Droit administratif
- Pascal Combeau
Professeur de droit public
Université de Bordeaux
Institut Léon Duguit - Maryse Deguergue
Professeure émérite de droit public
Université Paris
ISJPS (CERAP)
Le bruit et l’odeur des animaux à la campagne : les maires à la rescousse des néoruraux ? (Note sous CAA, Nancy, 10 octobre 2023, Commune de Muttersholtz, n° 21NC00236)
Mots-clés : police administrative, règlement sanitaire départemental, carence fautive, trouble anormal de voisinage
1. On connait bien le phénomène de la néoruralité qui, à défaut d’être nouveau1, s’est accéléré ces dernières années. Cette aspiration des citadins à vivre à la campagne s’appuie moins aujourd’hui sur des motivations idéologiques liées aux utopies communautaires néorurales de l’après mai-68 que sur des orientations très personnelles. En dehors des cas de migration imposés par l’augmentation des coûts de la vie et du logement en ville, il existe aussi une volonté très actuelle de lier les sphères professionnelles, personnelles et familiales2, dont la dernière expérience des confinements sanitaires, couplée au développement du télétravail, n’a fait qu’exacerber. Les répercussions de ce phénomène sont innombrables. Elles sont à la fois sociologiques – certains se demandant par exemple, dans la lignée d’Henri Mendras, s’il ne conduisait pas à la fin des paysans3 – et démographiques dès lors que « ces citadins installés durablement à la campagne ont inversé le sens de la transhumance de leurs grands-parents, qui avaient nourri le flot de l’exode rural vers le Formica et les cinémas »4. Le rapport de ces néoruraux aux animaux et plus largement à la « campagne » est une autre conséquence teintée de paradoxe. Pétris d’une conception idéalisée de la nature, conçue en quelque sorte « comme un milieu sous cloche, dépourvu de toute activité »5, certains ne supportent ni les bruits, ni les odeurs pourtant inhérents à la vie rurale : « les coquelinements dans les basses cours, le tintement des clarines sur les estives, le béguètement des chèvres, le braiement de l’âne, l’odeur du fumier ou du crottin, les coassements des grenouilles, etc. »6, autant de « soupirs de l’âme du monde », chers à Maupassant7.
2. Sur le plan juridique, cette tendance s’est surtout traduite par une augmentation sensible des saisines du juge judiciaire sur le fondement de la responsabilité sans faute du fait des troubles anormaux de voisinage. Ce contentieux a, du reste, donné lieu à des arrêts célèbres, à l’instar de celui rendu par la Cour d’appel de Riom qui, à propos de nuisances sonores et olfactives causées par un poulailler, s’était moqué des plaignants dans des termes assez peu juridiques8. C’est le cas également des affaires plus récentes mais toutes aussi médiatiques du coq Maurice de l’Ile d’Oléron qui avait la fâcheuse habitude de coqueliner tous les matins sans respect de ses voisins vacanciers9 ou du cheval de trait de Boisseron, Sésame, accusé de production excessive de crottin sans égards pour les propriétaires d’un gite situé à proximité10. La multiplication de ces recours, analysée comme une forme de remise en cause de la ruralité, a conduit le législateur à réagir avec l’adoption de deux propositions de loi : la première est relative à l’introduction dans le code de l’environnement de la notion inédite de patrimoine sensoriel11 ; la seconde porte sur la codification, annoncée par la loi de 202112, du régime jusque-là jurisprudentiel du trouble anormal de voisinage que le législateur a souhaité encadrer afin d’éviter un engagement systématique de la responsabilité des agriculteurs13. Mais en dehors des troubles anormaux de voisinage, les exigences de ces néoruraux mettent aussi la pression sur les élus locaux et en particulier sur les maires des communes rurales, ainsi que le relevait le rapporteur du Sénat lors de l’adoption de la loi de 2021 : « Si le nombre d'affaires judiciaires relatives aux conflits de voisinage portant sur les sons et odeurs en milieu rural est constant, votre rapporteur a pu constater, lors de ses auditions auprès d'élus locaux, le sentiment d'un accroissement des sollicitations ou interpellations sur ces sujets - le maire ou les conseillers municipaux ayant souvent un rôle de médiateur »14. Le maire se retrouve ainsi au cœur de ces conflits mais son rôle ne se réduit pas à cette médiation nécessaire, il peut aussi être astreint à des obligations plus contraignantes, comme l’illustre cet arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Nancy.
3. Les faits examinés par le juge nancéen sont assez simples même si, à défaut de précisions, ils pourraient suggérer un différend entre deux néoruraux cohabitant dans un même corps de ferme situé à Muttersholtz, petite commune de la Communauté européenne d’Alsace. La première partie de ce bâtiment a en effet d’abord été acquis et réaménagé en maison d’habitation par un couple de propriétaires. Quelques années après, un autre couple a fait l’acquisition de la seconde partie du bâtiment afin d’y implanter une pension pour chevaux, « Le saut dans le Ried ». La cohabitation a mal tourné et les résidents, indisposés par cette promiscuité, plutôt que de mettre en cause la responsabilité des exploitants pour trouble anormal de voisinage ont préféré se tourner vers un fondement inédit dans ce genre de contentieux, à savoir la responsabilité de la commune en raison de la carence fautive du maire. Plus précisément, ils ont demandé au maire de la commune d'utiliser ses pouvoirs de police administrative générale en raison d’un trouble à la salubrité publique, de faire respecter les prescriptions du règlement sanitaire départemental qui imposent le respect d’une distance d’au moins 25 mètres entre des bâtiments refermant des animaux et les immeubles habités et afin d’enjoindre aux exploitants de déplacer leur écurie située à moins de 8 mètres à bonne distance de leur habitation. Après le refus implicite du maire à cette demande initiale, suivie de son refus explicite à leur demande indemnitaire, ils ont saisi le Tribunal administratif de Strasbourg qui rejeta leur requête tendant à reconnaitre la responsabilité de la commune15. La Cour administrative d’appel de Nancy confirme ce jugement et ne fait pas plus droit aux prétentions indemnitaires des requérants. Mais son raisonnement montre que les maires pourraient jouer à l’avenir un rôle plus actif dans ces conflits de voisinage : si le juge d’appel rejette la requête, c’est uniquement parce que les préjudices allégués ne sont pas constitués. Le principe de la responsabilité de la commune est bien posé, la faute tenant ici à la carence du maire à agir. Cet arrêt pose ainsi le cadre de nouvelles obligations des maires (I), sanctionnées par une responsabilité de la commune dont les contours sont ici esquissés (II).
I. L’étendue des obligations du maire
4. Notre arrêt est assez explicite sur l’étendue de ces obligations : « il incombait au maire de la commune de Muttersholtz, chargé […] de la police municipale, de prendre les mesures appropriées afin d'empêcher des troubles liés à la salubrité publique et d'assurer le respect de la réglementation départementale édictée à cet effet » (point 5). S’il devait prendre des mesures de police initiales dès lors que l’article L. 2542-3 du CGCT applicable à la police municipale dans les communes d’Alsace-Moselle impose au maire « de veiller à la tranquillité, à la salubrité et à la sécurité des campagnes », c’est surtout son obligation à appliquer les mesures de police préétablies que le juge met en exergue, en particulier son obligation de rendre effectif l’article 153.4 du règlement sanitaire du département du Bas-Rhin relatif aux règles d'implantation des bâtiments d'élevage ou d'engraissement qui impose une distance minimum entre ces bâtiments et les habitations. Cette obligation était loin d’être évidente.
5. D’abord parce que la réglementation préexistante pose un problème juridique de taille. Les règlements sanitaires départementaux sont en effet des actes arrêtés par chaque préfet de département sur la base d’un règlement départemental sanitaire type élaboré par le ministre de la Santé16 qui sont censés avoir disparu. L’histoire des règlements sanitaires est d’ailleurs assez symptomatique de la centralisation progressive de la politique sanitaire17. Edictés par les maires dès 1902 dans un souci de protection de l'ordre public sanitaire, afin de définir les modalités d'exercice d'une activité donnée, privée ou professionnelle, ils ont connu une première recentralisation avec un décret-loi de 1935, codifié par la suite dans le code de la santé publique18 : « le constat des carences de l'intervention municipale, à la fois insuffisante et hétérogène, a conduit à une recentralisation de l'intervention réglementaire en la matière, au profit de préfet de département […] »19. En 1986, le législateur opère une autre recentralisation, cette fois dans les mains de l’Etat central20. L’article L. 1311-1 du nouveau code de la santé publique, reprenant ces dispositions, prévoit ainsi que « les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme », notamment en matière de salubrité des habitations ou de lutte contre les nuisances sonores, sont fixées par des décrets en Conseil d’Etat, le maire ou le préfet ne pouvant intervenir par arrêtés que pour compléter ces décrets21. Cette compétence de principe du Premier ministre fait dire à certains auteurs que « les règlements antérieurs qui ont subsisté n’ont plus qu’une portée marginale »22, voire que « les notions de règlements sanitaires communaux et départementaux ont formellement disparu »23. Mais la jurisprudence est plus nuancée. En l’absence des décrets prévus par l’article L. 1311-1, elle considère que les textes antérieurement en vigueur et notamment les règlements sanitaires départementaux sont toujours applicables. Le Conseil d’Etat, dans un arrêt de 2020, a précisé que cette disposition n’impose pas l'adoption d'un règlement sanitaire national et qu’elle n'implique la fixation, dans des matières dans les matières énumérées, de règles générales par décret en Conseil d'Etat « que lorsque la situation l'exige »24. Les règlements sanitaires départementaux peuvent donc demeurer en vigueur, mais uniquement dans leur rédaction antérieure au 8 janvier 1986 ; pour les règles générales d'hygiène en matière de salubrité des habitations, il a considéré qu’un décret était nécessaire et enjoint le Premier ministre de prendre un tel texte25. La Cour administrative de Nancy confirme bien la force juridique de ce type de réglementation.
6. Ensuite, si le règlement sanitaire départemental pouvait bien être invoqué en l’espèce, son article 153.4 posait aussi certaines questions quant à son champ d’application. Cette disposition que l’on retrouve dans tous les règlements sanitaires départementaux s’inscrit dans un Titre VIII relatif aux « prescriptions applicables aux activités d’élevage et autres activités agricoles » et impose des distances minimum d’implantation des bâtiments renfermant par rapport aux habitations : 35 à 100 mètres pour les élevages porcins, 100 mètres pour les élevages renfermant moins de 10 chiens et 25 pour les « autres élevages, à l’exception des élevages de type familial et de ceux de volailles et de lapins »26 ; des dérogations sont possibles, elles sont alors accordées par le préfet27. Cette disposition est souvent invoquée28, mais elle l’est surtout dans le contentieux de l’urbanisme. Les règlements sanitaires départementaux sont ainsi opposables aux permis de construire29 dont la légalité peut être examinée à l’aune des règles de distance prévues par l’article 153.430. A cette occasion, le juge administratif vérifie le respect des conditions posées par cette disposition : l’existence d’un bâtiment dédié à l’élevage qui suppose une activité commerciale et non familiale31 et l’existence d’un bâtiment habité ou habituellement occupé par des tiers, ou d’un établissement recevant du public32. Notre arrêt est à notre connaissance le premier qui, en dehors du droit de l’urbanisme, exploite cet article 153.4 pour définir une obligation des maires. Un autre arrêt s’était penché sur l’obligation du préfet à faire respecter sa propre réglementation mais elle avait été écartée faute pour les requérants d’établir l’existence d’une activité d’élevage33. Le juge nancéen utilise toutefois les mêmes critères jurisprudentiels pour apprécier le champ d’application de l’article 153.4 : alors que la commune prétendait que la pension pour chevaux était une activité familiale, la Cour a considéré que « cette exploitation, qui permet la location onéreuse de box pour accueillir et faire travailler les chevaux, correspond à une activité commerciale qui ne saurait être considérée, quelle que soit sa taille, comme constituant un élevage de type familial » (point 4).
7. Enfin, une autre question se posait dans cette affaire : le maire est-il vraiment dans l’obligation d’agir ? Cette question se rattache à la problématique plus générale des obligations de prendre des mesures de police dont les contours sont encore loin de faire l’unanimité. Conformément à la présentation élaborée par certaines auteurs34, il y a lieu de distinguer ici entre l’obligation de prendre des mesures de police initiales et celle d’appliquer une mesure de police préétablie. La première est la plus discutée. Si elle est pleinement reconnue dans le contentieux de la réparation, elle est traditionnellement subordonnée à des conditions dans le contentieux de la légalité, conformément à l’arrêt Doublet de 195935, même si des jurisprudences plus récentes semblent moins exigeantes, faisant simplement référence à un trouble à l’ordre public36. La seconde en revanche semble plus acceptée. Dès lors qu’elle n’est « qu'une application particulière du principe général selon lequel l'autorité administrative a l'obligation de prendre les mesures nécessaires à l'exécution des lois et règlements »37, l’obligation d’appliquer une réglementation de police préexistante est largement entendue dans le contentieux de la réparation et dans celui de la légalité, que la mesure de police soit le fait de l’autorité chargée de son application ou qu’elle soit édictée à un niveau plus élevé. On connait ici l’apport du second arrêt Doublet de 1962 qui contraint les maires à assurer les réglementations de police préfectorales38. L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel se situe bien dans ce contexte jurisprudentiel et, s’agissant en l’espèce d’un contentieux de la réparation, établit de manière claire une double obligation à la charge du maire de Muttersholtz : une obligation de prendre des mesures initiales dès lors que les troubles à la salubrité publique sont avérés39 et une obligation d’appliquer la réglementation préfectorale, à savoir le règlement sanitaire départemental. Sur ce dernier point, le juge nancéen se situe pleinement dans les traces de l’arrêt Doublet de 196240. Il en tire aussi les mêmes conséquences : ces obligations peuvent être sanctionnées par la reconnaissance de la responsabilité de la commune.
II. La sanction des obligations du maire
8. En dehors des procédures d’injonction ou de référés, il y a traditionnellement deux manières pour le juge administratif saisi de faire respecter à l’administration ses propres obligations de prendre des mesures de police : le refus exprès ou implicite de l’autorité de police de prendre ces mesures est illégal et peut donc être attaqué devant le juge de l’excès de pouvoir ; si des préjudices en résultent, la responsabilité de l’administration pourra être mise en jeu41. Dans notre affaire, c’est bien cette dernière voie contentieuse qui est utilisée par les requérants qui prétendent avoir subi un préjudice du fait de la carence fautive du maire à agir. Sur ce point, l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Nancy appelle quelques précisions.
9. En premier lieu, et c’est une avancée importante, le juge reconnait l’existence d’une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. Cette faute résulte de la carence du maire à faire respecter la réglementation préfectorale : « il résulte de l'instruction que […] le maire de la commune de Muttersholtz, qui n'a jamais répondu aux sollicitations de M. D..., n'a pris aucune mesure pour faire respecter la règle de distance prévue par la règlementation sanitaire départementale. Par suite, l'inertie prolongée du maire à prendre les mesures nécessaires au respect d'une règlementation préexistante de police, est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Muttersholtz » (point 5). Même s’il dégage une double obligation à la charge du maire, c’est bien l’inertie du maire à appliquer une règle de police déjà existante qui est ici sanctionnée. La jurisprudence Doublet de 1962 en constitue le cadre juridique, avec une différence de taille : alors que le juge exigeait traditionnellement l’exigence d’une faute lourde41, il suffit que la carence soit constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, c’est-à-dire qu’elle ait le caractère d’une faute simple. Conformément à l’évolution jurisprudentielle qui voit l’exigence de la faute lourde devenir résiduelle, la carence d’une autorité administrative à appliquer une règlementation de police préexistante n’a pas échappé à ce mouvement général42 dont notre arrêt n’est qu’une traduction assez logique. Quoiqu’il en soit, l’admission de cette faute du fait de la carence du maire à appliquer le règlement sanitaire départemental constitue une preuve supplémentaire de la portée juridique de ce type de réglementation et ouvre incontestablement de nouvelles voies contentieuses à tous ces néoruraux qui supportent mal la promiscuité des établissements accueillants des animaux.
10. Mais si la faute est établie en l’espèce, la commune n’est pas pour autant condamnée, faute pour les résidents d’avoir démontré en l’espèce l’existence de préjudices imputables à l’inertie du maire. La Cour applique les conditions classiques tenant aux caractères des préjudices invoqués : le préjudice de dépréciation de la valeur vénale de l'immeuble ne résultait pas directement de la carence fautive du maire ; quant au préjudice de troubles dans les conditions d'existence lié aux « nuisances », il n'était pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. A ce stade, on peut se demander si les requérants n’auraient pas eu intérêt à mettre en cause non pas la responsabilité de la commune mais celle de l’Etat du fait de l’inertie du préfet. Après tout, il revenait aussi à ce dernier d’assurer le respect de sa propre réglementation et l’on sait qu’une telle hypothèse de responsabilité est parfaitement envisageable43 ; mais il est vraisemblable que le juge aurait utilisé les mêmes arguments tenant aux caractères du préjudice pour rejeter les prétentions indemnitaires des requérants.
11. L’immixtion du contentieux de la responsabilité administrative dans les conflits de voisinage, aussi originale soit-elle, reste donc pour l’heure hypothétique tant le préjudice résultant de l’inaction des autorités administratives semble difficile à démontrer. C’est que cette voie contentieuse ne saurait se substituer à la compétence du juge judiciaire qui demeure le seul à pouvoir sanctionner les troubles anormaux de voisinage. Certes, lorsque le trouble provient d’une activité agricole et en particulier d’un élevage, le juge tient compte, sur la base d’une appréciation in concreto, de l’environnement rural : « ce qui apparaîtrait à l'évidence comme un trouble anormal en zone urbaine ne le sera pas nécessairement en zone rurale »44. On sait aussi que la codification récente de ce mécanisme de responsabilité sans faute a conduit le législateur à exclure toute responsabilité lorsque « le trouble anormal provient d'activités, quelle qu'en soit la nature, existant antérieurement à l'acte transférant la propriété »45. Mais l’action a pu être admise dans des affaires assez similaires à la nôtre : en prenant en compte les règles imposées par un règlement sanitaire départemental, la Cour de cassation a reconnu par exemple que l’installation d’un élevage de chevaux à moins de quatre mètres d’une maison d’habitation induit « par elle-même des nuisances sonores et olfactives excédant les troubles normaux de voisinage, fût-ce en milieu rural […] »46. A la lecture de cette jurisprudence, on peut légitimement s’interroger sur l’utilité de l’action des requérants devant le juge administratif. Nul doute que le Conseil d’Etat aura l’occasion de répondre à cette interrogation et de préciser les contours de ce nouveau chapitre sur les conflits de voisinage à la campagne.
Pascal Combeau
La conservation des mammifères marins et des petits cétacés dans le golfe de Gascogne (Note sous CE, référé, 22 décembre 2023, Associations France Nature Environnement, Sea Shepherd, Ligue pour la protection des oiseaux, n° 489926)
Mots-clés : biodiversité marine, pêche
12. Trois baleines échouées sur les côtes de la Corse ont eu les honneurs de l'actualité le 18 mai dernier. L'ordonnance de référé, présentement commentée, s'intéresse à l'échouage d'autres mammifères marins sur la côte atlantique aboutissant le plus souvent à leur mort, à cause de l'activité de pêche dans le golfe de Gascogne. C'est d'ailleurs une affaire à rebondissements. Le Conseil d'Etat avait déjà annulé au mois de mars 202347, un arrêté du ministre de la Mer du 24 décembre 2020, modifiant un précédent arrêté, relatif au régime national de gestion pour la pêche professionnelle de bar européen dans le golfe de Gascogne, au motif qu'il ne prévoyait pas de mesures suffisantes pour réduire les incidences de cette pêche sur les petits cétacés. Il avait aussi annulé le refus du ministre de prendre des mesures complémentaires pour réduire les captures accidentelles des espèces protégées de petits cétacés et pour garantir l'efficacité du système de contrôle desdites captures. La Haute Assemblée ayant enjoint à l'Etat d'adopter de telles mesures dans un délai de six mois, le secrétaire d'Etat auprès de la Première ministre chargé de la mer a pris un nouvel arrêté le 24 octobre 2023, dont la suspension de l'application est demandée en référé par trois associations de protection de la nature, qui ont accompagné leur demande de référé-suspension d'un recours pour excès de pouvoir introduit le 5 décembre 2023 et qui, semble-t-il, n'est toujours pas jugé. Tant l'importance des intérêts environnementaux en jeu, principalement la protection de la biodiversité marine et la conservation d'espèces protégées dans un état favorable, que la complexité des mesures étatiques prises, justifient que l'ordonnance de référé, rendue par le Conseil d'Etat statuant en juge unique le 22 décembre 2023, retienne notre attention, d'autant que les seize pages de motivation ayant abouti à la suspension de l'application de certains de ses articles peuvent être considérées comme anticipant nécessairement sur la décision à venir au fond, puisque le Conseil d'Etat, s'agissant d'un arrêté ministériel, est compétent en premier et dernier ressort en référé comme au fond.
13. La procédure de référé-suspension, fondée sur l'article L. 521-1 du Code de justice administrative, est tellement entrée dans les mœurs des requérants devant le juge administratif, qui a construit, depuis plus de vingt ans, une véritable culture de l'urgence, qu'il apparaît quelque peu superflu de rappeler que la suspension de l'exécution d'un acte administratif est subordonnée à deux conditions cumulatives : celle de l'urgence et celle d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de l'acte querellé. Dans l'espèce commentée, la combinaison de l'illégalité probable et de l'urgence48 implique que l'ordre des questions soit examiné de manière inversée par rapport à l'ordre prévu dans l'article L. 521-1. Le juge identifie d'abord un moyen de nature à créer un doute sérieux pour chaque article contesté de l'arrêté attaqué et vérifie ensuite la réalité de l'urgence, qui justifie que l'exécution de certains articles de l'arrêté soit suspendue. L'ordonnance n'innove en rien quant aux conditions du référé-suspension, mais elle revêt une portée pratique considérable, car elle considère que les mesures techniques de protection prises pour réduire les captures accidentelles d'espèces protégées imputables à la pêche sont encore insuffisantes, en fondant cette appréciation sur un avis du conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM). Ainsi, pour les années 2024, 2025 et 2026, quatre articles de l'arrêté contesté voient leur exécution suspendue : l'article 2 en ce qu'il n'interdit pas l'utilisation de certains engins de pêche (les sennes pélagiques) ; certaines dispositions de l'article 4 en ce qu'elles prévoient au profit des armateurs des dérogations à l'interdiction de recourir à certains engins de pêche, dès lors qu'ils ont équipé leurs navires de dispositifs techniques de réduction des captures accessoires ou de caméras d'observation pour les comptabiliser ; certaines dispositions de l'article 5 en ce qu'elles prévoient aussi des dérogations pour la reprise de la pêche si un armateur de navire justifie d'une impossibilité de réparation ou de remplacement des dispositifs techniques précités ; l'article 7 en ce qu'il ne poursuit pas le renforcement du dispositif d'observation pour mesurer les captures et mises à mort involontaires des espèces, contrairement à l'injonction faite par le Conseil d'Etat dans son précédent arrêt rendu le 20 mars 2023. La portée de ces suspensions partielles, pour trois années consécutives, révèle combien la Haute Assemblée est soucieuse de concilier l'activité économique de la pêche dans le golfe de Gascogne et la protection des espèces marines, menacées par des captures accidentelles dans des dispositifs de pêche trop performants et dangereux pour elles. En effet, pour le dauphin commun et le marsouin commun, la mort par capture dans des engins de pêche professionnels est la principale cause de mortalité et 35% des échouages se produisent sur la façade sud-atlantique49.
14. Pour démontrer l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de certaines dispositions de l'arrêté, les trois associations requérantes, dont les requêtes sont jointes par le Conseil d'Etat, invoquaient divers arguments, parmi lesquels celui relatif à la méconnaissance du principe de précaution est le plus intéressant, car la formulation de celui-ci dans les textes applicables au litige varie, sans que sa force en soit pour autant affectée, puisque le juge applique la précaution au risque de perte de la biodiversité marine (I). Il ressort de l'ordonnance que la violation de ce principe conditionne l'existence éventuelle d'une erreur manifeste d'appréciation de la part de l'auteur de l'arrêté, sur plusieurs points contestés par les associations requérantes. Les textes applicables préconisant une exploitation durable de la mer et la valorisation de ce patrimoine collectif, dans une approche écosystémique qui réduise les incidences négatives de la pêche sur l'environnement (II), l'urgence a été appréciée au regard de l'atteinte « grave et immédiate » portée à la conservation des espèces marines.
I. La précaution appliquée au risque de perte de la biodiversité marine
15. Les textes applicables relatifs à la pêche se réfèrent à la précaution, qui doit présider à la sauvegarde de la biodiversité, dans des termes fort différents. Il est dès lors intéressant de relever que le juge fait prévaloir une interprétation exigeante de la précaution, confirmant qu'il est un principe de droit dur dont le moyen tiré de sa violation est propre à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté en cause.
A. La variabilité de la référence à la précaution dans les textes
16. Le droit européen encadre la pratique de la pêche en application de la directive « Habitats »50, qui surplombe en quelque sorte toute la réglementation environnementale. Même si l'ordonnance commentée ne fait état de son contenu que tardivement au point 7, son ambivalence est rappelée opportunément : d'un côté, elle a pour objet de « contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels », de la faune et de la flore et, pour ce faire, encourage la prise de mesures visant à assurer le maintien ou le rétablissement, « dans un état de conservation favorable », des habitats et des espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire51 ; mais d'un autre côté, elle concède que ces mesures doivent tenir compte, non seulement des exigences économiques, sociales et culturelles, mais aussi des particularités régionales et locales, ce qui est une reconnaissance de la légitimité des pratiques de chasse et de pêche des sociétés européennes. D'ailleurs, les services écologiques rendus par la nature à l'homme, à la fois individuellement et collectivement, font l'objet d'une protection équivalente à celle des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages et sont susceptibles, en cas d'atteinte, de donner lieu à une réparation au titre du préjudice écologique52. Dès lors, toute la question est de savoir comment la pêche, en tant que bénéfice retiré par l'homme de l'environnement, peut préserver la biodiversité et garantir un état de conservation favorable des espèces marines, menacées par des engins de pêche de plus en plus sophistiqués qui capturent accidentellement des espèces non destinées à la consommation humaine. Le règlement européen relatif à la politique commune de la pêche (PCP) de 201353 fixe les objectifs de cette dernière en appliquant « une approche de précaution » et une « approche écosystémique » de la gestion des pêches, ce qui signifie que l'exploitation des ressources de la mer doit non seulement maintenir les espèces pêchées à un niveau de rendement « durable », sous-entendu pour que les générations suivantes puissent encore bénéficier des ressources halieutiques, mais aussi réduire au minimum les incidences négatives de la pêche sur les autres espèces et l'écosystème marin global.
17. Pour ce qui concerne l'approche de précaution, l'ordonnance commentée rappelle l'interprétation que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en donne : elle doit être interprétée « à la lumière du principe de précaution », qui figure dans l'article 191 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)54. Par conséquent, le droit de l'Union n'établit pas de différence substantielle entre l'approche de précaution et le principe lui-même, si bien que les mesures de protection des espèces marines doivent être conformes à cet objectif de précaution. Il est intéressant de remarquer que, pour balayer toute hésitation sur la force de la précaution, le juge des référés ajoute que l'Etat français doit veiller au respect du principe de précaution garanti par l'article 5 de la Charte de l'environnement, lorsqu'il prend des mesures de protection, qui ne sont pas la transcription de prescriptions inconditionnelles résultant du droit européen, mais qui supposent, de sa part, un pouvoir d'appréciation55. C'est donc une référence au droit dur qui est préférée à une approche de droit souple, même si les éléments de la définition du principe de précaution demeurent d'une texture ouverte. Le Conseil d'Etat rappelle dans un considérant de principe, désormais habituel dans le contentieux de l'environnement, qu'il appartient aux autorités compétentes de rechercher « s'il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l'état des connaissances scientifiques, l'application du principe de précaution »56. Dans l'affirmative, il incombe aux autorités compétentes de veiller à ce que des procédures d'évaluation du risque identifié soient mises en œuvre et de vérifier que des mesures de précaution soient prises.
18. Dans ce contexte où le principe de précaution est interprété de façon rigoureuse, le juge administratif des référés s'estime compétent pour apprécier le caractère suffisant des mesures de protection prises pour éviter les captures accidentelles de cétacés lors des opérations de pêche maritime. Il relève, non sans ambiguïté pour un juge du référé-suspension, « qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier ce caractère de manière globale au regard des exigences » du principe de précaution57.
B. L'application exigeante du principe de précaution par le juge
19. Le moyen tiré de la violation du principe de précaution se prête assez mal à une analyse superficielle de la légalité, comme le voudrait la procédure de référé. Il suppose en effet une instruction poussée, pour savoir d'abord si l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement peut être accréditée par des éléments circonstanciés, et pour apprécier ensuite l'évaluation de ce risque et la proportionnalité des mesures de précaution éventuellement prises pour y parer. L'espèce commentée illustre parfaitement ce paradoxe entre une procédure de demande de suspension d'un acte, dont la légalité doit susciter « un doute sérieux », et la nécessité d'approfondir l'analyse du moyen propre à créer ce doute sérieux.
19. En l'espèce, l'hypothèse d'un risque est fournie par un avis du conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) en date du 26 mai 2020, lequel a calculé le nombre maximal de décès de dauphins communs par capture accidentelle sur un an, compatible avec un état de conservation favorable de l'espèce pour la zone de Atlantique Nord-Est58. Afin de conforter cette hypothèse de risque, le juge des référés va jusqu'à mentionner que la méthodologie de cette instance, fondée sur le prélèvement biologique potentiel (PBR), est « internationalement reconnue » et n'est pas contestée par l'administration française. Or, le juge constate, en se référant aux rapports de l'Observatoire Pelagis qui travaille sur les échouages de cétacés sur les côtes françaises, que le nombre de décès des dauphins par capture accidentelle imputable aux activités de pêche dans le seul golfe de Gascogne se maintient, depuis 2018, à des niveaux très supérieurs à ceux retenus par le CIEM. De plus, le juge fait état de l'inventaire national du patrimoine naturel (INPN) qui indique que l'état de conservation des marsouins et des dauphins communs est « défavorable mauvais » et « défavorable inadéquat » pour le grand dauphin. Par conséquent, il existerait un danger sérieux d'extinction pour les premières espèces et il serait nécessaire qu'un changement de gestion intervienne pour que l'autre espèce retrouve un état de conservation favorable.
20. Au regard de ce risque, le juge est conduit à examiner l'efficacité des nouvelles mesures prises par l'article 2 de l'arrêté attaqué du 24 octobre 2023. Elles consistaient en une interdiction, durant un mois d'hiver et pour les années 2024 à 2026, de l'usage par les plus gros navires de pêche (d'une longueur égale ou supérieure à 8 mètres) de cinq engins59, mais cette interdiction était accompagnée de dérogations. Les associations requérantes contestaient le fait que cette interdiction ne concernât que les plus gros navires et n'inclût pas un sixième type d'engin – les sennes coulissantes, danoises et pélagiques. Elles remettaient aussi en cause les dérogations prévues. Dans la mesure où le rapport du CIEM estime que les sennes pélagiques ont été à l'origine de 20% des captures accidentelles de dauphins communs dans le golfe de Gascogne entre 2019 et 2021, le juge des référés décide que les dispositions attaquées méconnaissent les exigences de la directive Habitat et le principe de précaution et révèlent probablement une erreur manifeste d'appréciation. En outre, ces mesures méconnaissent la portée de l'injonction prononcée par le Conseil d'Etat dans son précédent arrêt du 20 mars 2023 d'adopter des mesures complémentaires pour réduire l'incidence de la pêche sur la mortalité accidentelle des cétacés. La suspension de l'article 2 de l'arrêté, motivée par la violation du principe de précaution, est d'autant plus remarquable que ce principe fait l'objet de critiques récurrentes relatives à son impact anti-économique et au frein qu'il peut représenter pour l'innovation. Le juge fait néanmoins une application nuancée de ce principe, puisqu'il considère qu'il ne crée pas un doute sérieux sur la légalité d'autres dispositions, à savoir celles concernant l'exclusion de l'interdiction édictée pour les navires inférieurs à 8 mètres de longueur et pour la catégorie des sennes danoises, étant donné que la pêche par ces navires et avec ces engins représente une très faible part des tonnages de pêche pendant l'hiver et donc une contribution peu importante aux captures accidentelles de cétacés.
21. Indépendamment de l'invocation du principe de précaution, c'est la politique de gestion des pêches dans le golfe de Gascogne qui était remise en cause par les associations requérantes, contraignant ainsi le juge administratif à concilier la protection des espèces menacées et l'exploitation de la ressource halieutique.
II. L'approche écosystémique de la gestion de la pêche : entre protection des espèces menacées et exploitation des ressources
22. En application de la directive Habitat et du règlement européen de 2013 précités, un autre règlement de 2019 prescrit des mesures techniques de protection60, parmi lesquelles celles qui visent à réduire autant que possible les captures d'espèces marines inférieures à la taille minimale de référence et les captures accidentelles de mammifères et de reptiles marins, d'oiseaux de mer et d'autres espèces. Ce dernier règlement autorise les Etats membres de l'Union, pour les navires battant leur pavillon, à mettre en œuvre des mesures restreignant l'utilisation de certains engins de pêche pour réduire au minimum et, si possible, éliminer les captures indésirées d'espèces menacées ou protégées, étant entendu que ces mesures doivent être au moins aussi strictes que celles applicables en vertu du droit de l'Union. En outre, ces mesures doivent inclure des programmes de surveillance pour les navires les plus importants (d'une longueur supérieure ou égale à 15 m), afin de contrôler les captures accessoires de cétacés. L'ordonnance commentée rappelle opportunément qu'il appartient donc aux autorités nationales compétentes d'user du pouvoir qui leur est ainsi conféré d'instaurer des mesures de protection61. Toutefois, la conciliation s'avère difficile entre la protection des espèces et l'exploitation de la ressource halieutique, tant et si bien que le juge des référés estime que les mesures complémentaires prises par l'arrêté attaqué sont encore insuffisantes pour la préservation de la biodiversité, surtout quand elles sont accompagnées de dérogations.
A. Une conciliation difficile entre protection et exploitation
23. Le droit français a évidemment traduit les objectifs de cette politique européenne de la pêche dans le code rural et de la pêche maritime, dans des termes comparables qui peuvent être résumés à partir de deux idées force. D'une part, permettre une exploitation « durable » des ressources halieutiques, d'autre part, valoriser le patrimoine collectif qu'elles représentent, ceci dans le cadre d'une approche systémique qui réduise au minimum les incidences négatives sur l'environnement62. C'est le ministre chargé des pêches maritimes qui est compétent pour imposer une taille minimale de capture pour toutes les espèces, mais elle peut être supérieure à celle prévue par la réglementation européenne pour les espèces soumises à des totaux admissibles de capture (TAC)63. D'autres mesures techniques de protection peuvent être prises, telles des restrictions spatiales et temporelles ou des prescriptions relatives aux engins et aux procédés de pêche, ce que n'a pas manqué de faire l'arrêté en cause, comme nous l'avons vu. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que le code de l'environnement adopte une approche patrimoniale du milieu marin qui « fait partie du patrimoine commun de la Nation », approche patrimoniale qui n'exclut pas, bien que la protection et la conservation de ce milieu soient déclarées « d'intérêt général », une utilisation durable des services qu'il rend « par les générations actuelles et à venir »64.
24. C'est à propos de l'examen de l'urgence, à la fin de l'ordonnance de référé65, que la problématique de la conciliation entre protection des espèces protégées et exploitation de la ressource halieutique est abordée, du reste indirectement. Le juge rappelle que, pour que l'urgence à suspendre un acte administratif soit reconnue, l'exécution de celui-ci doit porter atteinte « de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ». En outre, l'urgence s'apprécie « concrètement » par rapport aux effets de l'acte et « objectivement », et compte tenu des circonstances de chaque espèce66. Par ailleurs, il a été jugé, dès les premières demandes de référé-suspension en 2001, et contrairement à la jurisprudence antérieure sur le sursis à exécution, que la possibilité pour le requérant d'obtenir une indemnisation des dommages que lui aurait causés l'exécution de l'acte ne justifie pas le rejet systématique de la suspension demandée67. En l'espèce, la condition de l'atteinte grave et immédiate, tant à un intérêt public – celui de la protection d'espèces menacées- qu'aux intérêts que les associations requérantes entendent défendre, ne posait pas de difficulté. En effet, il a suffi au juge de constater, d'une part que les mesures de protection mises en place pour prévenir la capture accidentelle des petits cétacés ne permettaient pas de réduire leur mortalité à un niveau inférieur au PBR, d'autre part que l'abrogation du renforcement du système de surveillance des captures accessoires n'était pas compensée par d'autres, pour qu'il estime que leur exécution serait de nature à porter une atteinte grave et immédiate à la conservation d'espèces protégées. C'est l'appréciation de l'urgence qui posait davantage de difficultés, car, concrètement, autant l'interdiction d'utiliser certains engins de pêche pendant un mois d'hiver que la suspension de dérogations à l'interdiction de pêcher, sont susceptibles de porter atteinte à l'équilibre économique de nombreuses entreprises de pêche en réduisant leur chiffre d'affaires. Or, la prise en considération de l'ensemble des circonstances de l'espèce conduit le juge des référés à observer que l'équilibre économique est rétabli, ou tout du moins tend à l'être68, grâce à l'ouverture par France Agrimer d'une plate-forme d'indemnisation pour l'arrêt temporaire des activités de pêche en application de l'arrêté contesté. Par conséquent, cette espèce confirme bien que l'indemnisation future des préjudices consécutifs à l'exécution de l'acte attaqué n'est pas un obstacle à la suspension de celui-ci.
25. On voit donc que la conciliation entre la protection des espèces menacées et l'exploitation de la ressource patrimoniale de la pêche se trouve entre les mains du juge administratif, sommé de dire où passe l'équilibre entre l'écologie et l'économie et d'arbitrer entre les divers intérêts en présence, dans un domaine d'une haute technicité, comme le montrent les mesures complémentaires prises dans l'arrêté ministériel et les dérogations prévues.
B. Des mesures complémentaires encore insuffisantes et des dérogations douteuses
26. Sans entrer trop avant dans des détails très techniques, devant lesquels le juge administratif ne recule pas, on peut dire en résumé que trois types de mesures ont été prévues par l'arrêté attaqué pour tenter d'atteindre les objectifs d'une pêche durable : tout d'abord, l'équipement des navires en dispositifs de dissuasion acoustique pour réduire les captures accessoires ; ensuite, la fermeture de la pêche avec certains engins pendant deux à quatre semaines l'hiver ; enfin, l'équipement des navires de caméras d'observation pour disposer d'un suivi des captures accidentelles. Concernant la combinaison des deux premières mesures, le juge des référés constate qu'elle ne permet qu'une réduction de 6% à 11% des prises accessoires, avec une mortalité des espèces encore supérieure au prélèvement biologique potentiel (PBR) qui permet de conserver les espèces menacées dans un état favorable. S'agissant de la dernière mesure, le juge pense qu'elle n'est pas en elle-même susceptible d'avoir une incidence sur la réduction du nombre de captures accidentelles et qu'elle n'est pas utile, si elle est dissociée des deux autres dispositifs techniques. En effet, la seule observation est un moyen de connaissance mais pas d'évitement des captures accidentelles. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance tant des dispositions des règlements européens et du code rural et de la pêche maritime sur les mesures techniques, que des exigences de la directive Habitats et des injonctions prononcées par le Conseil d'Etat dans son précédent arrêt, est bien de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des mesures prises suspectées d'être entachées d'une erreur manifeste d'appréciation. Le même doute saisit le juge à propos des dérogations prévues au profit de certains armateurs.
27. L'arrêté attaqué prévoit en effet que pour les navires dont les armateurs ont pris l'engagement de s'équiper d'un dispositif technique de réduction des captures ou de caméras d'observation, mais qui ne l'auraient pas tenu avant le 15 janvier 2024 ou dont les équipements seraient défaillants, l'interdiction d'usage des engins de pêche susmentionnés sera aménagée pendant une période de trente jours. En conséquence de ces dérogations, le juge relève que seulement 56 navires, qui ne seront pas équipés, sur 386, se verront appliquer effectivement en 2024 l'interdiction de pêcher, ce qui ne permet pas d'atteindre l'objectif de réduction des prises accessoires en-deçà du PBR. De la même façon, l'abrogation par l'arrêté attaqué de l'obligation, imposée par les arrêtés ministériels antérieurs à environ 200 navires de s'équiper de dispositifs de réduction des captures accidentelles et à environ 100 navires de s'équiper de caméras embarquées, tombe sous le coup du même moyen d'illégalité et crée, dans l'esprit du juge, un doute sérieux sur sa légalité. De fait, le juge des référés constate que ces obligations concouraient au renforcement du système de surveillance des captures accessoires (il existe un Réseau National échouages RNE) et que leur abrogation ne s'articule pas avec des nouvelles mesures incitatives pour les armateurs. En revanche, le fait que l'arrêté attaqué n'inclut pas, dans l'analyse obligatoire des données de captures accidentelles, les espèces maritimes protégées autres que les mammifères marins, telles que les oiseaux, ne semble pas, du moins en l'état de l'instruction, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
28. Au total, la suspension prononcée par le juge des référés de quatre articles de l'arrêté attaqué n'est sûrement pas étrangère au risque de condamnation de la France par la CJUE, suite à l'avis motivé de la Commission européenne du 15 septembre 2022 sur l'engagement d'une action en manquement69, au motif que les mesures prises ne répondent pas aux objectifs de réduction des captures accessoires à l'activité de pêche. Invoqué par les associations requérantes, ce risque de condamnation n'est pas expressément envisagé dans l'ordonnance, mais on peut penser qu'une telle éventualité a pesé sur l'appréciation du juge et la méticulosité avec laquelle il a examiné chaque article de l'arrêté attaqué. L'affaire qui sera jugée au fond « dans les meilleurs délais » ne se démarquera sûrement pas de cette ligne, si l'on prend en considération le fait que plus de 2000 mammifères marins se sont échoués par an sur les côtes françaises entre 2017 et 2021 et qu'au total près de 31 800 individus échoués ont été recensés depuis 199070. Eu égard à ces chiffres alarmants, la Commission européenne a fait part de sa volonté, devant la commission pêche du Parlement européen le 20 février 2024, d'accentuer les interdictions de pêche dans le golfe de Gascogne dès l'hiver prochain, mais de façon conjointe avec les Etats membres qui devront se mettre d'accord sur des fermetures de périodes de pêche plus longues71.
Maryse Deguergue
- 1 Voir not., D. HERVIEU-LEGER, B. HERVIEU, Le retour à la nature en vue des temps difficiles. L’utopie néorurale en France, Ed. de L’Aube, 2003.
- 2 C. ROULLIER, « Qui sont les néoruraux ? », Informations sociales 2011/2, p. 32 et s.
- 3 Voir H. MANDRAS, La fin des paysans, avec une postface « La fin des paysans. Vingt ans après », Actes Sud 1992, p. 386 et s.
- 4 C. ROULLIER, « Qui sont les néoruraux ? », préc., p. 32.
- 5 C. BRULIN, Compte-rendu des débats de la Commission de la Culture, de l’Education et de la Communication, Sénat, 12 janvier 2021.
- 6 J.-Ch. JOBART, « Les bruits et les odeurs : un nouveau patrimoine rural », RJE 2021/4, p. 727.
- 7 G. de MAUPASSANT, Le Horla et autres nouvelles, Gallimard Folio classique 2023, p. 88.
- 8 CA Riom, 7 septembre 1995, n° 730/95 : « Attendu que la poule est un animal anodin et stupide, au point que nul n’est encore parvenu à le dresser, pas même un cirque chinois ; que son voisinage comporte beaucoup de silence, quelques tendres gloussements et des caquètements qui vont du joyeux (ponte d’un œuf) au serein (dégustation d’un ver de terre) en passant par l’affolé (vue d’un renard) ; que ce paisible voisinage n’a jamais incommodé que ceux qui, pour d’autres motifs, nourrissent du courroux à l’égard des propriétaires de ces gallinacés ; que la Cour ne jugera pas que le bateau importune le marin, la farine le boulanger, le violon le chef d’orchestre, et la poule un habitant du lieu-dit La Rochette, village de Salledes (402 âmes) dans le département du Puy-de-Dôme […] » ; cet arrêt fut par la suite cassé par Cass., 2ème civ., 18 juin 1997, n° 95-20.652.
- 9 TI, Rochefort-sur-Mer, 5 septembre 2019, n° 11-19-000233, Resp. civ. et ass. 2019, n° 11, alerte 21, note L. BLOCH. L’affaire eu même droit à un article du New York Times dans son édition du 23 juin 2019, “The Rooster Must Be Defended : France’s Culture Clash Reaches a Coop”.
- 10 CA, Colmar, 13 janvier 2020, n° 18/03478.
- 11 Loi n° 2021-85 du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises : elle modifie l’art. L 110-1 du code de l’environnement : « I. - Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation […] ».
- 12 Loi n° 2021-85 du 29 janvier 2021, préc., art. 3 : « Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport examinant la possibilité d'introduire dans le code civil le principe de la responsabilité de celui qui cause à autrui un trouble anormal de voisinage. Il étudie les critères d'appréciation du caractère anormal de ce trouble, notamment la possibilité de tenir compte de l'environnement ».
- 13 Loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels : le trouble anormal de voisinage est désormais régi par un nouvel art. 1253 du C. Civ. ; les limites à l’engagement de responsabilité sont prévues dans cette même disposition et dans un nouvel art. L. 311-1-1 du C. env.
- 14 P.-A. LEVI, Rapport n° 269, Sénat, 13 janvier 2021, p. 6.
- 15 TA, Strasbourg, 24 novembre 2020, n° 1800994.
- 16 Sur le statut de cet acte type, voir CE, 1er octobre 1986, Assemblée permanente des chambres d'agriculture, n° 53047, Rec. T., p. 340.
- 17 V. D. TRUCHET et B. APPOLIS, Droit de la santé publique, Dalloz Mémentos, 11ème éd. 2022, p. 97 et s. ; X. BIOY, A. LAUDE, D. TABUTEAU, Droit de la santé, PUF Thémis droit, 4ème éd. 2020, n° 29 et s.
- 18 Voir CSP, anc. art. L1 (applicable avant 1986) : « Dans tous les départements, le préfet est tenu, afin de protéger la santé publique, d'établir un règlement sanitaire applicable à toutes les communes du département […] ».
- 19 D. CRISTOL, « Protection générale de la santé publique », JurisClasseur Administratif, fasc. 220, 2018, §43.
- 20 Loi n° 86-17 du 6 janvier1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d'aide sociale et de santé.
- 21 CSP, art. L. 1311-2.
- 22 D. TRUCHET et B. APPOLIS, Droit de la santé publique, op. cit., p. 97.
- 23 D. CRISTOL, « Protection générale de la santé publique », préc., §43.
- 24 CE, 10 juin 2020, SARL Les Hostelines et a., n° 429957.
- 25 Le décret d’application de l’art. L. 1311-1 du CSP ne sera pris qu’en 2023 : v. décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 portant règles sanitaires d'hygiène et de salubrité des locaux d'habitation et assimilés.
- 26 Arrêté préfectoral du 26 mars 1980 portant règlement sanitaire du Bas-Rhin, art. 153.4. Les distances et les types d’élevages varient parfois d’un règlement sanitaire à un autre. Par ex., la distance minimale entre les habitations et les autres élevages est de 50 mètres dans le règlement sanitaire de la Gironde (arrêté préfectoral du 23 décembre 1983).
- 27 Arrêté préfectoral du 26 mars 1980 portant règlement sanitaire du Bas-Rhin, art. 164.
- 28 De manière générale, le Conseil d’Etat a reconnu que le règlement sanitaire départemental peut légalement inclure des règles relatives à l’implantation de bâtiments d’élevage et à leur éloignement par rapport aux habitations : CE, 16 janvier 2002, M. et Mme Y. c./ Préfet de l’Isère, n° 210340.
- 29 Voir CE, 7 janvier 2004, Nouqué, n° 229101, Rec., p. 905, BJDU 2003, p. 408, concl. E. GLASER, AJDA 2004, p. 1099, note N. CHAUVIN, RDI 2004, p. 204, obs. P. S.-C. : « […] un permis de construire doit être conforme tant aux dispositions du plan d'occupation des sols de la commune qu'à celles du règlement sanitaire départemental qui portent sur les projets de construction, en revanche le règlement sanitaire départemental n'est pas au nombre des règles dont le respect s'impose aux auteurs d'un plan d'occupation des sols […] ».
- 30 Pour des arrêts récents, voir not., CAA, Nancy, 17 juillet 2023, Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier, n° 20NC02635 ; CAA, Versailles, 26 août 2022, M. et Mme A., n° 20VE00339 ; voir également pour un permis de construire en vue de réaliser un centre équestre, CE, 29 janvier 2010, M. et Mme André A., n° 315061.
- 31 Voir par ex., CAA, Lyon, 11 juillet 2019, Mme H. B. et a., n° 18LY00500 : « […] Mme D... exploite un élevage de chats comptant une dizaine de reproductrices en vue de la vente aux particuliers de chatons issus de plusieurs portées par an et qui procure des revenus substantiels à l'intéressée. Eu égard au nombre d'animaux détenus, qui ne sauraient être assimilés à des volailles ou des lapins, l'élevage de Mme D... ne peut être qualifié de type familial au sens du RSD de la Drôme […] ».
- 32 Voir CE, 29 janvier 2010, M. et Mme André A., préc.
- 33 CAA, Nancy, 14 février 2023, Association du club canin, n° 20NC01005 : des propriétaires voisins d’un club canin ont contesté la décision de refus d’un préfet de prendre les mesures nécessaires pour faire respecter les règles de distance ; pour la Cour, « […] il ne ressort par ailleurs pas des (…) statuts de l'association, que cette dernière exercerait, tant au regard de son objet que de ses ressources, une activité commerciale. Par suite, au regard des éléments du dossier, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant d'intervenir ».
- 34 Voir R. CHAPUS, Droit administratif général, Montchrestien, 15ème éd. 2001, n° 938 s. ; P. BON, « Théorie générale de la police municipale. Les principes de fond », Rép. coll. loc. Dalloz, vol. 3, 2019, 2223, n° 2 et s. ; F. MELLERAY, « L’obligation de prendre les mesures de polices initiales », AJDA 2005, p. 71 et s.
- 35 CE, 23 octobre 1959, Doublet, RDP 1959, p. 1235, concl. A. BERNARD, RDP 1960, p. 802, note M. WALINE, D. 1960, Jur. 191, note D. G. LAVROFF : l’obligation de prendre une mesure de police initiale est subordonnée à trois conditions : La mesure sollicitée doit être indispensable (1re condition) pour faire cesser un péril grave (2e condition) résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour l'ordre public (3e condition).
- 36 CE, 17 janvier 2011, Commune de Clavans-en-Haut-Oisans, Rec. T., p. 802, BJCL 2011, p. 197, concl. J.-P. THIELLAY, AJDA 2011, p. 1162, note L. ROUX : obligation du maire de faire usage de ses pouvoirs de police pour mettre fin à un empiètement sur la voie publique ; CE, 13 octobre 2017, M. et Mme Rebhum, Rec. T., p. 693, JCP A 2018, no 2045, concl. L. MARION : obligation pour le maire et le préfet de faire usage de leurs pouvoirs de police spéciale pour assurer l'élimination des déchets présentant des dangers pour l'environnement.
- 37 P. BON, « Théorie générale de la police municipale. Les principes de fond », préc., n° 18.
- 38 CE, 14 décembre 1962, Doublet, Rec., p. 680, D. 1963, p. 117, concl. M. COMBARNOUS, AJDA 1963, p. 101, chron. M. GENTOT et J. FOURRE, p. 85 : « […] il incombait (au maire), chargé en vertu de l'article 91 de la loi du 5 avril 1884 de la police municipale et de l'exécution des actes de l'autorité supérieure qui y sont relatifs, d'assurer sur le territoire de sa commune l'observation de la réglementation du camping telle qu'elle résultait des arrêtés susmentionnés du préfet de la Vendée […] ».
- 39 Dans le contentieux de la réparation, cette obligation de prendre les mesures de police initiales n’est soumise à aucune conditions tenant aux mesures elles-mêmes, voir not., CE, 28 novembre 2003, Commune de Moissy-Cramayel, no 238349, Rec., p. 464, BJCL 2004, p. 60, concl. G. LE CHATELIER, AJDA 2004, p. 988, note C. DEFFIGIER, JCP A 2004, no 1053, obs. J. MOREAU : abstention d’un maire de faire usage de ses pouvoirs de police pour édicter une réglementation relative à l'accès au terrain de sport en cause et destinée à réduire les nuisances sonores résultant de son utilisation.
- 40 CE, 14 décembre 1962, Doublet, préc. : en plus de l’obligation du maire d’appliquer les mesures décidées par le préfet, le juge rappelle aussi l’obligation pour le préfet d’assurer sa propre réglementation.
- 41 Voir R. CHAPUS, Droit administratif général, op. cit., n° 938.
- 42 Voir après l’arrêt Doublet, CE 21 juillet 1970, Ville du Croisic, Rec., p. 508 : le fait pour un maire de ne pas avoir assuré le respect de la réglementation préfectorale en matière de police du bruit n'a pas eu, dans les circonstances de l'espèce, le caractère d'une faute lourde ; CE 23 juin 1976, Latty et Commune de Vaux-sur-mer, Rec., p. 329, RDP 1977, p. 865, note M. WALINE (même solution).
- 43 Voir not., CE, section des travaux publics, Avis, 29 juillet 2008, no 381725, Dr. adm. 2008, no 120, note F. MELLERAY.
- 44 Voir not., CE, 25 septembre 1992, SCI Le Panorama, Rec. T., p. 798, n° 944334, D. 1994, somm. 62, obs. Ph. TERNEYRE : faute lourde (aujourd’hui faute simple) commise par le préfet de police résultant de l’absence de mesures prises pour faire respecter des mesures prises par lui afin de limiter les nuisances causées par l’activité de portraitistes de rue.
- 46
- 45 L. BLOCH, « Régimes divers. – Troubles de voisinage. – Applications jurisprudentielles », JurisClasseur Civil Code, Art. 1240 à 1245-17, fasc. 265-20, 2020, § 85 s. ; v. CA, Agen, 1er juillet 2009, Revel et a. c/ EARL Gouts et a., n° 08/00648 ; TI, Rochefort-sur-Mer, 5 septembre 2019, préc. C. civ., art. 1253, créé par la loi n° 2024-346 du 15 avril 2024, préc. Sur le régime général de la responsabilité sans faute du fait des troubles anormaux de voisinage, v. not., L. BLOCH, « Régimes divers. – Trouble anormal de voisinage. », JurisClasseur Civil Code, Art. 1240 à 1245-17, fasc. 265-10, 2020.
- 47
- 48 46= Cass., 2ème civ., 11 septembre 2014, n° 13-23.049, Resp. civ. et assur. 2014, comm. 374, H. GROUTEL. CE, 20 mars 2023, Association France Nature Environnement et autres, n° 449738, 449849, 453700, 459153.
- 49 Renseignements recueillis sur le site developpement-durable.gouv.fr/ échouages de mammifères marins édition 2024.
- 50 Directive 92/43/CEE du 21 mai 1992.
- 51 Sont d'intérêt communautaire, en vertu de l'annexe II de la directive Habitats, le grand dauphin et le marsouin commun. Un système de protection stricte, interdisant toute forme de capture, concerne, en vertu de l'annexe IV, toutes les espèces de cétacés, dont le dauphin commun.
- 52 En application de l'article 1246 du Code civil (issu de la loi n° 2016-1097 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages), selon lequel « est réparable, dans les conditions prévues au présent titre (titre sur la réparation du préjudice écologique), le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement ».
- 53 Règlement UE n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013.
- 54 Article 191, §2 TFUE : « La politique de l'Union dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l'Union. Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-payeur ».
- 55 Point 12 de l'ordonnance.
- 56 Ce considérant de principe est repris notamment de l'arrêt CE, Ass., 12 avril 2013, Association Coordination interrégionale Stop THT et autres, Rec., p. 60, concl. A. Lallet, AJDA 2013, p. 1046, chr. X. Domino et A. Bretonneau.
- 57 Point 14 de l'ordonnance.
- 58 9000 dauphins communs meurent chaque année du fait de la pêche alors que le nombre de morts « soutenable » ne devrait pas dépasser 4900.
- 59 A savoir le chalut pélagique à panneaux, le chalut bœuf pélagique, le chalut bœuf de fond, le filet trémail et le filet maillant calé.
- 60 Règlement UE 2019/1241 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques.
- 61 Point 10.
- 62 Voir l'article L. 911-2 du code rural et de la pêche maritime.
- 63 Voir les articles L. 922-1 et D. 922-1 du même code.
- 64 Article L. 219-7 du code de l'environnement.
- 65 Points 28 à 32.
- 66 Ces critères de l'urgence ont été posés par les arrêts de principe CE, Sect., 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, et CE, Sect., 12 octobre 2001, Société des produits Roche, GACA n° 13 et 14, Dalloz, 9ème éd. 2024, p. 283.
- 67 CE, Sect., 19 janvier 2001, précité.
- 68 L'aide maximale pouvant être de 100% des pertes, comme le relève le juge.
- 69 Le pacte vert pour l'Europe liste parmi cinq objectifs celui de « garantir la durabilité de notre économie bleue et des secteurs de pêche » et s'appuie sur un Observatoire de l'économie bleue.
- 70 Renseignements recueillis sur le site developpement-durable.gouv.fr/échouages de mammifères marins édition 2024. Le dauphin commun est l'espèce dominante parmi les mammifères échoués ((39%), suivi du marsouin commun (14%) et du dauphin bleu et blanc (8%).
- 71 Renseignements recueillis sur le site euractiv.fr/section/agriculture-alimentation.