il devait s'assurer qu'une mesure d'interdiction d'activités sportives était nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs de préservation des milieux naturels, de la faune et de la flore poursuivis par l'acte de classement de la réserve57.
24 Dans l'espèce commentée, la différence de contrôle peut s'expliquer par deux ordres de considérations : d'une part, dans la pratique d'activités sportives de loisirs, comme le jet-ski ou le scooter des mers, aucune liberté fondamentale n'est en cause, lorsque cette pratique est limitée et que la circulation de tels véhicules est réglementée. Or, c'est l'importance de la liberté, précisément sa valeur constitutionnelle, qui légitime le contrôle maximum du juge sur les mesures de police et le triple test qui est exercé sur elles. D'autre part, la police de l'environnement est une police spéciale, dont les conditions d'intervention sont précisées par des textes, dont le juge veille à la stricte application dans le cadre d'un contrôle normal de la qualification juridique des faits. Ainsi, « le régime particulier », auquel fait référence l'article L. 332-3 du code de l'environnement, peut aller jusqu'à interdire à l'intérieur de la réserve « toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore, au patrimoine géologique et, plus généralement, altérer le caractère de ladite réserve ». C'est donc sur le caractère nuisible de l'action anthropique que le juge doit se concentrer pour effectuer son contrôle et non sur l'atteinte à une prétendue liberté. Dans ces conditions, l'examen de la violation du principe d'égalité invoquée par la Fédération requérante s'annonçait plus délicat, car la circulation des bateaux de plaisance peut, tout aussi bien que celle du jet-ski et du scooter des mers, provoquer des perturbations pour les mammifères marins et les oiseaux.
B/ Une violation du principe d'égalité justifiée
25 L'effectivité du principe d'égalité est sans conteste la plus difficile à respecter pour les autorités détenant le pouvoir réglementaire. Ici la difficulté apparaît renforcée du fait que l'égalité en cause n'est pas une égalité de droits ou une égalité dans la répartition de biens sociaux, mais une égalité dans l'exercice d'une liberté, celle d'aller et venir sur le domaine public maritime, ou celle de naviguer, si tant est qu'elle existe. La circulation des bateaux de plaisance a été autorisée dans l'ensemble de la réserve, sauf dans la zone de protection renforcée autour de l'île Rouzic du 1er avril au 31 août58, alors que la circulation des véhicules nautiques à moteur de type jet-ski et scooter des mers a été interdite sur l'ensemble du territoire de la réserve naturelle, à l'exception d'un périmètre bien délimité pour assurer la sécurité de la navigation. La Fédération requérante prétendait que les auteurs du décret avaient violé le principe d'égalité entre les plaisanciers et les pratiquants de jet-ski et de scooter des mers et que, par conséquent, la différence de traitement entre ces deux catégories de navigateurs n'était pas justifiée. Les arguments qu'elle mettait en avant ne manquaient pas de pertinence : selon elle, un véhicule nautique à moteur serait moins perturbateur qu'un bateau de plaisance, car il n'utilise pas d'hélice, est plus maniable, produit moins de vagues et favorise l'oxygénation de l'eau. Le Conseil d'Etat rejette cette argumentation en rappelant la conception qu'il se fait du principe d'égalité dans un considérant classique aux termes duquel « le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier »59.
26 Ainsi, la Haute Assemblée rappelle que le principe d'égalité n'est pas absolu. Le pouvoir réglementaire peut, indépendamment de l'hypothèse, non visée ici, où la loi prévoit une différence de traitement, déroger au principe d'égalité et traiter différemment des personnes, soit parce qu'elles se trouvent dans une situation différente, soit pour une raison d'intérêt général. Dans ces deux cas, la différence de traitement, pour être légale, doit être en rapport « direct » avec « l'objet de la norme qui l'établit », en réalité son objectif, et ne pas être manifestement disproportionnée au regard des motifs qui justifient cette différence de traitement. Autrement dit, un traitement discriminatoire n'est possible que s'il correspond au but affiché de la réglementation et s'il est proportionnée à première vue au motif de son établissement. Il eût été sans doute plus lisible pour le non spécialiste que le juge se fondât ici sur la raison d'intérêt général – la protection de la biodiversité - pour légitimer la différence de traitement litigieuse entre plaisanciers et utilisateurs des véhicules à moteur. Car, en effet, la différence de situation entre ces deux catégories de navigateurs ne tombe pas sous le sens au premier abord. C'est néanmoins sur ce terrain que le juge administratif choisit de se placer en estimant que la différence de traitement ainsi instituée entre plaisanciers, « selon le type de véhicules qu'ils utilisent », « répond à une différence de situation ». En réalité, le juge ne va pas jusqu'à dire qu'il existe deux catégories différentes de plaisanciers, mais il estime qu'ils se trouvent dans deux situations distinctes, lesquelles ressortent du rapport d'enquête publique et de l'étude scientifique jointe à celui-ci, et qui proviennent du risque engendré par le passage des bateaux de plaisance et par la circulation des véhicules à moteur. Le risque de mise à l'eau des phoques et d'envol des oiseaux, alors qu'ils sont en position de repos, est qualifié par l'étude de « peu fréquent » lors du passage des bateaux de plaisance et de « très fréquent » en cas de circulation de véhicules à moteur. C'est donc le risque environnemental qu'ils font courir aux mammifères marins et aux oiseaux qui fait la différence entre les plaisanciers. Sans doute, cette appréciation du risque est-elle subjective et aléatoire, dépendant des circonstances de temps et de lieu, et surtout de la réaction de la faune. Toujours est-il qu'elle suffit, aux yeux du juge, pour accréditer l'idée d'une différence de situation en l'espèce.
27 Restait à savoir si la différence de traitement contestée était en rapport « direct » avec l'objet de la réglementation et pas manifestement disproportionnée, non pas aux motifs de cette dernière, comme l'affirme le considérant de principe rappelé plus haut, mais à son but. Sur ces deux conditions, le Conseil d'Etat n'éprouve pas de difficultés à juger que la différence de traitement « répond à une différence de situation qui est en rapport direct avec l'objet du texte qui l'établit » et « n'apparaît pas manifestement disproportionnée au regard de la protection recherchée d'un écosystème marin exceptionnel ». Le recours à la technique de l'erreur manifeste d'appréciation dans un contrôle de proportionnalité n'est certes pas une innovation de l'arrêt commenté60, néanmoins il n'échappe pas à toute critique, en ce qu'il introduit une perturbation certaine dans la compréhension des degrés de contrôle du juge de l'excès de pouvoir – le contrôle restreint à l'erreur manifeste d'appréciation et le contrôle maximum de proportionnalité des mesures restrictives de liberté. Une explication de la compression de ces deux contrôles dans l'expression « manifestement disproportionné » peut être trouvée dans l'existence d'un large pouvoir discrétionnaire de l'autorité réglementaire pour apprécier l'opportunité d'étendre le périmètre d'une réserve naturelle en vue de préserver la biodiversité dans des conditions optimales. Puisque le pouvoir discrétionnaire conditionne l'exercice de ces deux types de contrôles, il n'est pas illogique de les combiner, étant entendu que le juge ne censurera qu'une disproportion manifeste, qui saute aux yeux même d'un non spécialiste. Toutefois, il faut bien reconnaître que, s'agissant de l'invocation d'une violation du principe d'égalité, la tâche est ardue. Mais la tranquillité des Fous de Bassan est à ce prix !
Maryse Deguergue
- 1 Pour des commentaires, voir notamment, J.-P. MARGUENAUD, « Radiographie de la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les homme », RSDA 2/2021, p. 17 et s. ; M. MARTIN, « Animal joli, joli, joli, tu plais à mon père, tu plais à ma mère..., éléments de réflexion à propos de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 », RSDA 2/2021, p. 247 et s. ; O. BUISINE, « Loi contre la maltraitance animale : quelles avancées ? », Rev. dr. rur. 2022, n° 499, p. 21 et s.
- 2 Voir P. COMBEAU, « L’impuissance des maires face à l’installation de cirques présentant des animaux sauvages », RSDA 1/2023, p. 65 et s. ; « Quand le Conseil d’Etat s’invite au… cirque « moderne », RSDA 2/2023.
- 3 Code env., art. L. L. 413-10, II.
- 4 Code env., art. L. 413-2 : ce certificat est également exigé pour tous les responsables « des établissements d'élevage d'animaux d'espèces non domestiques, de vente, de location, de transit » ; il est personnel et délivré par le préfet de département pour une durée indéterminée ou limitée : voir code env., art. R. 413-5.
- 5 Code env., art. L. 413-3.
- 6 Code env., art. L. 413-10, V.
- 7 Code env., art. R. 413-3 : « Les caractéristiques auxquelles doivent répondre les installations fixes ou mobiles ainsi que les règles générales de fonctionnement ou de transport et les méthodes d'identification des animaux détenus sont fixées par arrêtés conjoints des ministres chargés de la protection de la nature et de l'agriculture, après avis du Conseil national de la protection de la nature. »
- 8 Arrêté du 18 mars 2011 fixant les conditions de détention et d'utilisation des animaux vivants d'espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants, JORF n° 0080 du 5 avril 2011.
- 9 Code env., art. R. 413-44.
- 10 Code env., art. R. 413-48.
- 11 Voir la pétition « Sauvons Jumbo. Depuis 30 ans, sa vie est un enfer », https://one-voice.fr/petition/sauvons-jumbo/.
- 12 Arrêté du 18 mars 2011, précité, Annexe I : « Les établissements de spectacles itinérants doivent disposer d'installations intérieures et extérieures à caractère fixe dans lesquelles les animaux des espèces Hippopotamus amphibius (hippopotame amphibie), Hexaprotodon liberiensis (hippopotame nain) et Giraffa camelopardis (girafe) sont hébergés entre les périodes itinérantes de représentation.
- 13 Pendant la période itinérante, l'établissement dispose d'un véhicule de transport et, sur les lieux de stationnement, d'installations intérieures et extérieures. Sauf lors d'intempéries, les animaux doivent être conduits à l'extérieur tous les jours. Par froid sec, il est possible que les animaux accèdent au paddock extérieur pour une courte période. » TA, Grenoble, 19 novembre 2019, n° 1703936.
- 14 CAA, Lyon, 3 février 2022, n° 20LY00080.
- 15 Conclusions de F. PUIGSERVER, disponibles sur le site du Conseil d’Etat.
- 16 CE, 11 avr. 2019, Association Greenpeace France et a., n° 413548.
- 17 CE, 21 mars 2022, Association Libre Horizon et a., n° 451678.
- 18 CE, Ass., 19 juillet 2019, n° 424216, Rec. Lebon, p. 297, concl. A. LALLET, RFDA 2019, p. 891, concl., AJDA 2019, p.1986, chron. C. MALVERTI ET C. BEAUFILS.
- 19 CE, 10 juin 2020, M. E., n° 435348.
- 20 CE, Sect., 19 novembre 2021, Association des avocats Elena France et a., Rec. Lebon, p. 331, concl. S. ROUSSEL, RFDA 2022, p. 51, concl. et p. 61, note L. DE FOURNOUX, AJDA 2021, p. 2582, chron. C. MALVERTI ET C. BEAUFILS, AJDA 2022, p. 1228, note E. AUBIN, Dr. adm. 2022, comm. 7, note G. EVEILLARD, JCP G 2022, 105, note B. DEFOORT.
- 21 F. Puigserver, concl. précitées.
- 22 V. sur ce point, les conclusions de S. ROUSSEL sur CE, Sect., 19 novembre 2021, RFDA 2022, p. 51 et s.
- 23 Arrêté du 18 mars 2011, préc., art. 22.
- 24 CAA, Marseille, 7 juin 2021, Association One Voice, n° 19MA04275 : même si le juge tient compte de ces rapports postérieurs, les faits rapportés n’ont pas été de nature à justifier l’abrogation de l’autorisation.
- 25 V. « La présence du cirque qui accueille l’hippopotame Jumbo crée la polémique », Le Dauphiné libéré, éd. du 16 août 2024.
- 26 Pour une description de l’état du droit, voir G. BARRAUD, « Un maire peut-il interdire l'installation d'un cirque présentant des animaux ? », AJDA 2023, p. 736 et s. ; P. COMBEAU, « L’impuissance des maires face à l’installation de cirques présentant des animaux sauvages », RSDA 1/2023, p. 65 et s.
- 27 J. PETIT, P.-L. FRIER, Droit administratif général, LGDJ, 17ème éd. 2023, n° 517.
- 28 B. PESSIX, Droit administratif général, LexisNexis, 4ème éd. 2022, n° 625.
- 29 V. J. PETIT ET B. PLESSIX, op. cit.
- 30 CAA, Nantes, 8 avril 2022, Association de défense des cirques de famille, n° 21NT02553 (arrêté du maire de la commune de Villers-sur-Mer).
- 31 CAA, Versailles, 21 mars 2023, Fédération des cirques de tradition et propriétaires d'animaux de spectacles et a. c./ Commune de Viry-Châtillon, n° 20VE03238, note P. COMBEAU, RSDA 1/2023, p. 65 et s. (arrêté du maire de la commune de Viry-Châtillon).
- 32 Un sondage (3ème vague du baromètre annuel « Les Français et le bien-être des animaux » mené par la Fondation 30 millions d’amis et l’IFOP, janvier 2020) montrait que 72 % des Français étaient favorables à l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques.
- 33 J.-P. MARGUENAUD, « Radiographie de la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les homme », précité, p. 17.
- 34 P. JACOB, Une histoire du cirque, Seuil, BNF, 2016, p. 124.
- 35 Eric NAÏM-GESBERT, Droit général de l'environnement, LexisNexis, 2ème éd. 2014, p. 211.
- 36 Voir le dossier consacré aux oiseaux dans la RSDA 2020, n°2 et notamment l'article de Philippe DE GRISSAC qui analyse « les causes du déclin des populations d'oiseaux dans le contexte global de l'effondrement de la biodiversité », p. 337.
- 37 Renseignements recueillis sur le site https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/cote-d-armor/saint-brieuc/la-colonie-des-fous-de-bassan-des-sept-iles.
- 38 Article 2 de la Convention de Rio du 5 juin 1992 : « Variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, ainsi que celle des écosystèmes ».
- 39 Articles 16 à 18 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, JORF 13 juillet 1976.
- 40 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, JORF 28 février 2002.
- 41 Arrêté du 18 octobre 1976 portant création de la réserve naturelle dite des Sept-Iles, qui a été abrogé par le décret n° 2023-640 du 19 juillet 2023 portant redéfinition du périmètre et de la réglementation de la réserve naturelle nationale des Sept-Iles (Côtes d'Armor), attaqué par la Fédération française motonautique dans la présente espèce. Les sept îles concernées sont celles de Bono, Plate, aux Moines, Malban, Rouzic, aux Rats et les récifs les Cerfs et les Costans. En 2023, l'île Tomé a été incluse dans la surface de la réserve qui est passée de 280 hectares à 19 700 hectares.
- 42 Le Conseil d'Etat a considéré que les conclusions de la Fédération à fin d'annulation du décret devaient être regardées comme dirigées seulement contre le 1° du IV de son article 22, selon lequel « Est interdite sur l'ensemble du territoire de la réserve naturelle, la circulation :
- 43 1° Des véhicules nautiques à moteur, de type jet-ski et scooter des mers ; 2° Des engins tractés de type bouée et ski nautique. Pour assurer la sécurité de la navigation des véhicules nautiques à moteur, cette interdiction ne s'applique pas à l'espace maritime inscrit à l'intérieur du périmètre délimité par les points géographiques suivants, référencés selon le système géodésique WGS84 et exprimés en degrés minutes décimales... ». Sur le régime des réserves naturelles, voir les développements importants qu'y consacre Agathe Van Lang, dans Droit de l'environnement, PUF, coll. Thémis, 3ème éd. 2011, p. 331 à 336.
- 44 Articles L. 332-1 à 3 du code de l'environnement résultant du décret du 18 mai 2005 relatif aux réserves naturelles.
- 45 Voir Laurence MOLLARET, « Oiseaux et sportifs de pleine nature : comment partager des territoires ? », RSDA 2020, n° 2, p. 419, à propos de la création d'une via ferrata dans le Haut Cantal qui a perturbé deux espèces protégées, le faucon pèlerin et l'hirondelle des rochers qui nichent dans les parois rocheuses.
- 46 Depuis l'arrêt CE, 14 novembre 1979, Cruse, n° 07104, Rec. Lebon, p. 803, concernant l'étang de Cousseau ; CE, 2 octobre 1981, Société agricole foncière solognote, n° 20835, RJE 1981, n° 4, p. 329, concl. Bruno GENEVOIS, concernant la réserve naturelle du bois du parc à Mailly-le-Chateau dans l'Yonne, créée pour protéger certaines espèces végétales de type méditerranéen « dont la réunion dans cette région présente un caractère exceptionnel ». Plus récemment, CE, 3 juin 2020, n° 414018, concernant l'extension et la modification de la RNN du banc d'Arguin qui abrite une zone de nidification des sternes caugek.
- 47 Arrêt précité du 2 octobre 1981 ; CE, 26 novembre 2008, Groupement pour la défense de la pêche sous-marine et du milieu marin, n° 305872, concernant la réserve naturelle nationale marine de la Réunion.
- 48 Trame verte et bleue qui fait l'objet du titre VII du Livre III consacré aux espaces naturels dans la partie réglementaire du code de l'environnement.
- 49 Le dernier alinéa de l'article R. 371-19-II prévoit en effet que « les espaces définis au 1° du II de l'article L. 371-1 constituent des réservoirs de biodiversité », ce dernier article visant les espaces protégés et les espaces naturels importants pour la préservation de la biodiversité.
- 50 CE, 26 novembre 2008, précité.
- 51 Idem.
- 52 CE, 19 mai 1933, Benjamin, GAJA, Dalloz, 24ème éd. 2023, n° 42.
- 53 Pour un parallèle intéressant avec l'activité des photographes-filmeurs interdite sur la route nationale conduisant au site du Mont Saint-Michel uniquement pendant les mois d'été, interdiction considérée comme légale puisque limitée dans le temps : CE, 13 mars 1968, Ministre de l'Intérieur c/ époux Leroy, Rec. Lebon, p. 179.
- 54 Régime prévu à l'article L. 332-3 du code de l'environnement.
- 55 Triple test visible par exemple dans un arrêt qui a estimé que la prohibition de tout événement réunissant plus de 5 000 personnes portait une atteinte « ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée » à la liberté de manifester : CE, 15 janvier 2021, Confédération générale du travail, Rec. Lebon, p. 471.
- 56 CAA Nantes, 16 mai 2013, n° 12NT00066 : « la mesure d'interdiction ne s'applique ni aux engins destinés au secours, à la police ou à la surveillance en mer, ni aux véhicules nautiques à moteur lorsque la sécurité de ces engins et de leurs occupants l'exige ; que l'article 4 de cet arrêté prévoit, quant à lui également, que des dérogations à cette interdiction peuvent être accordées à l'occasion de compétitions sportives ou de manifestations nautiques ; qu'ainsi cette mesure de police qui, s'agissant du littoral des départements de la Somme et du Pas-de-Calais, est limitée aux espaces sensibles d'un point de vue environnemental des baies de la Somme et de l'Authie, ne s'applique qu'à un peu plus d'un tiers de la surface où il est possible de pratiquer le scooter des mers, et qui comporte notamment des exceptions dans le temps et des possibilités réelles de dérogations précisément définies ne revêt pas, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, le caractère d'une interdiction générale et absolue de nature à entacher d'illégalité l'arrêté du 16 mars 2004 ».
- 57 CE, 5 mai 2021, Fédération française de montagne-escalade Auvergne Rhône Alpes, n° 433553, concernant l'interdiction d'activités sportives, dont l'escalade, dans la réserve de Chastreix-Sancy, arrêt par lequel le juge annule partiellement le décret de classement en ce qu'il n'autorise pas sous condition l'alpinisme hivernal.
- 58 Le III de l'article 5 du décret attaqué prévoit exactement que « La navigation de plaisance est autorisée conformément à la réglementation en vigueur sous réserve du respect du II de l'article 5 », lequel concerne la zone de protection renforcée. « Elle peut être réglementée par le préfet compétent ».
- 59 Considérant repris notamment de l'arrêt CE, Sect., 18 décembre 2002, n° 233618, qui reconnaît une différence de traitement manifestement disproportionnée entre les demandeurs d'aide juridictionnelle, selon qu'ils sont bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement ou de l'allocation de logement familiale, laquelle était seule prise en compte parmi les ressources permettant d'apprécier le droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
- 60 Le Conseil d'Etat a inauguré ce contrôle dans le contentieux des sanctions disciplinaires infligées aux fonctionnaires et a censuré une sanction manifestement disproportionnée dans l'arrêt du 12 janvier 2011, Matelly, Rec. Lebon, p. 3. Le contrôle du juge en cette matière a d'ailleurs évolué, à partir de l'arrêt Dahan du 13 novembre 2013, vers un contrôle de la proportionnalité de la sanction à la gravité de la faute.