Sommaires de jurisprudence
I Les animaux au sein des relations contractuelles
A Les contrats
a La vente
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
b Le bail rural
Cass. Civ. 3e, 12 septembre 2024, n° 23-10.749
Bail rural – Renouvellement – Reprise – Convention de pâturage – Cheval – Occupation occasionnelle
Une personne et ses deux enfants ont donné à bail rural à long terme plusieurs parcelles agricoles. L’un des enfants devient par la suite propriétaire et le bail est renouvelé pour 9 ans. Au cours de la période de renouvellement, la propriétaire signifie au locataire un congé pour reprise au profit de son petit-fils. Le locataire saisit alors le tribunal paritaire des baux ruraux afin de demander l’annulation du congé. Après le décès de la propriétaire, ses 3 filles ont repris l’instance et ont formé une demande reconventionnelle en annulation de la convention de pâturage consentie par le locataire à un tiers, résiliation du bail pour cession et sous-location prohibée et expulsion.
Les juges du fond ont accédé à la demande de nullité du congé pour reprise présentée par le locataire. Pour ce qui est des aspects relatifs au droit animalier, l’arrêt de rejet prononcé par la Cour de cassation permet de s’intéresser à l’utilisation des parcelles par le locataire. Il ressort des faits que son petit-neveu laissait y paître un cheval quelques jours par mois. Ce dernier, dans un souci de sécurité, installait sa propre clôture électrique. Le locataire et son petit neveu ont procédé, une année durant laquelle le cheval était malade, à la récolte de l’herbe (fauchage, fanage, andainage, enrubannage). De plus, à l’aide d’un ami, le locataire a taillé chaque année la haie du pré avec son propre matériel. La Cour de cassation décide que la cour d’appel a pu déduire de ces différents éléments que l’utilisation du pré pour faire paître le cheval ne relevait que d’une occupation occasionnelle à titre gratuit et que le locataire avait conservé la maîtrise de l’exploitation des parcelles litigieuses. Partant, aucune cession ou sous-location prohibée ne peut être caractérisée.
D. T.
c Le dépôt
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
B La responsabilité contractuelle
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
C Le droit du travail/les relations de travail
Cass. Soc., 23 octobre 2024, n° 22-23.050
Agent cynophile – Chien – Attaque – Manquement aux obligations professionnelles – Faute grave
Un agent de sécurité cynophile conteste son licenciement pour faute grave. Il apparaît que son chien a attaqué et mordu un agent de maintenance présent sur le site dont il avait la charge. Contrairement aux « consignes élémentaires de sécurité », selon l’expression employée par la cour d’appel, le chien n’était ni attaché, ni muselé alors que l’agent de surveillance était encore sur site une heure et demie après la fin de ses vacations. Ayant apprécié souverainement ces éléments, les juges du fond ont pu valablement conclure que le salarié avait manqué à ses obligations professionnelles et que ces faits ne relevaient pas de sa vie privée. Le pourvoi est alors rejeté.
D.T.
Cass. Crim., 28 novembre 2024, n° 24-80.365
Trafic de stupéfiant – Chien spécialisé – Marquage – Flagrance
À la suite d’une dénonciation anonyme, des fonctionnaires de police se sont rendus à un appartement devant la porte duquel un chien spécialisé en matière de recherche de stupéfiants a effectué un marquage prolongé. Les officiers de police ont alors frappé à la porte, interpellé deux personnes et effectué la saisie de produits stupéfiants en opérant en flagrance. Le tribunal correctionnel a constaté la nullité du procès-verbal et relaxé les deux prévenus. La Cour de cassation a dû ici trancher la question de savoir si le marquage prolongé d’un chien spécialisé en recherche de stupéfiants peut justifier une procédure en flagrance. Après avoir indiqué que le transport sur les lieux était nécessairement un acte d’enquête préliminaire, peu important l’absence de toute mention à cette fin dans le procès-verbal, la Haute juridiction indique que le marquage significatif effectué par le chien après dénonciation anonyme et vérification des antécédents sur un fichier, constitue un indice suffisamment apparent permettant de déclencher une opération en flagrance.
D.T.
II Les animaux protégés
A Espèces protégées
TA Besançon,18 juin 2024, n° 2202038 et n° 2202040 et TA Marseille, 12 novembre 2024, n° 2410864
Loup – Tirs de défense simple – Troupeau – Caractère non protégeable – Vice de procédure – Risque de dommages importants (non) – Urgence (non)
À la demande des associations Ferus, One Voice et Pôle Grands Prédateurs, le Tribunal administratif de Besançon censure par ces deux décisions les arrêtés du préfet du Doubs autorisant des tirs de défense simple contre le loup pour deux GAEC situés dans le département du Doubs. Il annule le premier arrêté du 10 octobre 2022 pour vice de procédure, le préfet ayant délivré l’autorisation contestée sans l’avoir soumise au préalable pour avis au préfet coordonnateur du plan national d’actions sur le loup, l’analyse technico-économique permettant de reconnaître le caractère « non protégeable » du troupeau de bovins du GAEC de la Combes des Cives conformément aux dispositions du III de l’arrêté ministériel du 23 octobre 2020, portant dérogation aux interdictions de destruction concernant le loup, lorsque le troupeau est reconnu comme ne pouvant pas être protégé. En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette analyse ait été réalisée.
Le second arrêté préfectoral contesté concernait un troupeau ovin bénéficiant de mesures de protection. Le tribunal a considéré que le critère relatif au risque de dommages importants n’était pas rempli et que l’autorisation n’était pas justifiée, dès lors notamment que le troupeau n’avait pas subi d’attaque depuis plus de treize ans, l’attaque d’octobre 2022 n’ayant visé que le troupeau bovin du même GAEC. En outre, le préfet n’avait pas apporté la preuve de la réalité des mesures de protection du troupeau concerné.
A contrario, juge des référés de Marseille, saisi par l’association One Voice, a refusé de suspendre l'exécution d'un arrêté du 10 octobre 2024 autorisant le GAEC Ferrand à effectuer des tirs de défense simple contre la prédation des loups sur ses troupeaux, jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur la légalité de cet arrêté. Pour le juge, il n’est pas démontré que cet arrêté compromettrait la viabilité de l'espèce du loup ou porterait une atteinte suffisamment grave, irréversible et immédiate aux intérêts défendus par l'association ou à l'intérêt public. Par conséquent, la condition d'urgence requise pour une suspension en l’espèce n'est pas remplie.
B. des B.
CE, 8 juillet 2024, n° 468607
Espèces protégées – Menace – Quotas de destruction – Cormorans – Poissons
Le litige concerne deux espèces protégées dont l’une est une menace pour l’autre. Le Conseil d'État annule partiellement un arrêté interministériel du 19 septembre 2022 qui fixait les quotas de destruction des grands cormorans uniquement pour les piscicultures pour la période 2022-2025 (83.000 oiseaux au total). Cet arrêté, contesté par la Fédération nationale de la pêche en France et de la protection des milieux aquatiques et de l'AAPPMA " Les Deux Vallées " et autres, était critiqué pour ne pas avoir prévu de plafonds départementaux de destruction des cormorans en eaux libres, ce qui risquait de mettre en danger l’état de conservation de certaines espèces de poissons sauvages comme le brochet, le saumon et l'anguille. L'annulation concerne spécifiquement l'absence de plafonds pour les eaux libres dans le département du Doubs, pour la période 2022-2025.
B. des B.
CE, 8 juillet 2024, n° 471174
Espèces protégées – Rapaces – Parc éolien – Risques de collisions – Modifications substantielles
Le Conseil d’État, saisi par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), a annulé l’arrêt 2022 n° 20TL22215 de la Cour administrative d’appel de Toulouse du 8 décembre 2022 pour erreur de droit. Cette décision avait limité l’obligation de l’administration de vérifier le respect des dispositions environnementales (articles L. 181-2 et suivants du Code de l’environnement) aux cas où les caractéristiques d’un parc éolien subissent une modification substantielle.
Dans cette affaire, le parc éolien de La Baume présente un risque significatif de collision pour plusieurs espèces protégées de rapaces, notamment le vautour moine (menacé d’extinction), l’aigle royal, le milan royal et d'autres espèces. Le Conseil d’État rappelle que l’administration doit vérifier à tout moment si les mesures imposées à l’exploitant assurent la protection des espèces concernées. En cas de risque persistant, elle doit exiger une demande de dérogation à l’interdiction de destruction ou perturbation des espèces protégées, en application de l’article L. 171-1 du Code de l’environnement. Le caractère définitif de l’autorisation initiale ou l’absence de modification de cette autorisation n’y fait pas obstacle, en matière de protection des espèces, aucun droit acquis ne peut être invoqué.
B. des B.
CE, 6 novembre 2024, n° 471372
Espèces protégées – Menace d’extinction (non) – Parc éolien
Cette affaire concerne un parc éolien de neuf turbines situé en Côte-d’Or, autorisé par un arrêté préfectoral du 7 juin 2013, ayant causé la mort d’espèces protégées (milans royaux et pipistrelles) sans que celles-ci soient menacées d'extinction. Le Conseil d'État, saisi par l’Association pour la défense du patrimoine, annule l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon considérant qu’elle a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que le projet litigieux ne présentait pas de risque suffisamment caractérisé d'atteinte aux espèces protégées.
Cette décision s’inscrit pleinement dans le prolongement de l’avis CE, 9 décembre 2022, n° 463563, précisant à quelles conditions, lors d’une demande d’autorisation environnementale, il convient également de solliciter la délivrance d’une dérogation « espèces protégées » au titre de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Dans ses conclusions, le rapporteur public insiste sur la nécessité de clarifier l'efficacité des mesures d'évitement dans des affaires similaires et de garantir une unité de la jurisprudence sur la question du risque pour les espèces protégées.
B. des B.
CE, 8 juillet 2024, n° 465780
Tortue d’Hermann – Projet de construction – Préjudice d’agrément (non) – Association de protection des animaux (non)
Le présent litige est relatif à la protection des tortues d'Hermann. Dans le cadre d'un projet de construction à Porto-Vecchio, M. B... A... et la SCI Florence ont demandé l'annulation d'un arrêté préfectoral du 19 décembre 2017 autorisant la société Probat à déplacer ces tortues et à détruire leur habitat. La Cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 novembre 2019, n° 1800042, qui invalidait l'arrêté préfectoral. Le Conseil d’État rejette le pourvoi de la SCI Florence, estimant qu'elle n'avait pas un intérêt suffisant pour agir, et pour absence de préjudice d'agrément, car le simple fait d'apprécier la présence d'espèces protégées, sans préjudice réel, ne peut justifier un recours. En revanche, un recours aurait pu être recevable s'il avait été initié par une association de protection de l'environnement, dont l'objet statutaire est directement lié à ce type de décision.
B. des B.
CE, 9 septembre 2024, n° 489223 et TA Toulouse, 24 août 2024, n° 2405173
Ours brun – Protection des troupeaux – Mesures d’effarouchement (oui)
Dans la première espèce, le Conseil d'État rejette la requête de l'association Pays de l'ours - ADET (Association pour le développement durable des Pyrénées), l'association Ferus - Ours Loup Lynx Conservation, l'Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS), le Comité écologique ariègeois, l'association France nature environnement Hautes-Pyrénées, l'association Animal cross et l'association Fonds d'intervention éco-pastoral - groupe ours Pyrénées (FIEP) contestant un arrêté du 4 mai 2023 du ministre de l'agriculture autorisant des mesures d'effarouchement de l'ours brun dans les Pyrénées pour protéger les troupeaux. Les associations estiment que cet arrêté viole le principe de précaution. Cependant, le Conseil d'État a jugé, sur la base des expérimentations menées entre 2019 et 2021, que les mesures d'effarouchement (sons, odeurs, lumières) prévues par l'arrêté n'affectent pas la conservation des populations d'ours dans leur habitat naturel.
Dans la deuxième espèce, dans le même sens et pour les mêmes motifs, cette ordonnance du juge des référés rejetant la requête de l’association One Voice demandant la suspension de l’arrêté du préfet de l’Ariège du 23 août 2024, autorisant l’effarouchement renforcé de l’ours brun sur l’estive du groupement pastoral du Trapech les nuits des 27 et 28 août 2024 de 20h à 7h30, afin de prévenir les dommages aux troupeaux.
B. des B.
TA Caen, 1er octobre 2024, n° 2303045
Goëland argenté – Autorisation de tirs légaux – Destruction illégale – Association – Préjudice moral (oui) – Préjudice écologique (non)
Le Tribunal administratif de Caen saisi par l’association Manche Nature d’un recours indemnitaire tendant à obtenir la réparation du préjudice moral et écologique résultant de la destruction illégale de Goélands argentés admet la responsabilité pour faute de l’État pour avoir autorisé des tirs létaux d’oiseaux juridiquement protégés. Le tribunal administratif reconnaît l'illégalité des arrêtés préfectoraux de 2020 et 2022 et accorde une indemnisation pour le préjudice moral subi par l'association. Il rejette cependant la demande concernant le préjudice écologique, estimant que la destruction illégale de spécimens d'une espèce protégée ne constitue pas en elle-même un préjudice écologique réparable selon l'article 1247 du Code civil, et qu’en la circonstance le préjudice n'est pas suffisamment démontré.
B. des B.
B Chasse et pêche
CE, 18 octobre 2024, n° 498433
Quotas de chasse – Lagopède alpin – Suspension (oui) – Urgence (oui)
Le Conseil d'État a rejeté la requête de la ministre de la Transition écologique visant à annuler l'ordonnance du 4 octobre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse. Cette décision avait suspendu un arrêté préfectoral de l'Ariège qui autorisait des quotas de chasse au lagopède alpin pour la saison 2024-2025. Le Conseil d'État a estimé que cet arrêté porte une atteinte grave et illégale au droit à un environnement sain et risquait de compromettre les efforts de conservation de cette espèce en danger. Il a également reconnu une situation d'urgence, l'arrêté ayant rapidement produit ses effets après sa publication.
B. des B.
CE, 4 novembre 2024, n° 488725, n° 488728, n° 488732
Chasse – Oiseaux migrateurs – Vice de procédure – Consultation publique obligatoire –Suspension (non)
Le Conseil d'État a annulé trois arrêtés du 2 août 2023, pris par le ministère de la Transition écologique, qui suspendaient la chasse de trois espèces d'oiseaux migrateurs notamment celle de la tourterelle des bois, du courlis cendré et de la barge à queue noire, jusqu'au 30 juillet 2024. Cette annulation, demandée par l'Union nationale des associations de chasseurs d'oiseaux migrateurs (UNACOM), repose sur un vice de procédure. La consultation publique obligatoire prescrite par l’article L.123-19-1 du Code de l’environnement, s’est tenue en méconnaissance de la condition de durée minimale de vingt-et-un jours, privant ainsi le public d'une garantie ; une telle irrégularité entache, dès lors, d'illégalité les arrêtés attaqués. Toutefois, cette décision n'affectant pas la décision sur le fond, la suspension de la chasse est prolongée pour 2025 par un nouvel arrêté ministériel pris le 22 août 2024.
B. des B.
CE, 21 novembre 2024, ord. n° 498595
Chasse – Oiseaux de passage – Gibier d’eau – Espèces menacées – Urgence (non) – Incertitudes scientifiques (non) – Principe de précaution (non)
Le juge des référés du Conseil d'État rejette les requêtes de plusieurs associations de protection de la faune (LPO, ASPAS, AMAZONA, AEVA, etc.) demandant la suspension de certains articles de l’arrêté ministériel du 3 octobre 2024 réglementant la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau pour la saison 2024-2025 en Guadeloupe, Saint-Martin et Martinique.
Pour justifier de l’urgence, elles font valoir un risque grave et immédiat pour des espèces en déclin, comme la bécassine de Wilson, le bécasseau à échasses, la maubèche des champs, le bécasseau à poitrine cendrée, le pluvier bronzé, le pluvier argenté, le chevalier semipalmé et le grand chevalier à pattes jaunes. En outre, l’arrêté aurait été adopté sans consultation publique et sans l’avis obligatoire de la Fédération nationale des chasseurs ou de l’Office français de la biodiversité. Enfin, elles invoquent le principe de précaution, la chasse aurait été autorisée malgré la menace pesant sur des espèces classées "quasi menacées" ou "vulnérables".
Le Conseil d'État considère qu’aucun des moyens soulevés ne permet de remettre en cause la légalité de l’arrêté. Les risques liés à la conservation des espèces sont déjà connus et ne relèvent pas des incertitudes scientifiques justifiant l’application du principe de précaution.
B. des B.
CE, 24 juillet 2024, n° 493887 et CC, 18 octobre 2024, n° 2024-1109 QPC
Engrillagement – Limites – Protection des espaces naturels – Protection de la faune sauvage – Droit de clore sa propriété – QPC (oui) – Conformité à la Constitution
Le Conseil d’État sursoit à statuer sur les requêtes du Groupement forestier Forêt de Teillay et autres, la SCI Les Nardilays et autres et la Fédération nationale des chasses professionnelles et autres, concernant la loi n° 2023 54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la faune sauvage. Les requérants allèguent que ces dispositions portent atteinte au droit de clore sa propriété, inscrit à l’article 647 du code civil, ce qui pose une question prioritaire de constitutionnalité.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 octobre 2024, a jugé conformes à la Constitution les dispositions contestées. Il a estimé qu’elles poursuivent un objectif de protection de l’environnement en encadrant le droit de se clore pour permettre la libre circulation de la faune sauvage, tout en acceptant leur application rétroactive. Cette décision s’appuie sur la nécessité de réduire les enclos étanches en raison de leurs effets négatifs sur l’environnement observés depuis 30 ans.
B. des B.
C Santé animale et protection des races
Cass. Civ. 1re, 16 octobre 2024, n° 23-14.745
Vache Iroise – Sélection et amélioration de la génétique – Information – Naissances – Système national d’information génétique
Après la résiliation, par un éleveur, d’un accord-cadre portant sur la sélection et l'amélioration de la génétique de vaches de race normande ainsi qu'un contrat d'application concernant la vache dénommée Iroise, la partie subissant cette rupture, l’Union des coopératives agricoles évolution, l’a assigné en paiement de dommages et intérêts en raison de manquements. Le litige porte sur le défaut d’information de la part de l’éleveur concernant les naissances de veaux. Les juges d’appel ont accédé à cette demande, mais l’arrêt va être cassé. En effet, s’il appartient à l’éleveur de transmettre les informations relatives aux naissances et de prouver la transmission de ces informations, il s’avère qu’il peut pour ce faire s’appuyer sur les usages de la profession et le fait que l’Union avait accès au Système national d'Information génétique bovin sur lequel les naissances sont mentionnées en temps réel. Dès lors, cette dernière dispose des éléments nécessaires pour analyser l’intérêt de chaque animal sur le plan génétique.
D. T.
D Cause animale
Cass. Civ. 1e, 10 juillet 2024, n° 22-23.170 et 22-23.247
Liberté d’expression – Droit de propriété – Bien-être animal – Trouble manifestement illicite – Absence d’autorisation – Proportionnalité (non)
Dans les deux espèces, l’association Vegan impact a diffusé sur son site internet et ses réseaux sociaux des images et des vidéos, obtenues sans autorisation, d’élevages de poules pondeuses élevées en plein air. Chacune des sociétés ayant fait l’objet de ces prises de vue a assigné l’association en référé afin d’obtenir le retrait des images et vidéos, ainsi que l’interdiction de leur utilisation. Les juges ont rejeté l’exception de nullité soulevée par l’association, ce qui conduit à un pourvoi en cassation de cette dernière dans chacune des affaires. Dans les deux espèces, le premier moyen permet à la Cour de cassation d’établir que l’assignation de la société ne portait pas sur une atteinte à la réputation et, partant, n’était pas relative à la qualification de diffamation. Ensuite, concernant l’existence d’un trouble manifestement illicite permettant à la société d’agir afin de s’opposer à la diffusion des images, la deuxième espèce est l’occasion de rappeler qu’un référé est possible en la matière, tandis que la première permet à la Cour de cassation d’admettre que les juges du fond ont pu valablement caractériser l’existence d’un trouble manifestement illicite concernant des images tournées dans les locaux de la société sans autorisation. Enfin, toujours dans le premier arrêt, la discussion porte sur les limites à la liberté d’expression avec, comme support, l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et la jurisprudence associée. Ce droit doit être mis en balance avec un autre droit garanti par la Convention, le droit de propriété garanti (art. 1 prot. 1). Ce conflit de droits fondamentaux permet à la Haute juridiction de rappeler la construction jurisprudentielle de la Cour de Strasbourg sur les associations militant pour les droits des animaux. Ainsi, ce thème correspond à un sujet d’intérêt général pour lequel « seul un besoin social impérieux » permet de limiter la liberté d’expression. Cela n’empêche pas l’obligation pour l’association, comme pour les journalistes, de devoir adopter un « comportement raisonnable ». Ces conditions étant posées, il reste à analyser la proportionnalité de l’ingérence faite à la liberté d’expression. Pour cela il doit être tenu compte de la portée de la publication dans le débat d’intérêt général, du comportement antérieur de la personne concernée, de la notoriété de la personne visée, des conditions d’obtention des images, ainsi que leur véracité et la gravité des sanctions imposées. La cour d’appel a bien considéré que le bien-être animal relevait d’un débat d’intérêt général, mais elle a également souligné que le tournage des vidéos sans autorisation pouvait avoir eu des répercussions sur la santé des animaux et provoqué une rupture dans l’application des normes sanitaires avec, dès lors, des conséquences possibles sur la santé des consommateurs. Elle a également noté une présentation « particulièrement accrocheuse » des images.
Les juges du fond ont ainsi procédé à une mise en balance des droits en présence et justement déduit qu’il y avait une atteinte disproportionnée aux droits de la société. Le pourvoi de l’association est donc rejeté.
D. T.
CE, 19 novembre 2024, n°487936
Animaux sauvages – Établissements fixes – Établissements itinérants – Principe d’égalité – Mauvais traitements – Éducation et formation à l’environnement – QPC (oui)
L'association One Voice a saisi le Conseil d'État pour demander l'annulation d'un arrêté du 3 juillet 2023 du ministre de la Transition écologique, établissant une équivalence entre les certificats de capacité pour la présentation d'animaux sauvages dans des établissements fixes et itinérants. Elle a également soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant les articles L. 413-10 et L. 413-11 du Code de l'environnement.
L'association soutient que ces dispositions ne respecteraient pas le principe d'égalité devant la loi (article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen), en n'appliquant pas aux établissements fixes les mêmes interdictions concernant la détention, l'exploitation et l'exposition d'animaux sauvages que celles imposées aux établissements itinérants, qu’elles méconnaîtraient le principe constitutionnel d'éducation et de formation à l'environnement (article 8 de la Charte de l'environnement) ; enfin qu’elles contrediraient un principe fondamental des lois de la République interdisant les mauvais traitements envers les animaux, inscrit notamment dans la loi du 2 juillet 1850. Le Conseil d'État estime que la QPC remplit les conditions légales et décide de suspendre l'examen de la requête jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel se prononce.
B. des B.
III Les animaux, êtres sensibles
A L’alimentation animale (aspects sanitaires)
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
B Maltraitance, actes de cruauté
Cass. Com., 19 juin 2024, n° 22-21.481
Interdiction d’exercer une activité en lien avec les animaux – Contrôle judiciaire – Gérance de société – Administrateur provisoire
Une femme a été placée sous contrôle judiciaire avec l’obligation de « ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale : en l’espèce, toute activité professionnelle, sociale ou bénévole en lien avec les animaux ». Or, cette femme est gérante d’une société qui a comme activité principale l’élevage et la vente d’animaux. Pour cette raison, une ordonnance du tribunal de commerce a désigné un administrateur provisoire. La gérante a essayé d’obtenir en référé la caducité et, subsidiairement, la rétractation de l’ordonnance. Après rejet de sa demande, elle se pourvoit en cassation. Cet arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler que l’interdiction faite à une personne de travailler, d’une manière ou d’une autre avec des animaux, l’empêche de rester gérante, même partiellement, d’une société dont l’activité principale implique des animaux. Dès lors, le respect des obligations tenant au contrôle judiciaire dont elle fait l’objet justifie l’ordonnance nommant un administrateur provisoire. Par ailleurs, comme rappelé par la cour d’appel, la nomination de cet administrateur provisoire a débouché sur la vente de nombreux animaux et a assuré la pérennité de la société. Cela a permis à l’ancienne gérante de reprendre la direction de la société à la fin du mandat de l’administrateur. Ainsi, c’est à bon droit que les juges du fond ont établi que la gérante ne pouvait demander le remboursement de certaines sommes d’argent à l’administrateur provisoire et que son action en justice relevait d’un abus de droit. Son pourvoi est donc rejeté.
D. T.
Cass. Crim., 18 juin 2024, n° 23-84.094
Mauvais traitements – Privation de soins ou d’alimentation – Confiscation – Remise à une association – Peine principale – Peine complémentaire
Un homme a été condamné par le tribunal correctionnel pour diverses infractions au Code rural et de la pêche maritime incluant mauvais traitements à des animaux, privation de soins ou d’alimentation. Pour cette raison, 258 bovins ont été saisis sur son exploitation et confiés à l’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs. Deux points sont essentiellement discutés après pourvoi de la part de l’exploitant : d’une part, la confiscation des animaux et, d’autre part, leur remise à une association. Sur le premier point, la cour d’appel a établi que le propriétaire n'a initié aucune démarche permettant d’assurer un meilleur traitement aux animaux et qu’il est « resté sourd » aux recommandations et avertissements émis par les services vétérinaires avec lesquels il s’est d’ailleurs montré virulent, voire menaçant. Sur le deuxième point, la question porte sur la coexistence dans cette affaire d’un délit de mauvais traitement à animal assorti d’une contravention pour non-respect d’une mise en demeure et de contraventions de 4e classe portant sur les conditions de vie des animaux (au nombre de 396 !). Dans les deux cas, le Code pénal prévoit la possibilité de mettre en place la remise des animaux à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique. Il s’agit, d’un côté, d’une modalité de confiscation, mais de l’autre, d’une peine complémentaire. Dès lors, ce sont des peines qui ne sont pas de même nature et qui peuvent ainsi être prononcées envers la même personne. Le pourvoi est donc rejeté.
D. T.
C Euthanasie, bien-être animal
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
IV Les animaux, être aimés
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
V Les animaux, causes de troubles
A La responsabilité civile
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
B La responsabilité administrative
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
C La santé humaine
Cass. Civ. 2e, 19 septembre 2024, n° 22-19.698
Alerte sanitaire – Retrait des produits – Assurance – Faute dolosive
Les autorités sanitaires ont enjoint à une entreprise, la société SEB, fabriquant des steaks hachés commercialisés par l’enseigne Lidl, de retirer de la vente ses produits en raison d’une alerte sanitaire. Le gérant de cette société a été condamné pour blessures involontaires, tromperie, détention de denrées corrompues ou toxiques et mise sur le marché de produits d’origine animale dangereux.
Parallèlement, durant une procédure de redressement puis de liquidation judiciaire, les organes de procédure collective de la société SEB ont assigné la société Lidl devant le tribunal de commerce pour rupture brutale des relations commerciales, tandis que l’assureur de cette dernière assignait l’assureur de producteur de steaks hachés afin d’obtenir le remboursement des sommes versées aux victimes. Quant à celui-ci, il a assigné son assureur devant le tribunal de commerce en exécution du contrat d’assurance au titre des garanties responsabilité civile.
Le pourvoi formé devant la Cour de cassation comporte deux moyens entièrement dédiés à la question assurantielle. Sur le premier point, la Cour de cassation rappelle qu’il faut un intérêt né et actuel pour obtenir la garantie de l’assureur, or il n’est pas démontré ici que la société SEB ait fait l’objet d’une demande d’indemnisation de la part de victimes de la crise sanitaire. Sur le deuxième point, l’analyse porte sur la question de la faute dolosive de l’assuré justifiant l’absence de garantie de la part de l’assureur. Cette faute dolosive doit être entendue comme « un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables ». À cet égard les juges du fond se sont à juste titre servi de la condamnation pénale du gérant par laquelle il ressortait qu’il savait avoir mis sur le marché un produit alimentaire potentiellement dangereux après en avoir allégé les contrôles sanitaires.
D. T.
D Les animaux dangereux
a Imprudence – Négligence
Cass. Crim., 1er octobre 2024, n° 23-83.421
Chiens – Divagation – Agression – Manquement manifestement délibéré à une obligation de prudence ou de sécurité (non)
La chienne d’une femme a été attaquée dans la cour de cette dernière par 3 chiens qui se sont échappés de leur enclos. La femme a été blessée à la main en tentant de secourir son animal, mais celui-ci a dû être euthanasié en raison de la gravité des blessures infligées. Le propriétaire des chiens à l’origine de l’attaque a été poursuivi des chefs de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de moins de trois mois par agression d'un chien, détention d'un chien non identifié et circulation sur la route d'un animal sans conducteur. L’enjeu principal est de savoir si le propriétaire a violé de manière manifestement délibérée une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. La Cour de cassation rappelle que les dommages causés par l’agression d’un chien peuvent entrer dans le champ de cette qualification pénale. Cependant, il faut que les juges du fond motivent en quoi ce dommage résulte d’un manquement délibéré. Ce n’est pas le cas en l’espèce car si la cour d’appel a détaillé les manquements du propriétaire des chiens qui ont ainsi divagué, alors même que cela s’était déjà produit à plusieurs reprises, elle n’a pas déterminé en quoi ce manquement était manifestement délibéré.
D. T.
b Dégâts causés par les animaux
TA Toulouse, 7 mai 2024, n° 2402510 et TA Limoges, 26 juin 2024, n°2400968
Chiens divagants – Dommages – Troupeaux – Abattage nocturne – Doute sérieux (oui) – Urgence (oui) – Association – Désistement
Le préfet de l'Aveyron a pris un arrêté le 10 avril 2024 autorisant, pour un mois, l'abattage nocturne de chiens divagants identifiés comme responsables ou susceptibles de causer des dommages aux troupeaux dans certaines communes, en cas d'impossibilité de capture, sur le territoire des plusieurs communes. L’association Société Nationale pour la Défense des Animaux (SNDA) et l'association Stéphane Lamart « Pour la défense des droits des animaux » ont contesté cette décision devant le juge des référés de Toulouse. Celui-ci a suspendu l'arrêté en raison d'une motivation insuffisante, d'une méconnaissance de l’article L. 211-11 et suivants du Code rural et du caractère disproportionné de la mesure, de nature à faire naître un « doute sérieux » quant à la « légalité de cette décision ». Il a également reconnu l'urgence à agir, compte tenu de l'atteinte grave aux intérêts défendus par les associations, et de la proximité de l'échéance au 11 mai 2024.
Dans l’autre affaire de chiens errants, le préfet de la Haute-Vienne retire son arrêté du 30 mai 2024 autorisant la neutralisation de chiens en divagation sur le territoire des communes de Saint-Paul et Saint-Genest-sur-Roselle avant que le Tribunal administratif ne statue sur la requête de l'association Société nationale pour la défense des animaux demandant sa suspension. En conséquence, le Tribunal administratif de Limoges prend acte du désistement de l'association et conclut au non-lieu à statuer.
B. des B.
TA Limoges, 19 septembre 2024, n° 2401599
Sanglier – Battues affinitaires – Urgence (non)
Le Tribunal administratif de Limoges rejette la demande de l’association One Voice, qui sollicitait la suspension de l’exécution d’un arrêté préfectoral du 1er août 2024 autorisant, du 15 août 2024 au 31 mars 2025, des battues "affinitaires" pour la chasse aux sangliers, organisées par les détenteurs du droit de chasse, sur proposition des lieutenants de louveterie.
Le juge des référés a estimé que la mesure en cause ne portait pas une atteinte suffisamment grave, ni à la préservation du sanglier, ni à la situation ou aux intérêts défendus par l’association, ni à un intérêt public. En conséquence, la condition d’urgence nécessaire pour suspendre l’exécution de l’arrêté n’étant pas remplie, l’arrêté reste applicable.
B. des B.
TA Montpellier, 19 septembre 2024, n° 2206696
Cervidés – Ragondins – Renards – Sangliers – Tirs individuels – Absence de consultation publique – Rétroactivité – Justification suffisante (non)
Saisi par l'association One Voice, le Tribunal administratif de Montpellier annule l’arrêté du 7 novembre 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a autorisé un lieutenant de louveterie à procéder à des tirs individuels de jour comme de nuit avec sources lumineuses sur certaines espèces animales, dont les cervidés, les ragondins, les renards et les sangliers, sur le territoire de plusieurs communes des Pyrénées-Orientales. Le tribunal a relevé plusieurs irrégularités : l’absence de consultation publique, l’illégalité de la rétroactivité de l'arrêté, et le manque de justification suffisante concernant les moyens invoqués (protection des cultures et sécurité publique). L'arrêté est jugé contraire à l'article L. 123-19-1 du Code de l'environnement, les arguments avancés ne justifiant pas de déroger aux règles de participation publique.
B. des B.
c Retrait
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
E Les animaux nuisibles
Aucune jurisprudence pour ce numéro.