Doctrine et débats : Doctrine

Le bien-être animal, prétexte à l'unification du marché européen ? Étude de cas : première directive européenne sur la protection des poules pondeuses, 1979-1988

  • Sam Ducourant
    Ph.D., Postdoctoral fellow
    Max Planck Institut für Wissensgeschichte (Berlin), Groupe de recherche « Practices of validation in the Biomedical sciences »
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Remerciements

L’autrice remercie Florence Burgat, Jeanne Ételain, Laure Gisie, Doris Gruel, Malik Mellah, Pierre Serna, Nolwenn Veillard et Jakub Zawiła-Niedźwiecki pour leurs relectures, conseils et commentaires. Elle remercie aussi pour leur aide précieuse le personnel des Archives Nationales de France (Pierrefitte-sur-Seine) et le personnel des Archives historiques de la Commission européenne (Bruxelles). Elle adresse ses plus vifs remerciements à Adèle Kauffmann, spécialiste en droit de l’Union européenne, à qui cet article doit beaucoup de son intelligence et de sa clarté.

I. Introduction

1. Dès le milieu des années 1960, les représentants des Communautés européennes (CE)1 prennent bonne note de la préoccupation croissante de la communauté scientifique2 et de la société civile3 pour la condition des animaux dans les élevages4. Cet article étudie la directive sur la protection des poules pondeuses élevées en cages en batterie5, appelée de ses vœux par le Conseil des CE en 1979 et adoptée en 1988. C’est la première réglementation sur les conditions de vie des animaux d'élevage à une échelle communautaire. Cette directive est spécifique à un secteur (l'élevage avicole), à un certain type de marché (le marché des œufs) et à un système d’élevage (les cages de batterie). Elle édicte simplement des normes minimales et cet article étudie en particulier la disposition selon laquelle « les poules pondeuses doivent disposer d’au moins 450 cm2 de surface de la cage », c’est-à-dire un peu moins que trois quarts d’une feuille A4, ou encore qu’il est possible d’élever 22 poules par mètre carré.
2. Cette directive est insatisfaisante pour quatre raisons. Premièrement, son contenu normatif est appauvri par rapport à son objectif initial : la déclaration de 1979 visait en effet rien de moins que l'interdiction des cages de batterie6. Deuxièmement, de nombreux acteurs de l’époque (pas nécessairement des défenseurs des animaux) considèrent cette directive insatisfaisante vis-à-vis des comportements, relations sociales et représentations mentales de ces êtres7. En particulier, le chiffre de 450 cm2 est insuffisant, puisque c’est l'espace utilisé par une poule adulte se tenant debout et immobile8. Troisièmement, dans son rapport de 1981, le commissaire Dalsager montre que 450 cm2 était déjà l'espace moyen accordé à chaque poule dans l’espace économique des CE9 . Ceci implique que la directive de 1988 risquait de priver certaines poules de meilleures conditions, les pratiques nationales ayant tendance à s’aligner sur les normes minimales, notamment pour réduire les coûts de production et ne pas souffrir de la concurrence avec les autres États membres : c’est le cas par exemple au Danemark où la loi indiquait un minimum de 600 cm2. Quatrièmement, cette directive s'est concentrée sur l'espace disponible (ce qui a demandé aux agriculteurs de mettre moins de poules dans chaque cage) plutôt que sur les matériaux ou la hauteur des cages (ce qui aurait nécessité de construire et d'acheter de nouvelles cages), ou même sur l'élimination pure et simple des cages en batterie. C'est pourquoi elle peut être considérée comme superficielle par rapport à la demande sociale et aux connaissances scientifiques de l'époque.

A. Argument

3. Cet article propose une autre raison de trouver cette directive insatisfaisante : malgré les raisons affichées, ce processus législatif n'était pas tant motivé par le souci des animaux que par la nécessité et l'urgence de l'intégration européenne, et plus précisément de l'harmonisation du marché agricole européen. Bien qu’explicitement elle vise la « protection des poules pondeuses élevées en batterie », cette directive ne protège pas réellement les poules pondeuses, mais fournit une norme permettant de renforcer les échanges au sein du marché libre et définissant in fine les produits animaux comme une marchandise parmi d’autres. En d’autres termes, le « bien-être animal » est un prétexte pour harmoniser le marché intérieur européen.
4. Cet article apporte une contribution au débat sur les facteurs qui influencent la réglementation internationale sur les pratiques agricoles intensives. John Savory avance que la directive de 1988 est le résultat de la seule pression civile, et non des connaissances scientifiques, pourtant avancées comme une raison légitime de légiférer10. Paul Shotton insiste sur le rôle des lobbies, consistant à ralentir ou empêcher la réglementation11. Shulze et Deimel remettent en question cette opposition entre intérêts industriels et intérêt des consommateurs, en montrant que l'attitude de ces derniers n'est pas seulement déterminée par la publicité et le lobbying, mais aussi par des préoccupations morales et/ou économiques qui leur sont propres12. Richard P. Haynes montre comment l’approche welfariste de la condition animale, portée notamment par le champ scientifique, menait à une vision réductionniste de la vie animale, et donc à des réformes pour le moins timides13. J’ai montré l’importance des débats scientifiques dans la conceptualisation du bien-être animal qui est à l’œuvre dans ce processus législatif14. Le présent article montre que cette législation n’est pas seulement pensée pour avoir le moins d’effet possible sur la production, mais a pour objectif la mise en place d’un marché intérieur unifié et harmonisé, condition d’une augmentation de la production et des exportations.
5. Plus précisément, cette interprétation du bien-être animal comme un prétexte entend contribuer au débat sur les rapports entre intégration économique et intégration politique. Tous les domaines de compétence des CE, puis de l’Union européenne, sont concernés par cet objectif d’intégration15 . Les acteurs des premières phases de l’intégration partaient du principe que le versant politique (menant notamment à l’amélioration de la justice sociale, et donc entre autres à une meilleure condition animale) s’appuierait nécessairement sur le versant économique. Cette préemption de l’intégration économique sur l’intégration politique peut s’expliquer aussi en termes stratégiques : l’idée était qu’une fois l’intégration économique aboutie, celle-ci pourrait mener ensuite à une régulation politique de fait16. C’est pourquoi l’intégration économique fut d’abord prioritaire sur une intégration plus politique. Mais il est communément admis que l’intégration économique a définitivement pris le pas sur l’intégration politique17. Bien plus, la distinction entre versants économique et politique de l’intégration est remise en question, tant du fait de son inefficacité constatée historiquement que parce que les deux sont inextricablement mêlés18.
6. Ces rapports entre l’économique et le politique s’articulent avec la répartition des compétences entre les institutions concernées : bien que le Conseil de l’Europe, une autre organisation que les Communautés, se prononce dès 1976 en faveur d’une protection des poules pondeuses (et en faveur de l’interdiction des cages de batterie), il n’a pas de rôle régulateur, mais seulement un rôle consultatif auprès des institutions des CE (Conseil, Commission et Parlement). Ainsi, ses prérogatives sont limitées. De même, le Conseil des CE, qui a un rôle d’orientation des régulations nationales, ne peut pas outrepasser ses prérogatives : les CE, comme l’Union européenne qui succède à la Communauté européenne, fonctionnent sur un principe d’attribution des compétences, c’est-à-dire que l’organisation peut exercer seulement les compétences qui lui sont souverainement transmises par les États membres. Dans ce cadre, l’attribution, par les États membres aux CE, de la compétence de régulation de l’élevage des animaux non-humains se limite à la mise en place de la libre circulation des marchandises, et donc à la standardisation de la production et de la distribution.
7. D’un certain point de vue, la thèse défendue ici est donc plutôt triviale : il n’est pas nouveau que l’intégration européenne s’opère d’abord par le versant économique, et il n’est pas plus nouveau que des critiques s’élèvent contre la lenteur, l’inefficacité – voire l’inexistence et la fonction de vœu pieux – de l’intégration politique, notamment venant des mouvements prônant la justice sociale. Certes. Mais le cœur de l’argument vise plus précisément le choix des mots utilisés pour élaborer, justifier puis implémenter une réglementation : dans le processus ici étudié, le mot central est « bien-être animal ». Or ce choix de mots a pour effet de dissimuler la réalité, c’est-à-dire la priorité accordée aux intérêts économiques. Il permet de nombreuses modalités d’ignorance ou d’indifférence au sort des animaux dans les élevages. Une modalité de cette ignorance est le jeu de dupes où chacun (scientifiques, instances régulatrices, acteurs de la chaîne de production-distribution, citoyens ou consommateurs) peut à la fois œuvrer pour l’amélioration de la condition non-humaine, tout en n’étant, consciemment ou non, qu’un rouage dans un système à visée prioritairement économique, et en n’essayant ni de le dénoncer ni de le modifier.

B. Plan, corpus et méthode

8. Démontrer cette affirmation générale requiert de retracer le processus qui va de la déclaration du Conseil en 1979 à l’adoption finale de la directive en 1988. Il est essentiel de montrer comment l'agenda a évolué pendant ces neuf années : comment le train législatif a accéléré puis ralenti, comment la confiance a alterné avec le doute. Pour le montrer, il est essentiel de suivre la carrière de la directive, depuis son contexte initial jusqu'à ses dernières conséquences. Après une présentation de trois éléments de contexte pertinents pour cette analyse (II), cet article opère une reconstruction chronologique de ce processus législatif (III) : la première sous-section traite des causes judiciaires qui lancent le processus législatif  ; ensuite, de 1981 à 1985, le texte rencontre des difficultés et fait des allers-retours ; enfin, en 1986, ces obstacles sont purement et simplement supprimés, l'intégration européenne devenant prioritaire sur le bien-être animal.
9. Cette étude s'appuie sur de nombreuses ressources archivistiques. Les archives de la Commission européenne contiennent toutes les publications de la Commission, du Parlement et du Conseil des CE19. Les archives du Conseil de l’Europe contiennent les rapports des réunions du Comité permanent pour la protection des animaux d'élevage, et donnent des indications précieuses sur les conflits et les intérêts particuliers20. Les fonds d'archives, versés par le ministère français de l'Agriculture au centre national d'archives, retracent les actions du ministre français et donnent des indications sur les négociations21. Enfin, le Conseil scientifique vétérinaire, comité ad hoc créé pour conseiller la Commission, a produit des traductions françaises des rapports de réunions22.

II. Contexte politique, culturel et institutionnel

A. Contexte politique : l’intégration européenne

10. Le contexte politique général des années 1970 et 1980 a une forte influence sur le processus législatif étudié, quoique cette influence ne soit pas thématisée directement par les acteurs dans les archives : dans la période définie, l’intégration européenne s’accélère et les stratégies diplomatiques et économiques changent. En 1957, le traité de Rome avait institué la CEE, et posait l’agriculture en pilier de l’intégration européenne23. Une intention centrale de l’unification européenne était de lutter contre les famines qui avaient marqué les générations au pouvoir en sortie de guerre, mais il s’agissait aussi, dans le contexte de la Guerre froide, pour les pays d’Europe occidentale, de s’imposer comme un acteur économique et politique unifié face aux deux grands qu’étaient les États-Unis et l’Union Soviétique. C’est pour cela que le traité de Rome prévoit une « politique agricole commune » (PAC) mise en place à partir de 1962.
11. Or, à partir du milieu des années 1980, l’intégration européenne s’accélère et l’unification du marché avec elle. Jacques Delors, qui prend la tête de la Commission en 1985, est un acteur important de l’intégration européenne, reconnu pour avoir mené avec succès les CE vers l’Union européenne24. Le 17 février 1986, l’Acte unique européen, une révision du traité de Rome, est signé afin de faciliter l’unification du marché et l’intégration européenne, et de mener, six ans plus tard, à ce que les CE soient accompagnées de l’Union européenne. L’objectif est non seulement de clôturer une première phase de l’intégration, dans laquelle le versant économique aurait la primeur, en espérant qu’il soit alors devenu possible d’opérer une intégration plus politique ; mais il s’agit aussi de clôturer cette première phase d’unification économique en supprimant une fois pour toutes les frontières et les droits de douane entre les États membres pour constituer un marché unique, intérieur à l’Union européenne promise. L’enjeu est de lutter efficacement contre les famines en augmentant la productivité, mais aussi, une fois l’équilibre alimentaire atteint, d’encourager les exportations pour conquérir le marché international et mettre en place une concurrence efficace contre les Etats-Unis25, et de faire de l’Union européenne un acteur économique unifié, ayant une voix à l’Organisation Mondiale du Commerce26.

B. Contexte culturel : la visibilité croissante de la condition animale

12. Pourquoi, dans ce contexte général de l’intégration européenne, la protection des animaux dans les élevages ainsi que le concept de bien-être animal deviennent-ils suffisamment importants pour motiver le processus législatif ainsi que la mise en place du premier programme de recherche agricole au niveau européen ? La question animale devient effectivement importante dans la vie publique de plusieurs pays membres des CE ou en passe de les intégrer (l’Allemagne membre depuis la création ; le Royaume-Uni et le Danemark en 1973) et la Convention de 197627, au sein du Conseil de l’Europe, a pour fonction d’initier un processus de visibilisation et de régulation au niveau européen28.
13. D’une part, les historiens spécialistes des luttes pour la condition animale s’accordent à dire que les années 1960 et 1970 sont le moment d’une vague de visibilisation de ce mouvement politique, notamment avec les publications remarquées d’Animal Machines par Ruth Harrison en 196429 et d’Animal Liberation de Peter Singer en 197530.
14. À ces publications, il faut ajouter le développement des méthodes d’action directe dans l’activisme animaliste, avec l’incendie intentionnel d’un laboratoire pratiquant l’expérimentation animale par le groupe Band of Mercy en 1973, la fondation de l’Animal Liberation Front par Ronnie Lee en 1976, qui gagnera rapidement en visibilité au Royaume-Uni comme en Europe, et qui mènera notamment à la fondation de PETA en 1980. Des liens directs sont repérables entre le militantisme britannique et les évolutions au niveau européen  : Ruth Harrison, figure centrale du militantisme pour le bien-être animal, est membre du Comité permanent de la Convention de 1976, d’abord en tant que représentante de la Société Mondiale pour la Protection des Animaux (WSPA), puis de l’Eurogroupe pour le bien-être des animaux fondé en 1980, et qui aura une influence considérable sur les négociations au Comité permanent ainsi qu’auprès de la Commission des CE31. De plus, la demande citoyenne concernant la législation protégeant les animaux contre la douleur et la souffrance, ainsi que l’attitude des consommateurs et leur disposition à payer, sont de plus en plus étudiées et prises en compte par les législateurs32. De même, la protection animale devient de plus en plus visible dans le champ scientifique : en 1977, deux ans après la publication d’Animal Liberation se tient la première Conférence internationale sur le Droit des Animaux à Trinity College, à Cambridge, organisée par Andrew Linzey et Richard Ryder ; en 1979 se tient la première Conférence européenne sur le bien-être animal, aux Pays-Bas33.
15. À ce contexte culturel, il faut ajouter le contexte économique et industriel de l’époque : l’industrialisation agricole de l’après-guerre et la révolution verte ont considérablement augmenté la productivité, réduit les coûts de main-d’œuvre et donc les prix à la consommation, ce qui a entraîné une augmentation de la consommation de « produits animaux »34. De plus, la question de la protection animale recoupe celle de la lutte contre les maladies, et en particulier contre les épidémies qui mettent en danger la production35.
16. Ce contexte peut expliquer le gain de visibilité de la question animale, avec la multiplication des régulations nationales à partir de la fin des années 1960. Plusieurs États européens avaient en effet déjà pris des mesures législatives nationales afin de protéger les poules pondeuses : le Royaume-Uni établit en 1965 son principe des cinq libertés36 qui mène à la loi de 1968 ; l’Allemagne met en place en 1972 une régulation sur la protection des animaux non-humains37, et l’espace minimum autorisé au Danemark est de 600 cm2 par poule38. Cette vague de législations nationales est à peu près simultanée avec la mise en place, au Conseil de l’Europe, du Comité ad hoc d’experts sur le bien-être animal en 1971, à la demande de l’Assemblée parlementaire39. C’est ce comité qui rédigera la Convention européenne pour la Protection des animaux d’élevage de 1976, approuvée en 1978 par le Conseil des CE : les États membres s’engagent à en respecter les principes, et la Communauté à édicter des normes en ce sens.

C. Contexte institutionnel : Conseil des CE, Commission, Parlement, Conseil de l’Europe

17. Cet article étudie quatre institutions qui prennent part au processus d’élaboration puis d’adoption des normes européennes : le Conseil des CE, la Commission et le Parlement, du côté communautaire, ainsi qu’une autre organisation internationale, le Conseil de l’Europe.
18. Le Conseil des CE publie des résolutions dans lesquelles il décrit des orientations générales, et somme notamment la Commission de mettre en place les conditions nécessaires à l’adoption de directives : faire les recherches et les consultations nécessaires, en rendre compte au Conseil, puis rédiger des propositions de directives. Après une étape de consultation du Parlement, le Conseil adopte les directives, leur donnant force de loi en les publiant au Journal officiel des Communautés européennes.
19. La Commission européenne a pour principale fonction l’initiative des textes de loi, c’est-à-dire que c’est elle qui rédige les propositions de directive sur lesquelles le Conseil et le Parlement se prononcent ensuite. Elle lance le processus législatif en proposant des mesures dans l’ensemble des domaines de compétence de l’Union européenne. Un aspect essentiel de son rôle est de réunir les informations pertinentes pour rédiger ces propositions : en particulier, elle a l’initiative d’organiser et de financer des programmes de recherche nationaux ou internationaux, ou de requérir des rapports par les acteurs concernés. Dans le cadre du processus législatif, la Commission organise un programme de recherche sur le bien-être animal au niveau européen, qui court de 1979 à 1983 ; en s’appuyant sur les rapports scientifiques, le commissaire publie des rapports adressés au Conseil (ce sont les rapports du commissaire Gundelach en 1981, puis du commissaire Dalsager en 1981 et 1985) ; enfin, la Commission rédige des propositions de directives, la première en 1981 et la seconde en 1982, qui sera adoptée par le Conseil en 1986 et entrera en vigueur en 1988.
20. L’Assemblée parlementaire européenne devient le Parlement européen en 1962, élu au suffrage universel à partir de 1979. Il n’a néanmoins qu’un rôle consultatif et acquerra la compétence de demander un projet de loi à la Commission (compétence dont seul le Conseil des CE dispose jusque-là) en 1997 avec le traité d’Amsterdam. Il deviendra ensuite progressivement une instance législative à part entière, jusqu’à être aujourd’hui colégislateur avec le Conseil40. Le Parlement a un rôle important puisqu’il peut requérir des consultations publiques et qu’il est représentatif de la volonté générale, étant élu directement par les citoyens des États membres.
21. En plus de ces trois institutions internes aux CE, et qui participent directement à la législation européenne, le Conseil de l’Europe, créé en 1949, est une organisation internationale extérieure aux CE et a un rôle d’abord consultatif. Son objectif est de promouvoir la démocratie et de protéger les droits humains ainsi que l’État de droit en Europe. Il rédige et publie des conventions que les États membres ainsi que les pays tiers peuvent ratifier, c’est-à-dire au respect desquelles ils peuvent s’engager.
22. Dans le cas de la protection des animaux dans les élevages, c’est le Conseil de l’Europe qui initie l’effort de législation : au début des années 1970, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe requiert du Comité des Ministres que ces derniers établissent une « Convention sur le bien-être des animaux d’élevage », indiquant des principes généraux d’élevage dans les systèmes intensifs. En 1971, un Comité ad hoc d’experts issus d’États membres est mis en place dans ce but41. Le 10 mars 1976 est adoptée la Convention européenne pour la Protection des animaux d’élevage42. Selon cette convention, « tout animal doit bénéficier d’un logement, d’une alimentation et des soins qui – compte tenu de son espèce, de son degré de développement, d’adaptation et de domestication – sont appropriés à ses besoins physiologiques et éthologiques, conformément à l’expérience acquise et aux connaissances scientifiques »43. La Convention entre en vigueur le 10 septembre 197844. Elle prévoit la création d’un Comité permanent de la Convention européenne pour la Protection des animaux d’élevage (ci-après « le Comité »), responsable du suivi et de la publication de recommandations précises45.
23. Le 19 juin 1978, le Conseil des CE publie une décision qui l’engage à ratifier cette convention ; cet engagement lui impose de lancer le processus qui mènera à la directive de 1988 pour les poules pondeuses, puis aux directives suivantes pour les autres espèces visées. Il ratifie la Convention le 18 octobre 198846. Des luttes d’influence et de prérogatives vont avoir lieu tout au long des années 1980 entre la Commission (contrainte parce que le Conseil des CE a ratifié la Convention) et le Comité (qui n’a qu’un rôle consultatif). D’une part, « l’un des objectifs de la Communauté est de respecter la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des animaux dans les élevages »47. D’autre part, au moment où, comme nous allons le voir, il devient urgent que la directive soit adoptée et où le Comité utilise son influence pour augmenter la surface de 450 à 600 cm2, la Commission le sommera de n’en rien faire et ignorera purement et simplement ses avis48.
24. La question de la force juridique de la Convention de 1976, ainsi que des recommandations publiées dans son cadre, est complexe. En 1986, quand la directive est adoptée par le Conseil des CE alors qu’elle indique les 450 cm2 contre l’avis de certaines des délégations ainsi que du Comité, la tension entre ces deux institutions devient palpable. Chacune défend sa capacité à agir indépendamment de l’autre, ainsi qu’à contraindre l’autre. Alors que l’observateur des CE demande aux membres du Comité de ne pas mentionner de surface précise dans leur recommandation, c’est-à-dire de ne pas se prononcer sur ce point pourtant essentiel, le Secrétaire général du Comité défend les prérogatives de ce dernier, en rappelant une distinction éclairante. Selon le Secrétaire général, il faut distinguer d’une part les recommandations adoptées par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (dont le statut est indiqué à l’article 15b du Statut du Conseil de l’Europe) et d’autre part les recommandations adoptées par le Comité de la Convention (réglées par l’article 9 de la Convention de 1976). Les premières proposent une ligne d’action aux gouvernements membres du Conseil de l’Europe, mais ceux-ci peuvent s’y conformer ou non. Au contraire, les recommandations du Comité sont contraignantes : elles doivent être mises en œuvre par les parties à la Convention, ou à défaut celles-ci doivent informer le Comité et justifier qu’elles ne sont pas en mesure de le faire. Selon le Secrétaire général, « [le] caractère obligatoire de ces recommandations découle clairement du paragraphe 3 de l’article 9 de la Convention, et du paragraphe 15 du Rapport explicatif relatif à la Convention »49. De plus, si une incertitude demeure quant aux délais d’implémentation de ces recommandations, le Secrétaire général ajoute qu’« [en] l’absence de règle précise en la matière, on peut présumer que prévaut le principe selon lequel une recommandation doit être mise en œuvre ‘de bonne foi’ par chaque Partie »50.
25. Or en 1978 le Conseil s’est engagé à ratifier la Convention, et le fera en 1988. Cet entremêlement chronologique entre l’établissement de la directive, le travail sur les recommandations du Comité et l’attente de la ratification par le Conseil des CE relève justement de l’intrication entre l’objectif de protection des animaux et l’objectif d’intégration économique. En tout cas, les CE semblent engagées ; c’est pour cela que le paragraphe 18 de la recommandation du Comité indique que « la mise en œuvre s’effectuera » : « en signant et ratifiant la Convention, chaque partie s’est engagée à mettre en œuvre ses dispositions et, en acceptant ultérieurement les recommandations préparées par le Comité, à mettre également en œuvre leurs dispositions »51. Sans avoir force de loi ni permettre d’engager des sanctions, les textes de la Convention, une fois celle-ci ratifiée, sont censés contraindre les États parties.
26. À l’inverse, le Comité est lui aussi engagé, d’une certaine manière, envers la Commission et sa proposition de directive : même si tous les États ayant ratifié la Convention ne sont pas des membres des CE (comme la Suisse, par exemple), les recommandations dans le cadre du Conseil de l’Europe se doivent de viser une certaine cohérence avec les directives européennes. L’observateur des CE, présent aux réunions du Comité, « attire […] l’attention du Comité sur le risque que certains passages des Annexes au projet de Recommandation [sur les poules pondeuses], sous leur forme actuelle, entraînent des conflits avec la directive du Conseil de la CEE […] et créent des confusions dans la mise en œuvre du Règlement de la Commission (CEE) n° 1943/85 [c’est-à-dire le règlement d’implémentation de la directive adoptée en 1986] »52. Cette remarque est un rappel à l’ordre, qui indique aussi une différence d’objectifs entre le Comité, dont l’objectif est la protection des animaux, et la Commission qui vise plutôt l’intégration économique.
27. Cette opposition dans les objectifs ainsi que les tensions vis-à-vis des forces contraignantes de l’une et l’autre institutions se concrétisent dans les positions liées à l’élevage des poules pondeuses. Dans la Convention de 1976, une tension semble présente : d’une part, la Convention s’applique aux « animaux, et en particulier les animaux des systèmes modernes d’élevage intensif […] élevés ou détenus pour la production d’aliments, de laine, de peau ou de fourrure ou à d’autres fins agricoles »53. D’autre part, la Convention insiste sur la nécessité de donner aux animaux concernés des conditions de vie « qui, compte tenu de leur espèce et de leur degré de développement, d’adaptation et de domestication, sont appropriés à leurs besoins physiologiques et éthologiques, conformément à l’expérience acquise et aux connaissances scientifiques. »54. Cette formulation positive a son pendant négatif dans l’interdiction de « causer des souffrances ou des blessures non nécessaires »55. D’une part donc, la Convention s’applique aux élevages intensifs, par exemple à l’élevage en cages de batterie ; d’autre part elle interdit justement un tel type d’élevage puisqu’il cause des souffrances et des blessures non-nécessaires, ce que le Comité n’aura de cesse de rappeler dans ses réunions et ses communications.
28. Cette contradiction n’en est pas une, ou du moins elle est résolue dans la recommandation concernant les poules pondeuses : « le Comité est convenu de préciser dans le préambule à la recommandation que les systèmes d’élevage actuellement dans le commerce et en particulier les systèmes largement répandus de cages en batterie étaient souvent tels qu’ils ne permettaient pas de satisfaire les besoins essentiels de santé et de bien-être de la volaille »56. Ainsi le Comité se positionne-t-il en défaveur du système d’élevage en cages de batterie, et en faveur de son interdiction. Au contraire, la Commission des CE, dont l’un des objectifs est l’intégration économique, qui passe par la poursuite de l’implémentation de la PAC et donc la recherche d’une productivité augmentée57, se positionne en faveur des systèmes intensifs58.

III. Analyse de l’évolution de l’agenda législatif menant à la directive de 1988

A. Un départ sur les chapeaux de roues

29. Outre le contexte général, les archives indiquent un tournant précis dans la constitution de l’agenda législatif : dans les documents d’orientation de la recherche de 1978 fournis par la Commission des CE, aucune mention n’est faite du bien-être animal. La question centrale que la recherche agricole doit traiter pour participer à l’efficacité de la PAC est celle de la productivité59. Or en 1979, le tout premier programme de recherche agricole coordonnée au niveau des CE est mis en place, et la question traitée est le bien-être animal, plus précisément la protection des poules pondeuses. Autrement dit, en 1978, le bien-être animal n’est même pas mentionné – en 1979, il devient la préoccupation majeure de la recherche agricole européenne. Le contexte général des années 1960 et 1970, l’agenda politique européen et l’unification du marché européen donnent une première explication ; le changement rapide est aussi forcé par un ensemble de problèmes liés à la standardisation des produits et à la protection sanitaire des animaux et des consommateurs à l’intérieur du marché ; enfin, l’accession des disciplines scientifiques au statut d’expertes et de conseillères du pouvoir donne une dernière explication60.
30. Mais ce n’est pas cette préoccupation généralisée qui déclenche le processus. C'est un procès civil. Le 12 avril 1979, la cour d'appel de Francfort reçoit, après un jugement en première instance, l'affaire d'un aviculteur poursuivi pour avoir élevé des poules dans des cages en batterie. L'accusation invoque la loi allemande de 1972 sur le bien-être des animaux, qui dispose en principe que le bien-être des animaux doit être amélioré. La défense de l'agriculteur consiste à dire que, bien que manifestement mauvais pour les animaux, le système de cages en batterie est le plus accepté et le plus utilisé en Allemagne comme dans les autres pays membres des CE. La question en jeu est donc celle des distorsions de concurrence : si une loi nationale est plus stricte que les règles du marché (ici, le marché européen en cours de construction et d'unification), les producteurs nationaux seront nécessairement désavantagés par rapport aux producteurs d'autres pays aux règles moins strictes. En d’autres termes, selon la défense, si une infraction a bien été commise, l'agriculteur n'en est pas coupable.
31. Le 27 avril 1979, la Cour d'appel de Francfort renvoie l'affaire au gouvernement fédéral, qui la transmet à son tour à la Commission. Le 18 septembre 1979, le Conseil publie une déclaration d'intention exprimant son soutien à l'interdiction des cages en batterie61. Ce court délai et cette réponse ambitieuse reflètent le contexte susmentionné : la société civile semble, à cette époque, favorable à une interdiction aussi radicale62. Il demande donc à la Commission d'établir un rapport sur les systèmes d’élevage, ainsi qu'une proposition de directive.

B. Tours et détours

a) Rapport Gundelach (1980)

32. S'appuyant sur les actes du premier colloque international organisé par la Commission en 19807827, 1978 ; Commission of the European Communities et P. V. TARRANT, Farm Animal Welfare Programme: Evaluation Report 1979-1983, Luxembourg, 1984. Pour une analyse détaillée de cet événement scientifique européen, voir notamment S. DUCOURANT, « Science or Ignorance of Animal Welfare? », op. cit. Pour une présentation du programme de recherche européen sur le bien-être animal, initié en 1979, voir S. DUCOURANT, « Bien-être en cage. Normes juridiques, disciplines scientifiques et système technique », thèse de doctorat, Paris, École Normale Supérieure, 2023 (en ligne : https://theses.hal.science/tel-04510929v1), chapitre 2, pp. 81-155.">63, le Commissaire Gundelach fournit un premier rapport, dans le cadre d'une procédure accélérée. Il conclut : « Impossible de rejeter les cages comme méthode d'élevage des poules, sans en savoir d’abord plus sur le bien-être des volailles élevées de cette façon, par comparaison avec les autres systèmes »64.
33. Cette déclaration explique que le Conseil ait renoncé à son ambition initiale. Ce rapport est accompagné d'un projet de résolution, adopté par le Conseil une semaine plus tard, le 22 juillet 1980, affirmant que « les cages en batterie, bien que largement utilisées et très productives, peuvent entraîner des souffrances inutiles et excessives. Les différentes législations nationales en la matière pouvant entraîner des distorsions de concurrence, des règles communautaires sont nécessaires »65.
34. Mais il n'y a pas de lien logique entre les deux phrases : la distorsion de concurrence semble être la seule raison de la réglementation au niveau communautaire. Si la souffrance semblait être, en 1979, une bonne raison de publier une déclaration d'intention, elle n’est pas suffisante, en 1980, pour proposer une directive. Cette déclaration restreint donc le contenu de la directive envisagée mais elle n’arrête pas le processus législatif, puisqu’elle appelle un second rapport.

b) Rapport Dalsager (1981)

35. Le 3 août 1981, le commissaire Dalsager envoie ce second rapport au Conseil66. Il y décrit les aspects généraux du système de production d'œufs en Europe, en se concentrant sur l'utilisation des cages67. Il explique que l'espace moyen offert par poule en 1980 était de 450 cm2, et reprend les résultats du colloque de 1980, selon lesquels des cages surpeuplées ne sont pas dans l'intérêt du producteur car elles entraînent une baisse de production : l'espace optimal offert, en termes de productivité, est de 450 cm2.
36. Cela signifie que la question de l'interdiction des cages a implicitement été remplacée par celle de l’espace alloué à l’intérieur des cages. Il s'agit d'un changement capital dans l’agenda : bien que la déclaration d'intention initiale ait été abandonnée, la nécessité et l'urgence d'adopter un texte demeurent. Dans ce nouveau cadre, le bien-être animal, bien que souvent mentionné dans les titres des directives et des réunions, se retrouve en fait au second plan. De plus, Dalsager ouvre la voie à une interprétation erronée du chiffre de 450 cm2 : le colloque de 1980 avait conclu qu'en dessous de 450 cm2 par poule, les taux de mortalité étaient élevés et les taux de production faibles. Augmenter l'espace disponible au-delà de 450 cm2 et jusqu'à 580 cm2 entraînait une diminution de la mortalité et une augmentation des taux de production – aucune étude n'avait alors été entreprise pour des espaces plus grands68. Cela signifie que 450 cm2 n'est pas un optimum absolu, mais un optimum minimum, en dessous duquel les chiffres sont dramatiquement insatisfaisants pour les producteurs. Ainsi Dalsager a-t-il déformé les résultats de 1980, en faveur d’une réglementation minimale. Il propose un espace de 500 cm2 par poule et encourage les éleveurs à mettre au moins trois poules par cage, et plutôt quatre.

c) Consultation des comités

37. Une fois un projet de directive publié en parallèle du rapport Dalsager, l'étape suivante consiste à le soumettre au Comité Économique et Social européen (CESE) ainsi qu'au Parlement69. Le CESE est un comité permanent des CE et juge l'aspect économique de toutes les propositions de directive, en s'appuyant sur les syndicats et les représentants professionnels, comme, en agriculture, le syndicat COPA/COGECA70. Le CESE exprime un fort désaccord face au projet de directive, déclarant que « la Commission semble plus préoccupée par les conditions de logement des animaux que par celles des humains, et devrait changer ses priorités »71.
38. Entre-temps, la Commission transmet le projet aux commissions respectivement de l'Agriculture et de l'Environnement du Parlement européen. Leurs positions sont totalement opposées. La commission de l'Agriculture se range à celle du CESE, et propose même une réduction à 450 cm2. La commission de l'Environnement, quant à elle, demande à la Communauté de s'en tenir à l'espace danois (600 cm2), et ce dans une période de transition de 5 ans. Les parlementaires, réunis en séance plénière en décembre 1981, décident de soutenir la seconde position, en rendant la proposition encore plus ambitieuse, en faveur des 600 cm2.
39. Mais la Commission renvoie cet avis au stade de la consultation : en d’autres termes, elle somme purement et simplement le Parlement de changer d'avis72. Après révision, le Parlement propose un avis plus proche des avis de la commission de l'Agriculture et du CESE : en avril 1982, il se prononce en faveur des 500 cm2, c'est-à-dire en alignement avec le CESE et avec le projet antérieur de Dalsager. En juin 1982, la Commission modifie alors sa proposition pour intégrer ce deuxième avis du Parlement, notamment en modifiant la période de transition de 12 ans à 8 ans.
40. Le passage par les commissions spécialisées et au Parlement n'a donc pas modifié de manière substantielle le contenu du projet de 1981, mais en a changé l’agenda. En effet, la période d'application ne contraint pas les changements de pratique, mais le processus législatif : pendant la période d'application, aucune nouvelle législation sur la question ne peut être entreprise. Ainsi, deux stratégies peuvent généralement être adoptées : soit faire une proposition ambitieuse et accepter une période de transition assez longue ; soit, au contraire, faire une proposition minimale ou modérée, mais avec une courte période de transition, en espérant qu'une deuxième phase de législation modifiera bientôt la première73. Dans cette phase, le Parlement adopte la deuxième stratégie : accepter une version modérée de la réforme et réduire le temps de mise en œuvre, en vue de légiférer à nouveau, une fois que la question aura été mieux connue et que la science sera mieux étayée.

C. Conclusion d'un accord ou passage en force ? Article 43 ou article 100

41. Une année de débats s'ensuit, sans perspective d'accord74. Le 14 juin 1983, la Commission reporte sa décision jusqu'à réception d’un nouveau rapport sur les implications économiques et financières de la proposition de 198175. Ce troisième rapport de la Commission, publié le 7 mars 1985, tire les mêmes conclusions qu’en 1981 : les effets économiques d'une modification de 25 % de l'espace alloué seraient négligeables si la période de transition était de 7 ou 8 ans et si les 450 cm2 étaient un minimum.
42. Bien que rien n'ait vraiment changé dans le texte, celui-ci est adopté le 25 mars 1986 : les délégations du Conseil votent en faveur de la proposition de 1982 et des 450 cm2. La toute première directive européenne sur le bien-être des animaux d'élevage vient d’être adoptée, « établissant les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses en batterie », référencée 86/113/CEE et publiée au Journal officiel le 10 avril 1986. Comment se fait-il qu'après sept ans de négociations et de retraits, et sans changement dans le contenu des propositions, le Conseil parvienne finalement à un consensus ? La situation demeurait en apparence bloquée : certes, la position du CESE avait été prise en compte par le texte révisé en 1982, de sorte que les facteurs économiques ne constituaient plus un obstacle. Mais des résistances venaient du Royaume-Uni et du Danemark qui considéraient que les 450 cm2 étaient insuffisants et contradictoires avec leur réglementation nationale. Autrement dit, au moment où les résistances exprimées par la profession agricole via le CESE ont été dépassées, les délégations qui avaient les lois nationales les plus ambitieuses en faveur du bien-être animal s’étaient mises à résister à la réglementation. Les délégations britannique et danoise avaient alors plus de poids sur la décision, car elles ont intégré l'Europe lors du premier élargissement de 1973, et étaient encore dans un processus d'intégration en ce qui concerne l'agriculture76. En raison de la spécificité de leurs marchés intérieurs, ces deux pays n’avaient pas non plus d'intérêt économique évident à adopter une telle loi minimale77. Ils se trouvaient donc en mesure de négocier.
43. Les représentants britannique et danois exposent leur ligne de défense lors de la réunion de décembre 198578. Selon eux, le texte final ne devrait pas être basé uniquement sur l’article 43 du traité de Rome, mais également sur l’article 10079. Pourquoi le choix de tel ou tel article serait-il possible, et pertinent ? Le traité de Rome de 1957 est le texte juridique qui encadre toute la mise en place des CE et de chaque directive. Les articles 39 à 44 concernent l'agriculture. L’article 43 concerne la mise en œuvre de la PAC et précise que, sous le contrôle du CESE, la Commission a pour mission de remplacer les organisations nationales par une organisation commune.
44. Le troisième point de cet article est essentiel : il indique qu'en ce qui concerne l'agriculture, le Conseil des CE agit à la majorité qualifiée, c'est-à-dire que si moins de 4 représentants des États membres s’opposent à un texte, celui-ci est adopté. L’unanimité, au contraire, signifie qu’il suffit d’un seul représentant pour bloquer un texte. Le mode de scrutin à la majorité qualifiée permet d'éviter qu'un petit nombre d’États membres ne constituent une « minorité de blocage » : ici, le Royaume-Uni et le Danemark pourraient bloquer le texte si le scrutin se fait à l’unanimité, mais pas s’il se fait à la majorité qualifiée. En ce sens, une minorité d’États membres peut être contrainte d'appliquer une réglementation, si le CESE a établi qu'elle ne leur porterait pas préjudice économiquement, et qu'elle est nécessaire à l'harmonisation du marché80. L’article 100, quant à lui, concerne l’harmonisation du marché sans restriction du type de produits concernés. Son application nécessite des votes à l'unanimité.
45. Ces deux articles pourraient être invoqués à l'appui de la directive sur l'élevage des poules pondeuses ; et la différence entre eux est le mode de décision : majorité qualifiée pour l'article 43, unanimité pour l'article 100. Or, le Danemark et le Royaume-Uni forment alors une minorité parmi les membres des CE, et souhaitent devenir une minorité de blocage, c'est-à-dire pouvoir bloquer la directive afin de ne pas être contraints de s'aligner. Ce que le Danemark et le Royaume-Uni cherchent à défendre à l'époque, c’est aussi la notion de bien-être animal elle-même. Lors de l'action en justice 131/86, lorsque le Royaume-Uni a introduit un recours devant la Cour de justice contre cette directive, il a clarifié cette position81. En demandant au Conseil de mentionner l’article 100, ces délégations invitaient ses membres à préciser leur objectif réel, et à expliciter que cette directive ne concernait pas la protection des poules pondeuses ou leur bien-être, mais uniquement l'harmonisation du marché. Mentionner l’article 100 revient non seulement à permettre au Danemark et au Royaume-Uni d’empêcher l’adoption du texte en formant une minorité de blocage, mais encore à rendre public le fait que dans la directive, les animaux sont seulement considérés comme des marchandises. L'objectif implicite de la directive 86/113/CEE serait de faciliter l'application du règlement 2771/75 du 29 octobre 1975, portant organisation commune du marché des œufs. Le rapport d'audition résume l'argumentation de la Commission comme suit : « Bien que le bien-être des animaux ne soit pas en soi un objectif communautaire, les institutions communautaires devraient en tenir compte lorsqu'elles adoptent des mesures visant à achever l'organisation commune des marchés agricoles et à assurer la libre circulation des marchandises dans des conditions de concurrence loyale »82.
46. Mais le rapport de force, jusque-là favorable au blocage de la directive par les représentants britannique et danois, change le 17 février 1986. Ce jour-là, l'Acte Unique européen, une révision majeure du traité de Rome, est signé, afin de faciliter l'unification du marché et l'intégration européenne. L’article 100 est accompagné d’un nouvel article 100 A afin de supprimer la nécessité du vote à l'unanimité et de la remplacer par un vote à la majorité qualifiée83. Le Danemark et le Royaume-Uni ne peuvent donc plus constituer une minorité de blocage. Bien que significative, la défense britannique et danoise n'aboutit donc pas : le 25 mars 1986, les délégations danoise et britannique votent contre, les autres votent pour. C’est ainsi que naît la directive 86/113/CEE.
47. Le 29 mai 1986, le Royaume-Uni demande l’annulation de la directive dans le cadre du recours en annulation 131/86. Après deux ans de procédure, la directive est bel et bien annulée par la Cour de justice des Communautés européennes, le 23 février 1988, mais seulement pour un motif formel. Le 7 mars 1988, le Conseil des Communautés européennes adopte donc définitivement le texte proposé depuis 1982 : la directive 86/113/CEE est adoptée.

IV. Conclusion

48. Ainsi est né le premier texte de protection des animaux dans les élevages à l’échelle européenne. En racontant l'histoire de sa gestation de manière chronologique, j'ai tenté de montrer les changements progressifs de l'agenda législatif. J'en ai conclu que les raisons de légiférer n'étaient pas la défense des animaux de rente, mais plutôt la construction d'un marché unique : seule la lutte contre les distorsions de concurrence permet, à chaque moment de blocage, de faire avancer le processus législatif. Si une préoccupation générale croissante pour les animaux d'élevage est bien mobilisée comme l'une des causes de la législation, l'objectif et l’effet de cette directive ne sont pas véritablement de protéger les poules pondeuses, ni de leur assurer un minimum d'espace. La protection des animaux est plutôt un prétexte, car le résultat réel consiste à renforcer les échanges sur le marché libre et, in fine, à définir les produits animaux comme des marchandises comme les autres.
49. La directive n'est pas pour autant exactement vide de contenu éthique, et elle change effectivement quelque chose à la vie des animaux dans les élevages concernés. Mais ce changement est minime comparé à la visibilité du bien-être animal dans les titres des programmes de recherche, des directives et des déclarations d'intention, ainsi que dans les noms des comités et des groupes d'experts. À l’inverse, le processus d'unification du marché est moins visible, bien qu'il soit beaucoup plus puissant pour fixer l'agenda, et qu’il a pour résultat une augmentation des échanges et de la production d’œufs dans le marché européen.
50. Cette opposition, entre prétexte et moteur véritable du processus législatif, est un outil pour penser l’histoire et le contenu de la directive de 1988. Cette dichotomie ne peut néanmoins pas dissimuler la complexité des changements dans la pratique législative européenne des années 1970 et 1980 : l’étude de cas proposée ici est au contraire une contribution à l’étude de la construction européenne et des principes économiques et politiques qui la sous-tendent84.

  • 1 La Communauté économique européenne (CEE), la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) et la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) fusionnent leurs organes exécutifs en 1967 pour former les Communautés européennes (CE). Cependant, les acteurs, les archives et les textes de loi étudiés ici continuent de mentionner indifféremment « les Communautés européennes » et « la CEE ».
  • 2 S. DONALDSON et W. KYMLICKA, Zoopolis: A Political Theory of Animal Rights, s. l., Oxford University Press, 2011, p. 4-5 ; A. FRANKLIN, Animals and Modern Cultures: A Sociology of Human-Animal Relations in Modernity, Sage, London, 1999, p. 1-2.
  • 3 K. SAYER, « Animal Machines: The Public Response to Intensification in Great Britain, c. 1960 – c. 1973 », Agricultural History, vol. 87, n° 4, 2013, p. 473-501.
  • 4 R. BENNETT, « Farm animal welfare and food policy », Food Policy, vol. 22, n° 4, 1er août 1997, p. 281-288 ; R. BENNETT et D. LARSON, « Contingent Valuation of the Perceived Benefits of Farm Animal Welfare Legislation: An Exploratory Survey », Journal of Agricultural Economics, vol. 47, n° 1-4, 1996, p. 224-235.
  • 5 Directive 88/166/CEE du Conseil du 7 mars 1988 relative à l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire 131-86 (annulation de la directive 86/113/CEE du Conseil du 25 mars 1986 établissant les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses en batterie), JOCE, L 74 du 19 mars 1988, pp. 83-87. Cette directive de 1988 annule et remplace la directive 86/113/CEE du Conseil du 25 mars 1986 établissant les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses en batterie, JOCE, L 95 du 10 avril 1986, p. 45.
  • 6 M. C. APPLEBY, « The European Union Ban on Conventional Cages for Laying Hens. History and Prospects », Journal of Applied Animal Welfare Science, vol. 6, n° 2, 2010, p. 103-121 ; D. M. BROOM, « Le Bien-être animal dans l’union européenne », Bruxelles, Parlement Européen, 2017.
  • 7 M. S. DAWKINS, « Do hens suffer in battery cages? environmental preferences and welfare », Animal Behaviour, vol. 25, novembre 1977, p. 1034-1046 ; M. S. DAWKINS, « Battery hens name their price: Consumer demand theory and the measurement of ethological ‘needs’ », Animal Behaviour, vol. 31, n° 4, novembre 1983, p. 1195-1205 ; J. A. WEBSTER, « What Use Is Science to Animal Welfare? », Naturwissenschaften, vol. 85, n° 6, 1er juin 1998, p. 262-269.
  • 8 M. S. DAWKINS, « Dawkins1977 », op. cit. ; M. S. DAWKINS, « Welfare and the structure of a battery cage: size and cage floor preferences in domestic hens », British Veterinary Journal, vol. 134, 1978, p. 469-475.
  • 9 Commission des Communautés Européennes et P. DALSAGER, « Rapport de la Commission au Conseil relatif à l’élevage des poules pondeuses en cages », 1981, p. 7.
  • 10 J. SAVORY, « Laying Hens Welfare Standards : a classic case of “power to the people” », Animal Welfare, vol. 13, février 2004, p. 153-158.
  • 11 P. SHOTTON, « Lobbyistes et décideurs européens », Université Nancy 2, 2011.
  • 12 B. SCHULZE et I. DEIMEL, « Conflicts between agriculture and society: the role of lobby groups in the animal welfare discussion and their impact on meat consumption », Paper presented at the 22nd Annual International Food and Agribusiness Management Association (IFAMA) World Forum and Symposium, Shanghai, 2012 (DOI : 10.22004/ag.econ.269543 consulté le 30 octobre 2020).
  • 13 R. P. HAYNES, Animal Welfare: competing conceptions and their ethical implications, Dordrecht, Springer, 2010.
  • 14 S. DUCOURANT, « Science or Ignorance of Animal Welfare? A Case Study: Scientific Reports Published in Preparation for the First European Directive on Animal Welfare (1979-1980) », Science, Technology, & Human Values, vol. 48, n° 1, 2023, p. 139-166.
  • 15 Selon la Cour de justice, c’est même la « raison d’être » de l’UE, cf. avis 2/13 « Adhésion de l’Union à la CEDH » du 18 décembre 2014. Voir Athanase POPOV, « L’avis 2/13 de la CJUE complique l’adhésion de l’Union européenne à la CEDH », La Revue des droits de l’homme [Online].
  • 16 C’est la notion de « débordement » (spill over), cf. Brunessen BERTRAND, « Intégration politique et intégration économique : la dialectique des intégrations », in L’Union européenne et le fédéralisme économique : discours et réalités, Stéphane De la Rosa (dir.), Bruxelles, Bruylant, Paris, 2015, pp. 119-138. Voir aussi la notion d’« effet transnational des choix démocratiques », in A. KAUFFMANN, Citoyenneté de l’Union et marchandisation de la nationalité des États membres, Thèse de Master de Droit et Contentieux de l’Union européenne, Paris, Panthéon-Assas, 2021, p. 46, citant É. DUBOUT, « Transnationaliser la démocratie ? », RTD Eur, n° 3, 2019, p. 590. Cette version est corroborée par les acteurs de l’époque, cf. le documentaire L’histoire de la PAC racontée par ses grands acteurs, documentaire, 2009, 35 min (en ligne : https://agriculture.gouv.fr/lhistoire-de-la-pac-racontee-par-ses-grands-acteurs ; consulté le 22 août 2023).
  • 17 Nicolas JABKO, pressentant déjà en 2004 les critiques explicitées par SALAIS, avance au contraire qu’il est réducteur « d’assimiler la construction européenne récente à la simple traduction politique d’évolutions économiques structurelles ou à l’application mécanique d’une idéologie économique néolibérale » et propose de lire ces évolutions comme des opportunités politiques, N. JABKO, « Une Europe politique par le marché et par la monnaie », Critique internationale, vol. 13, n° 4, Presses de Sciences Po, 2001, p. 81-101.
  • 18 Brunessen BERTRAND, « Intégration politique et intégration économique : la dialectique des intégrations », op. cit.
  • 19 General Delegation for Agriculture, « Archives of the DG VI (Agriculture General Delegation) », 1965.
  • 20 Council of Europe et Permanent Committee for the Protection of Farm Animals, Comptes-rendus de réunions et sessions, 1979-1983, 1979 ; Council of Europe et Permanent Committee for the Protection of Farm Animals, Comptes-rendus de réunions et sessions, 1979-1983, 1983.
  • 21 French Ministry of Agriculture et Veterinary services, Activity reports, 1984, Pierrefitte, 1984 ; French Ministry of Agriculture et Division for Animal Health and Protection, Archives de la Direction Générale de l’Alimentation, 1983 ; French Ministry of Agriculture et Veterinary services, Veterinary Services meetings reports, 1998.
  • 22 Scientific Veterinary Council, Archives of the Scientific Veterinary Committee, 1986.
  • 23 Au même titre que l’organisation de la puissance atomique, cf. l’entretien donné par Jean PINCHON, directeur de cabinet d’Edgar FAURE (ministre de l’Agriculture) de 1966 à 1968, qui avait participé aux négociations du Plan Marshall en 1952. PINCHON conclut de ses échanges avec les diplomates nord-américains : « en revenant [des négociations], on arrivait à comprendre qu’un pays, riche disons, devait avoir la bombe atomique […] et diminuer son nombre d’agriculteurs. C’est un peu simpliste, mais… Or aux États-Unis, il n’y avait déjà plus que 10 % d’agriculteurs, et ils nourrissaient le pays et ils exportaient ». L’histoire de la PAC racontée par ses grands acteurs, op. cit.
  • 24 H. DRAKE, « Political leadership and European integration », op. cit.
  • 25 « These [the USA and the European Community] are the green giants, whose agricultural output and export potential have grown so much in the last 20 years », L’histoire de la PAC racontée par ses grands acteurs, op. cit.
  • 26 À ce titre, les comptes-rendus de réunions du Conseil Général vétérinaire français, qui définit la politique française dans les négociations internationales, appuient cette importance de l’accession au statut d’acteur économique unique. Voir en particulier le compte-rendu de la session des 23 et 24 septembre 1993 qui résume la réforme de la PAC, l’importance que celle-ci entre en cohérence avec les règles économiques de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), Conseil Général Vétérinaire, Archives internes (1987-1993), Cote : 20060179/3, 1987.
  • 27 Conseil de l’Europe, Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages, 1976.
  • 28 Claas KIRCHHELLE, biographe de Ruth HARRISON, prend cette vie militante comme porte d’entrée pour étudier une histoire longue du militantisme britannique puis européen, cf. C. KIRCHHELLE, Bearing Witness: Ruth Harrison and British Farm Animal Welfare (1920-2000), s. l., Springer Nature, 2021. Margaret DERRY, dans son histoire de la zootechnie du XXe siècle, présente aussi le contexte social et idéologique, cf. M. E. DERRY, Masterminding Nature: The Breeding of Animals, 1750-2010, Toronto, University of Toronto Press, 2015. Nik TAYLOR et Richard TWINE, dans leur présentation des Critical Animal studies, font un état de l’art des études historiques sur la question, cf. N. TAYLOR et R. TWINE (éd.), The rise of critical animal studies: from the margins to the centre, London ; New York, Routledge, Taylor & Francis Group, 2014 . Enfin, dans leur histoire économique de l’industrie des productions animales, Jayson LUSK et F. NORWOOD incluent l’analyse de la demande sociale et des mouvements militants, cf. J. L. LUSK et F. B. NORWOOD, Compassion, by the pound. The economics of Farm Animal Welfare, op. cit.
  • 29 R. HARRISON, R. L. CARSON et S. JENNINGS, Animal machines: the new factory farming industry, Londres, Royaume-Uni, V. Stuart, 1964 ; K. SAYER, « ‘His footmarks on her shoulders’: the place of women within poultry keeping in the British countryside, c.1880 to c.1980 », Agricultural History Review, vol. 61, n° 2, 2013, p. 301-329 ; B. ALGERS, « Applied ethology in the EU : development of animal welfare standards and actions », dans J. BROWN, Y. SEDDON et M. C. APPLEBY (éd.), Animals and us: 50 years and more of applied ethology, Wageningen, Wageningen Academic Publishers, 2016, p. 156. Voir aussi A. WOODS, « From cruelty to welfare: the emergence of farm animal welfare in Britain, 1964–71 », Endeavour, vol. 36, n° 1, 1er mars 2012, p. 14-22.
  • 30 P. SINGER, « Animal Liberation », dans R. GARNER (éd.), Animal Rights: The Changing Debate, London, Palgrave Macmillan UK, 1973, p. 7-18.
  • 31 « The Council of Europe in 1976 adopted the Convention for the Protection of Animals kept for Farming Purposes that outlined general principles covering the basic welfare of farm animals, and for many years, Ruth Harrison served as a member of the Standing Committee for that convention, initially as representative of the World Society for the Protection of Animals (WSPA) and subsequently of Eurogroup for Animal Welfare (Eurogroup) ». E. N. EADIE, Understanding Animal Welfare: An Integrated Approach, Berlin, Heidelberg, Allemagne, Springer Berlin Heidelberg : Springer e-books : Imprint: Springer : Springer e-books, 2012, p. 23.
  • 32 A. P. OUEDRAOGO et P. LE NEINDRE, « L’homme et l’animal: un débat de société », Paris, Institut National de la Recherche Agronomique, 2000.
  • 33 M. BEKOFF et C. A. Meaney (éd.), Encyclopedia of animal rights and animal welfare, Westport, Conn, Greenwood Press, 1998, p. xix-xx.
  • 34 D. FRASER, Understanding animal welfare: the science in its cultural context, Oxford ; Ames, Iowa, Wiley-Blackwell, 2008, p. 5 ; J. SVEDBERG, Impact of environment on health and welfare of the laying hen, Strasbourg, Standing committee of the european convention for the protection of animals kept for farming purposes, 1980.
  • 35 J. SVEDBERG, Impact of environment on health and welfare of the laying hen, Standing committee of the european convention for the protection of animals kept for farming purposes, 1980 ; P. V. TARRANT, EUR 9180. Farm Animal Welfare Programme - Evaluation report 1979-1983, Luxembourg, Office for Official Publications of the European Communities, 1984. Le rapport de TARRANT est une source essentielle de cette enquête, au même titre que ceux de Mary CHERRY, M. CHERRY et Commission des Communautés Européennes, « Vers une recherche européenne – Coordination de la recherche agricole dans la Communauté économique européenne », Direction générale « Information scientifique et technique et gestion de l’information », Luxembourg, 1980 ; M. CHERRY, « Cinq années de progrès – Coordination de la recherche agricole dans la Communauté économique européenne (1984-1988) », Commission des Communautés Européennes (éd.), Luxembourg, Direction générale « Marché de l’information et innovation », 1985 ; B. ALGERS, « Applied ethology in the EU : development of animal welfare standards and actions », op. cit., p. 156. Voir aussi D. FRASER, Understanding animal welfare: the science in its cultural context, Oxford ; Ames, Iowa, Wiley-Blackwell, 2008, p. 5.
  • 36 F. W. R. BRAMBELL, Report of the technical committee to enquire into the welfare of animals kept under intensive livestock husbandry systems, s. l., HM Stationery Office, 1965.
  • 37 Bundesministerium der Justiz und für Verbraucherschutz, « Tierschutzgesetz », 24 juillet 1972 (en ligne : http://www.gesetze-im-internet.de/tierschg/BJNR012770972.html ; consulté le 31 août 2020).
  • 38 M. C. APPLEBY, « The European Union Ban on Conventional Cages for Laying Hens. History and Prospects », op. cit., p. 109.
  • 39 B. ALGERS, « Applied ethology in the EU : development of animal welfare standards and actions », op. cit., p. 158.
  • 40 O. COSTA, « Le parlement européen dans le système décisionnel de l’Union européenne : la puissance au prix de l’illisibilité », Politique européenne, vol. 28, n° 2, L’Harmattan, 2009, p. 129-155.
  • 41 B. ALGERS, « Applied ethology in the EU : development of animal welfare standards and actions », op. cit.
  • 42 Conseil de l’Europe, Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages, op. cit.
  • 43 « Animals shall be housed and provided with food, water and care in a manner which having regard to their species and to their degree of development, adaptation and domestication – is appropriate to their physiological and ethological needs in accordance with established experience and scientific knowledge », Id., art. 3. Voir aussi Conseil de l’Europe et Comité Permanent de la Convention Européenne sur la Protection des animaux dans les élevages, « Rapport explicatif concernant la Convention Européenne sur la Protection des Animaux dans les Élevages », Strasbourg, 1976 et M. C. APPLEBY, « The European Union Ban on Conventional Cages for Laying Hens. History and Prospects », op. cit., p. 105.
  • 44 Comité permanent de la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages, Comptes-rendus des réunions 1 à 8 (1979-1983), 20060631/1, Conseil de l’Europe, 1979, p. 8.
  • 45 Les comptes-rendus des réunions et les rapports d’activités de ce Comité sont disponibles aux Archives nationales françaises de Pierrefitte, dans les cartons Comité permanent de la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages, 20060631/1, op. cit. ; Comité permanent de la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages, Comptes-rendus des réunions 9 à 21, Cote : 20060631/2, 1983, p. 21.
  • 46 Conseil de l’Europe, « Liste des signatures et ratifications de la Convention européenne pour la protection des animaux d’élevage de 1976 », sur Treaty Office, s. d. (en ligne : https://www.coe.int/en/web/conventions/full-list ; consulté le 1er septembre 2023).
  • 47 P. V. TARRANT, EUR 9180. Farm Animal Welfare Programme - Evaluation report 1979-1983, op. cit., p. 87.
  • 48 M. BOND, The Council of Europe: Structure, History and Issues in European Politics, s. l., Routledge, 2012, p. 4.
  • 49 Comité permanent de la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages, Compte-rendu de la 13e réunion (8-11 avril 1986), Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1986, p. 12.
  • 50 Ibid., p. 13.
  • 51 Comité permanent de la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages, Compte-rendu de la 14e réunion (18-21 novembre 1986), Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1986.
  • 52 Id.
  • 53 Conseil de l’Europe, « Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages », op. cit., art. 1.
  • 54 Id., art. 3, 5.
  • 55 Id., art. 4, 6, 7.
  • 56 Comité permanent de la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages, Troisième rapport au Comité des Ministres sur les travaux du Comité Permanent, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1988, point 20.
  • 57 C’est l’objet du second programme de recherche, qui se déroulera durant la fin des années 1980 et toutes les années 1990, menant à l’élaboration des prétendu « cages améliorées » ou « cages enrichies ».
  • 58 Dans le cas des poules pondeuses, elle a pour objectif de favoriser la recherche et le développement de systèmes alternatifs à l’élevage en batterie, mais sans pour autant interdire l’élevage en cage, qui a montré ses performances. Comité permanent de la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages, Compte-rendu de la 14e réunion (18-21 novembre 1986), op. cit., p. 10.
  • 59 M. CHERRY et Commission des Communautés Européennes, « Vers une recherche européenne – Coordination de la recherche agricole dans la Communauté économique européenne », op. cit.
  • 60 S. DUCOURANT, « Science or Ignorance of Animal Welfare? », op. cit.
  • 61 Council of the European Communities, 653ème session du Conseil (agriculture), Luxembourg, 22 juillet 1980.
  • 62 Commission of the European Communities et F. O. GUNDELACH, « Projet de Communication de la Commission au Conseil sur l’élevage intensif des poules pondeuses », 1980, p. 2.
  • 63= R. MOSS, The Laying Hen and its Environment, The Hague/Boston/London, EEC Program of Coordination of Research on Animal Welfare, 1980 ; Commission of the European Communities et F. O. GUNDELACH, COM(78)27, 1978 ; Commission of the European Communities et P. V. TARRANT, Farm Animal Welfare Programme: Evaluation Report 1979-1983, Luxembourg, 1984. Pour une analyse détaillée de cet événement scientifique européen, voir notamment S. DUCOURANT, « Science or Ignorance of Animal Welfare? », op. cit. Pour une présentation du programme de recherche européen sur le bien-être animal, initié en 1979, voir S. DUCOURANT, « Bien-être en cage. Normes juridiques, disciplines scientifiques et système technique », thèse de doctorat, Paris, École Normale Supérieure, 2023 (en ligne : https://theses.hal.science/tel-04510929v1), chapitre 2, pp. 81-155.
  • 64 Commission of the European Communities et F. O. GUNDELACH, « Projet de Communication de la Commission au Conseil sur l’élevage intensif des poules pondeuses », 1980, p. 2.
  • 65 Council of the European Communities, CCE1980, op. cit.
  • 66 Commission of the European Communities et P. DALSAGER, « Rapport de la Commission au Conseil relatif à l’élevage des poules pondeuses en cages », op. cit.
  • 67 Commission Services, « L’élevage des poules pondeuses en cage, aspects économiques : base pour rapport COM », 1981.
  • 68 R. MOSS, LH1980, op. cit., p. 73.
  • 69 Dans son compte-rendu historique de 1992, Lars HOELGAARD parle ici de l’ECOSOC, acronyme du Comité Économique et Social de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Si l’ECOSOC est bien consulté dans le processus législatif menant à la deuxième directive européenne sur la protection des poules pondeuses de 1999, il semble qu’en 1981 ce soit plutôt le CESE qui ait été consulté. Cf. V. CARTER et H. CARTER (éd.), « The Laying Hen — Proceedings of a Seminar held on 24 and 25 March 1992 at the Centre Albert Borschette », RSPCA, Horsham, 1992, p. 23. L’avis de l’ECOSOC en 1998 est mentionné dans les comptes-rendus de réunions des Services vétérinaires du Ministère français de l’Agriculture, Ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche et Services Vétérinaires. Voir les Comptes-Rendus de Réunions Des Services Vétérinaires (1998-1999). Archives de Pierrefitte-sur-Seine (Saint-Denis, France). Cote : 20030580/33, 1998-1999. Les archives historiques de l’Union européenne conservent un fonds concernant les consultations de l’ECOSOC, Communauté Économique européenne. Nations Unies, Conseil Économique et Social (ECOSOC). 1959-1962. (Consulté le 17/06/2019).
  • 70 P. STEVENSON, European Union Legislation on the Welfare of Farm Animals, 2012, p. 23.
  • 71 Comité Économique et Social, Avis du 31 décembre 1981 (en ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:51981AC1076&from=EN ; consulté le 14 août 2019).
  • 72 V. CARTER et H. CARTER (éd.), « The Laying Hen », op. cit., p. 20-25.
  • 73 Commission of the European Communities et P. DALSAGER, « Protection des poules pondeuses en batterie », 1982, p. 82.
  • 74 V. CARTER et H. CARTER (éd.), « The Laying Hen », op. cit., p. 24.
  • 75 Id.
  • 76 Commission of the European Communities, « Adhésion du Danemark, de l’Irlande, de la Norvège et du Royaume-Uni à la CEE. Ensemble de documents relatifs aux négociations et au traité d’adhésion de ces pays », 1980 ; Commission of the European Communities, « L’adhésion du Royaume-Uni : problème agricole : généralités », 1980.
  • 77 Commission of the European Communities, « L’adhésion du Royaume-Uni : problème agricole : généralités », op. cit.
  • 78 Council of the European Communities, Compte-rendu de réunion du Conseil d’Agriculture (CEC), 1985.
  • 79 Council of the European Communities, 1050ème session du Conseil (agriculture), Bruxelles, 1985.
  • 80 M. O. HOSLI, « Coalitions and Power: Effects of Qualified Majority Voting in the Council of the European Union », Journal of Common Market Studies, vol. 34, 1996, p. 255.
  • 81 U. EVERLING, Rapport d’audience de l’affaire 131/86, 1986 ; Scientific Veterinary Council, 19920335/37, op. cit.
  • 82 U. EVERLING, Rapport d’audience de l’affaire 131/86, op. cit.
  • 83 Scientific Veterinary Council, 19920335/37, op. cit.
  • 84 G. THERBORN et al., « The 1970s and 1980s as a Turning Point in European History? », Journal of Modern European History / Zeitschrift für moderne europäische Geschichte / Revue d’histoire européenne contemporaine, vol. 9, n° 1, Sage Publications, Ltd., 2011, p. 8-26 ; R. O. KEOHANE et S. HOFFMANN, « Institutional Change in Europe in the 1980s », dans B. F. NELSEN et A. C.-G. STUBB (éd.), The European Union: Readings on the Theory and Practice of European Integration, London, Macmillan Education UK, 1994, p. 237-255.
 

RSDA 1-2024

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