Droit civil des personnes et de la famille
- Fabien Marchadier
Professeur de Droit privé et sciences criminelles
Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers (Institut Jean Carbonnier)
La présente chronique couvre la période allant de janvier 2024 à juin 2024. Une fois de plus, les décisions confirment une tendance à minorer la portée de l’article 515-14 du Code civil. Pour le tribunal judiciaire de Lille (20 fév. 2024), il confirme, avec l’article 528 du Code civil, sa qualité de meuble par nature. Pour la Cour d’appel Bordeaux (14 mai 2024, RG n° 21/06340), la réforme de 2015 n’a pas « changé son statut juridique de bien meuble ». Sur le fond, la preuve des liens entre l’homme et l’animal, est au cœur de l’actualité. Les décisions du semestre confirment l’importance du système d’identification des carnivores domestiques (I-Cad) lorsque le propriétaire (ou celui qui se présente comme tel) ne détient pas l’animal et demande à un tiers sa restitution. Elles apportent également d’utiles précisions sur les caractéristiques de la possession à la fois en tant que preuve de la propriété et en tant que titre de propriété.
I/ La relation homme/animal
1/ La remise d’un chien errant à un refuge vicie la possession (TJ Lille, 20 février 2024, RG n° 23/01367, Mme X R c/ Ligue de protection des animaux du Nord)
Mots-clés : article 515-14 du Code civil. – meuble par nature. – chien. – possession (vices)
Le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Lille illustre une nouvelle fois les pesanteurs et les résistances au changement. Contre l’évidence, et sans développer aucune justification, les animaux constitueraient, au sens des articles 515-14 et 528 du Code civil, « des meubles par nature » (déjà en ce sens, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 A, 19 septembre 2022, n° 21/01304, Cette Revue 2022/2. 30 obs. F. M. ; égal. Cour d'appel, Nîmes, 1re chambre civile, 4 février 2021, n° 19/01368, Cette Revue 2021/1. 33 obs. F. M.). Dans le jugement cette proposition ne se conjugue pas au conditionnel, mais au présent de l’indicatif. Exit la sensibilité et les doutes relatifs à la qualification juridique. Sur le fond, cette approche ne s’imposait pas pour appliquer l’article 2276 du Code civil. Faute de dispositions protégeant particulièrement l’animal en matière d’appropriation, la preuve et l’établissement de la propriété relèvent du droit commun, conformément l’article 515-14 du Code civil (pour mémoire, il énonce que « sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens »). Elle n’est pourtant pas sans conséquence. Elle exclut toute adaptation des règles qui ont d’abord été pensées pour une matière inerte qui ne développe aucune interaction avec l’être humain, que nul désir et nulle intention n’animent. Comme si le Tribunal judiciaire de Lille était fermé à toute volonté de comprendre la façon dont se construisent parfois les relations entre un être humain et un animal et à leur donner un habillage juridique adéquat.
En l’espèce, la demanderesse avait recueilli un chien errant à son domicile. Quelques jours plus tard, elle a conduit l’animal dans les locaux la ligue protectrice des animaux du Nord (ci-après LPA-NF) afin de connaître plus précisément la situation de l’animal. Était-il identifié ? Nécessitait-il des soins particuliers ? La démarche est logique, saine et responsable. Si elle souhaite conserver l’animal, encore faut-il qu’il n’ait pas déjà un maître et qu’elle connaisse, le cas échéant, ses besoins spécifiques. Ces élémentaires précautions se retourneront pourtant contre elle au moment où elle réclamera la restitution de l’animal à la LPA-NF. Du point de vue du Tribunal judiciaire, elles disqualifient la possession de nature à établir sa propriété sur l’animal. Il estime en effet qu’une « possession de quelques jours ne peut être considérée comme continue et non interrompue, non équivoque et à titre de propriétaire, étant précisé qu’un véritable propriétaire ne remet pas à la LPA un chien aux fins de soins et d’identification, dès lors qu’il n’entre dans les missions de la défenderesse, que de gérer les chiens abandonnés et non pas de soigner les animaux appartenant à un propriétaire ». La référence à la durée de la possession étonne. La principale caractéristique de l’article 2276 du Code civil est d’opérer immédiatement, sans condition de durée, à l’instant même où le possesseur se comporte en véritable propriétaire. Elle n’affecte aucun des caractères de la possession. Le motif a priori le plus convaincant concerne l’élément psychologique de la possession. L’animus domini ferait défaut. La motivation manque cependant de force. La réaction de la demanderesse est celle de toute personne qui établit des contacts avec un animal errant et qui souhaite s’attacher sa compagnie. Vouloir dissiper un doute sur la propriété de l’animal n’exclut pas la volonté de s’affirmer comme le maître de l’animal. C’est un titre conditionnel. La réalisation de la condition aurait dégradé la possession en simple détention. Sa non réalisation aurait simplement conforté le titre préexistant (la Cour d’appel de Bordeaux – cf. infra n° 2 – érige même cette précaution en devoir, la présence d’une puce rendant peu vraisemblable l’abandon de l’animal et frappant d’équivocité la possession). En l’occurrence, le chien n’était pas pucé et il était dépourvu de propriétaire. L’article 2276 du Code civil n’était donc pas le fondement le plus adéquat pour analyser la nature juridique des relations qui s’étaient nouées entre la demanderesse et l’animal. Celui-ci présentait toutes les caractéristiques de la chose abandonnée. Une res nullius, une chose sans maître dont le caractère appropriable n’était pas discutable (du moins en l’état des textes et tant que les relations homme/animal seront modelées par la propriété et le droit des biens – pour une autre conception, v. en particulier, L. Boisseau-Sowinski, La désappropriation de l’animal, Pulim, 2013) s’agissant d’une espèce domestique. L’accueil de l’animal établissait la propriété par occupation. Contrairement à ce que suppose le Tribunal judiciaire de Lille, les intentions de la demanderesse au moment de la remise de l’animal à la LPA-NF étaient cruciales. Elle pouvait traduire la volonté de transférer la charge de l’animal à autrui, l’association servant alors de relais pour trouver une famille d’accueil. Elle pouvait tout aussi bien avoir pour objet de consolider l’appropriation de l’animal en confirmant sa condition de res nullius. Un rendez-vous chez un vétérinaire aurait permis d’atteindre le même résultat, aux frais exclusifs de la demanderesse. Le souhait de diminuer la charge financière de l’appropriation est négligé par le juge. Ses remarques sur les missions de LPA expriment, au mieux, une profonde méconnaissance du processus d’adoption d’un animal de compagnie. Ce que sollicitait la demanderesse correspondait aux prestations qui accompagnent, ou devraient accompagner, tout processus d’adoption : identification, stérilisation, vaccination (et, le cas échéant, dépistage).
Les raisons pour lesquelles elle n’a pu obtenir la restitution de l’animal restent mystérieuses. La décision de confier l’animal aux soins d’autres accueillants était peut-être motivée par l’intérêt propre de l’animal, l’appelante n’ayant pas la capacité de s’occuper de l’animal et n’étant pas susceptible de lui offrir des conditions d’existence supérieure à celles qui lui offertes par ses détenteurs actuels. Une telle motivation, soucieuse de prendre au sérieux l’article 515-14 du Code civil qui invite à s’ouvrir à la sensibilité de l’animal, tout comme l’article L214-1 du Code rural et de la pêche maritime invite à considérer ses besoins éthologiques, aurait pu produire une grande décision. Tel n’était manifestement pas la préoccupation du Tribunal judiciaire de Lille.
2/ Preuve de la propriété, devoirs incombant au détenteur d’un animal errant et imputation des frais d’entretien de l’animal (CA Bordeaux, 14 mai 2024, RG n° 21/06340, Épx N. c/ D. S. veuve X)
Mots-clés : article 515-14 du Code civile. – meuble. – chien (Husky). – revendication. – possesseur. – bonne foi. – propriété (preuve). – frais d’entretien (imputation)
L’affaire soumise à la Cour d’appel de Bordeaux concerne un chien retrouvé plusieurs années après sa disparition grâce à la vigilance d’un vétérinaire. Examinant l’animal, il a constaté, via sa puce d’identification, que les données indiquaient un propriétaire autre que le couple qui lui avait amené le chien en consultation. Une fois alertée, la personne mentionnée sur la fiche I-cad du chien a réclamé sa restitution. L’affaire ne soulève aucune question inédite, mais la décision contient des précisions intéressantes relativement à la preuve de la propriété de l’animal, aux caractères de la possession et à l’imputation des frais d’entretien d’un animal.
Alors même qu’il n’était applicable ratione temporis, la Cour d’appel exprime sa doctrine sur l’article 515-14 du Code civil. De son point de vue, la reconnaissance de la sensibilité de l’animal conduit à un accroissement de sa protection. En revanche, elle ne modifie pas son statut juridique. Il était un bien meuble en application de l’article 528 du Code civil ancien et il le demeure sous l’empire de l’article 515-14 du Code civil nouveau. Ces deux affirmations ne sont nullement étayées. La « protection accrue » est indéterminée tant dans son contenu (par exemple, à quoi pouvait-elle correspondre en l’espèce ?) que dans sa source (est-ce le rôle du législateur, du juge ou des deux conjointement que d’accroître la protection de l’animal ?). En l’espèce, la solution n’aurait sans doute pas été différente sur le fondement de l’actuel article 515-14 du Code civil. Cet obiter dictum que la solution du litige n’imposait nullement révèle une mentalité conservatrice (v. égal. supra n° 1). Il encore difficile de savoir si ancrer l’animal dans le monde des choses constituera un frein à sa protection ou si, purement technique (l’animal ne pouvant être une personne juridique, il est donc un bien par nécessité), cette qualification n’entravera pas l’adaptation du droit des biens toutes les fois où la nature singulière de l’animal, être vivant et sensible, l’appellera.
Aujourd’hui comme hier, il n’existe aucun régime particulier à la preuve de la propriété de l’animal. Comme en matière de meuble, soulignent les magistrats bordelais, la preuve de la propriété se prouve par tout moyen. En l’occurrence, les mentions de l’I-Cad corroboré par un témoignage ont suffi pour emporter leur conviction. D’une manière générale, les magistrats sont très sensibles aux mentions de l’I-cad et aux démarches entreprises par celui qui se prévaut de la qualité de propriétaire de l’animal pour qu’il y apparaisse comme détenteur (déjà en ce sens, Grenoble ch. civ. 3 décembre 2012 n° 12/00760 A. Drault c/ V. Cagnin , RSDA 2012/2 obs. F. M. ; Nîmes, ch. civ. 2A, 27 octobre 2011, n° 10/03389 et Poitiers, ch. civ. 4, 26 octobre 2011, n° 10/03536, RSDA 2011/2. 40 et s. obs. F. M. – comp. Cour d'appel de Caen, 3ème ch. civ., 13 avril 2023, n° 22/00819 ou encore Paris, Pôle 4 chambre 10, 22 juin 2023, n° 21/00923, Cette Revue 2023/2 obs. H. Kassoul). À défaut, et malgré l’application d’un principe de liberté des preuves, l’établissement de la propriété sera beaucoup plus difficile (pour un exemple de refus de reconnaissance de la propriété à la lumière de plusieurs témoignages – dont la cour a cependant souligné l’imprécision, v. Poitiers, 4 juin 2024, RG n° 22/02219, S. Z. c/ S.P.A.).
Les appelants, condamnés en première instance à restituer le chien, se prévalaient d’un droit de propriété assis sur la possession de l’animal et opposaient à l’ancienne propriétaire la prescription de son action en revendication. Encore fallait-il cependant que leur possession soit utile et exempte de vices. Or, à notre connaissance de manière inédite, la Cour d’appel de Bordeaux précise l’attitude que doit adopter toute personne qui décide de recueillir un animal errant. Le premier devoir consiste à rechercher si l’animal est approprié et s’il est possible d’identifier ce propriétaire. Si l’animal est porteur d’une puce, son abandon, précise la Cour, est peu probable. Il appartient alors à celui qui l’a trouvé de l’emmener auprès d’une institution possédant un lecteur de puce d’identification. Sont concernés les vétérinaires, les services de police, les fourrières, mais encore les refuges pour animaux. Quand bien même la puce ne serait pas lisible, l’existence d’un propriétaire est hautement probable. À cette première diligence s’ajoute une seconde qui consiste à rechercher si la perte de l’animal n’a pas été signalée. La cour d’appel mentionne à titre d’exemple les services de police ou de gendarmerie. À l’heure d’internet et des réseaux sociaux, il existe de nombreux relais permettant de consulter les annonces relatives à la perte d’un animal et de déposer des annonces relatives à l’accueil d’un animal errant. À défaut d’entreprendre ces différentes démarches, la possession est frappée d’équivoque et ne peut faire échec à l’action en revendication même intentée au-delà des trois années évoquées par l’article 2276 du Code civil.
Cette solution renforce l’utilité de l’I-cad et protège incontestablement les droits du propriétaire initial contre le détenteur actuel de l’animal. Le lien d’affection, qui aurait pu exprimer la singularité de la relation entre l’homme et l’animal, ne rivalise pas avec la technique du droit des biens (déjà en ce sens, Paris, pôle 4, ch. 9, 20 janvier 2011, n° 09/12668, Épx Voigt-Glover c/ Mme Malecki, Cette Revue 2011/1. 43 obs. F. M.). Il ne compense pas les vices dont la possession pourrait être affectée. En l’occurrence, l’attachement des appelants au chien n’efface pas l’équivocité de la possession. Une analyse un peu moins centrée sur l’homme et plus soucieuse de l’animal concrétiserait la protection accrue de l’animal qu’induirait l’article 515-14 du Code civil. Lorsque deux personnes formulent des prétentions concurrentes sur l’animal, la solution devrait avoir pour seul guide l’intérêt de l’animal. Sur le fond, la solution aurait vraisemblablement été identique. Après 8 années en compagnie des actuels détenteurs, une restitution aurait menacé équilibre psychologique et affectif de l’animal (ce qui aurait pu être discuté devant la cour). De telles considérations ne sont pas fantaisistes. Elles ont déjà animé des magistrats désireux de donner une consistance à la sensibilité de l’animal (v. dans le contexte des restitutions consécutives à la nullité, Paris, pôle 4, ch. 9, 24 novembre 2011, n° 10/03426, Cette Revue 2011/2 obs. F. M.). Si elles s’imposaient, elles confirmeraient, indépendamment du statut juridique de l’animal, la « révolution théorique » (J.-P. Marguénaud, « Une révolution théorique : l’extraction masquée des animaux de la catégorie des biens », JCP 2015 doctr. 305) dont l’article 515-14 du Code civil est porteur.
La Cour d’appel était enfin confrontée à la question de l’imputation des frais d’entretien de l’animal. Selon une logique réificatrice, ils incombent normalement au propriétaire. Dans la mesure où les magistrats ont refusé ce titre aux appelants, ils ont donc réclamé une indemnité à l’intimé. Ils sont déboutés de leur demande sur le fondement de l’enrichissement injustifié. Le motif avancé par les magistrats bordelais est remarquable car il rompt, dans une certaine mesure, avec le droit des biens. L’appauvrissement des appelants n’était pas dépourvu de cause. Il était la conséquence de la détention de l’animal, « la contrepartie de la jouissance d’un animal de compagnie ». Les magistrats n’ont pas toujours été si clairs ni si inspirés (Rouen, 5 janvier 2012, Cette Revue 2012/1. 50 et s. obs. F. M. ; Dijon 5 juillet 2012 n° 11/00955 J. Laurençon c/ Mme M. Kempf ; Chambéry 28 août 2012 n° 11/01673 SARL Equipassion c/ G. Pichenot ; Montpellier ch. 1 sect. A 01 22 novembre 2012 épx Orange c/ M. Chavernac, Cette Revue 2012/2 obs. F. M.).
3/ La cession temporaire de l’animal par le majeur protégé (CA Bordeaux, 20 juin 2024, RG n° 21/01429, L. W. dit X c/ Société protectrice des animaux)
Mots-clés : Curatelle renforcée. – cession de l’animal. – acte d’administration. – assistance du curateur (non). – restitution de l’animal (non). - chien
La décision du 20 juin 2024 sera rapidement évoquée. Son principal intérêt réside dans les rappels concernant la capacité de la personne protégée à l’égard de son animal de compagnie. L’ouverture d’une mesure de protection n’entame pas le droit de toute personne de détenir un animal ce compagnie. La seule réserve concerne les chiens susceptibles d’être dangereux, du moins identifiés comme tels dans la loi (v. Code rural et de la pêche maritime, art. L 211-12). Cependant, contrairement à ce qu’énonce la cour d’appel, elle ne s’applique pas à l’ensemble des « majeurs protégés », ni même à tous ceux qui ont besoin d’une représentation dans la vie courante, mais uniquement aux personnes placées sous tutelle (v. Code rural et de la pêche maritime, art. L 211-13, 2°, qui précise en outre que, même dans ce cas, le juge peut autoriser le majeur à détenir un tel animal).
En l’espèce, des membres de la SPA sont intervenus au domicile du propriétaire de l’animal après un signalement de mauvais traitements. Ils ont emporté l’animal puis ont refusé sa restitution à son propriétaire. Ils se fondaient sur un acte de cession de l’animal auquel le propriétaire aurait consenti. Sans entrer dans les détails de cet acte abandon (quelle est sa nature juridique – contrat de donation ou acte juridique unilatéral abdicatif de droits ? – et quel est son régime juridique – en particulier est-il définitif ou révocable, et dans ce dernier cas, à quelles conditions et comment le distinguer d’un contrat de dépôt – pour une illustration, dans la période récente, de cette difficulté de qualification, v. Limoges, 10 janvier 2024, RG n° 22/00759, Mme H. C. c/ Association Sanctuaire d’Aiseirigh ?) qui relèvent davantage de la rubrique contrats spéciaux de nos collègues Christine Hugon et Kiteri Garcia, l’affaire soulevait deux principales questions. Un majeur sous curatelle renforcée pouvait-il accomplir seul un tel acte ? La vulnérabilité du majeur est-elle de nature à faciliter la preuve d’un vice du consentement ?
La première question appelait évidemment une réponse positive. La loi est, à cet égard, limpide. Comme le rappelle la Cour d’appel, l’annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil classe parmi les actes d’administration « tout acte relatif à l'animal domestique de la personne protégée ». Le majeur sous curatelle, même renforcée (qui implique une représentation uniquement pour la perception des revenus et le règlement des dépenses), pouvait donc agir seul. L’acte est a priori valable. Sa signature a posteriori par la curatrice est sans incidence et, en particulier, contrairement aux allégations de l’appelant, elle ne l’entache pas d’irrégularité. L’espace de liberté accordé au majeur n’est peut-être pas toujours opportun. D’une part, tous les majeurs protégés n’en bénéficient pas. Un régime de représentation autorisera ainsi la personne chargée de la protection (tuteur ou titulaire d’une habilitation familiale aux fins de représentation) à fixer le sort de l’animal, sans que son initiative ne soit soumise au contrôle du juge via l’autorisation. D’autre part et surtout, le majeur est privé de tout accompagnement pour prendre une décision qui, au-delà des intérêts du majeur lui-même et de la relation affective avec l’animal de compagnie, met en cause les intérêts de l’animal. Rattacher les actes relatifs aux animaux à la catégorie des actes personnels permettrait sans doute de répondre à ces deux difficultés. Le majeur sous tutelle ne sera pas privé de la compagnie de son animal parce que son tuteur l’aura décidé. Avant toute décision, le majeur bénéficiera d’informations sur l’utilité et la portée de l’acte envisagé (Code civil, art. 457-1).
L’acte de cession n’était donc pas nul pour défaut de capacité et ne l’était pas davantage pour vice du consentement. Les magistrats ne décèlent aucun abus de vulnérabilité, aucune manœuvre caractéristique d’un dol ou d’une violence. L’examen de l’acte révèle au contraire la pleine lucidité de son auteur. Le propriétaire de l’animal avait parfaitement conscience qu’il se séparait de son animal et des conditions dans lesquelles cette séparation se présentait. Il n’a pas hésité, en conséquence, à en modifier les termes. Sur le document, observent les magistrats, il avait rayé « les mentions l'engageant à “ne pas chercher à le reprendre” et où il est prévenu “qu'on ne le rendra pas“ ».
En conséquence, l’acte de cession est valable, mais son effet est temporaire (si donner et reprendre ne vaut, cet acte n’est sans doute pas une donation, ou alors une donation d’un genre très particulier). La demande de restitution de l’animal sous astreinte est néanmoins rejetée car la SPA a engagé un processus d’adoption de l’animal. Les dommages et intérêts octroyés au propriétaire de l’animal n’est qu’un équivalent très imparfait. Il lui reste alors à agir en revendication directement contre le nouveau propriétaire de l’animal. La bonne foi de ce dernier est normalement un moyen de défense efficace. La nature de l’objet revendiqué est néanmoins de nature à altérer l’application classique du droit des biens en faisant prévaloir les droits du propriétaire sur ceux du possesseur, même de bonne foi (sur les termes du débat et les différentes issues possibles selon que la dépossession initiale est volontaire ou involontaire, v. Paris, Pôle 4, ch. 9, 5 mai 2011, n° 09/14710, Mme Anne G. c/ association société protectrice des animaux et Mme Florence S., Cette Revue 2011/1. 52 obs. F. M.).
II/ L’animal dans la famille
(…)