Dossier thématique : Les archives des animaux

Les archives ne donnent pas leur langue au chat : sources documentaires et pistes de recherches concernant "Felis catus"

  • Cyril Dayde
    Conservateur en chef du patrimoine
    Directeur des Archives départementales de la Mayenne

 

  1. Au chat sont couramment prêtées des caractéristiques contradictoires1 : douceur et paresse voire volupté, mais également discrétion, agilité et nyctalopie voire prédation. Cette ambiguïté, loin d’être un effet conjoncturel de la période actuelle, est en réalité représentative de l’image qui colle à la peau – ou plus exactement au pelage – du félin sur le temps long de l’histoire2. Quels sont les grands mouvements et les principales tendances des relations entre le chat et l’homme au cours de l’histoire ?
  2. Pour brosser un tel tableau, on pourra recourir, entre autres sources, aux archives. Ces dernières sont définies dans la loi comme l’ensemble des documents produits dans l’exercice d’une activité3. Ainsi les archives mises à disposition des chercheurs témoignent-elles toujours du contexte dans lequel une activité humaine, le plus souvent administrative mais pas toujours, a eu à connaître de la relation entre l’homme et l’animal, en l’occurrence le chat.
  3. Une étude globale des sources archivistiques permet de distinguer dans le sujet des considérations de nature distincte, que nous nous proposons d’exposer successivement. Nous procéderons pour cela comme nos ancêtres lorsqu’ils ont été confrontés au chat : d’abord I. par une observation visant à catégoriser le chat dans les classifications du vivant connu ; puis II. par un recensement des places successivement ou concurremment offertes au chat dans les espaces humains ; ensuite III. par l’évocation d’un rôle plus immatériel du chat, dans la culture et les arts ; enfin, sur la base des recherches menées, IV. par un recensement des différents biais et obstacles rencontrés par la recherche, qui accentuent la complexité du sujet.

I. Le chat dans le règne animal : un inclassable ?

  1. L’homme appréhende généralement le vivant par une attitude d’observation et de description de ce qu’il voit, qui le conduit simultanément à nommer et à classifier en fonction des mots et catégories déjà connus. Le chat n’échappe pas à la règle, et se prête particulièrement à ce double examen étymologique et anatomique.

A. Des mots pour le dire

  1. Le mot « chat » provient4 d’un terme latin cattus ou gattus (féminin catta ou gatta), que l’on retrouve non seulement dans les langues romanes, mais également dans les langues celtiques, germaniques et slaves. Cela suppose donc une origine commune, probablement d'une langue africaine puisque le berbère et le nubien ont des termes proches. Plus intéressant encore, le mot cattus, à l’image d’une espèce envahissante, a éradiqué et remplacé un terme qui vivait auparavant : feles. Ce dernier désignait seul, de manière générique, tous les petits carnassiers5 dont les chats sauvages, et était employé en composition pour parler des mustélidés (blaireaux, martres, belettes, fouines et furets6).
  2. Les substitutions de mots ne sont pas rares ; surtout elles ne sont jamais gratuites. En l’occurrence, les linguistes estiment que celle de cattus à feles s’est produite à l’époque impériale (ive), c’est-à-dire au moment de l’introduction à Rome des chats domestiques, peut-être en provenance d’Égypte7. Ainsi les encyclopédistes contemporains8 concluent-ils que « Notre Chat, plus familier que domestique au sens propre du mot, ne descend pas du Chat sauvage d'Europe (Felis silvestris), avec lequel il ne s'hybride pour ainsi dire jamais, et surtout pas en liberté, mais de plusieurs espèces sauvages d'Afrique du Nord-Est, (…) avec des apports postérieurs de Chats sauvages asiatiques ».
  3. Une troisième racine9 est apparue au Moyen Âge, qui s’apparente à une base expressive « mi » symbolisant la petitesse et la douceur, comme dans les dérivés « mignon » et « emmitoufler ». Le chat y est rattaché, en partie par assimilation onomatopéique comme dans le terme « miaulement »10. Il y est désigné à travers deux variantes : 1. « mite / miste », signifiant « chatte » (xiiie), qui a donné « mitou / mitouard » puis « matou »11 (xvies.), parfois redoublée dans « chattemite » (xiiie s.) ou augmentée d’un adjectif de couleur dans « mistigri », à rapprocher de « croque-mitaine » où le chat est considéré comme l’animal du Diable ; et 2. « minon12 / minou » (xive s.) puis « minet » (xvie s.) qui donne « minette » et « mimi » (xixe s.). On retrouve l’ambivalence déjà notée au sujet de la valeur morale du chat13, ici illustrée par l’opposition, dans une même famille étymologique, entre « croque-mitaine » et « minou ».
  4. L’argot du xixe – peut-être avant ? – a ajouté le terme « greffier » pour désigner le chat14, à la fois par paronymie entre « griffe » et « greffe », et par proxémie autour de la notion d’égratignure (la plume du greffier égratigne la page comme la griffe du chat égratigne sa victime).
  5. Ce relevé ne prétend pas à l’exhaustivité : nous nous en tenons aux termes les plus répandus et renvoyons aux ouvrages spécialisés15 pour les noms vernaculaires du chat, tels « marcou » (Jura) ou « miron » (francoprovençal), qui se rattachent d’ailleurs souvent à des racines déjà mentionnées.

B. De l’observation à la classification

  1. La grande variété de ces termes a ceci de notable qu’elle ne vise pas à distinguer des sous-espèces différentes, mais simplement à désigner différemment – et avec des connotations variées – un même animal. Les caractéristiques anatomiques et éthologiques propres au chat relèvent du travail des naturalistes, à qui il revient d’observer et classifier les espèces. Concernant le chat, les études portent principalement sur sa vision, ses facultés de chasseur et son aptitude à communiquer. La documentation est riche sur ces sujets, qui ont valu au chat de servir d’archétype à la classification de plusieurs espèces de petits carnassiers.

a) Une vision en demi-teinte

  1. Selon une croyance tenace, les chats auraient les yeux lumineux ou à tout le moins la capacité de voir dans l’obscurité16. Cette fausse croyance tient en réalité au fait que ce sont, comme les chiens, des prédateurs de l’aube et du crépuscule (dits « mésopiques ») chez lesquels la vision binoculaire « joue un rôle essentiel pour l’évaluation des distances et la préhension »17. Ainsi, leurs yeux réfléchissent la moindre lueur. Dans l’obscurité totale, ce sont les longs poils, appelés « vibrisses », de leurs moustaches, de leurs sourcils et de leurs oreilles qui leur donnent la perception nécessaire.

b) Un redoutable chasseur, un véritable carnassier

  1. Les vibrisses ne sont pas le seul atout de ce prédateur. Le chat compte 517 muscles, aux longues fibres souples et résistantes, dont certains en faisceaux renforcent la colonne vertébrale et lui donnent une excellente élasticité. Il est bon coureur, saute en longueur avec précision grâce à sa vision binoculaire. En dépit de son aptitude à retomber sur ses pattes, il redoute le saut en profondeur, du haut d'un arbre par exemple.
  2. Par ailleurs, il dispose à chaque patte de griffes rétractiles, aiguës et coupantes, rentrées sous des coussinets dont elles sortent pour grimper, saisir, griffer ou déchirer. Une fois la proie capturée, 30 dents entrent en fonction : 6 incisives et 2 canines complétées par 8 molaires en haut et 6 à la mâchoire inférieure. Ces dernières, présentant une forme en dents de scie, découpent la chair (petits rongeurs, oiseaux, poissons). Les chats reviennent rarement sur une proie de la veille ; ce ne sont pas des charognards à l’état sauvage et les chats de maison le sont encore moins. Foncièrement carnivores comme tous les félidés, ils ont également besoin de végétal : légumes et fruits cuits, riz, lait pour les chatons puis eau fraîche.
  3. Enfin, pour résister au froid et plus largement aux variations de température, les chats disposent d’un pelage plus ou moins dense18. La Fédération féline française établit d’ailleurs sa classification19 des chats domestiques sur la fourrure (épaisseur puis couleur) et de manière secondaire sur la couleur des yeux. On distingue ainsi 1/ les chats à poil court, parmi lesquels ceux au pelage uni, tricolore ou marbré, les Européens (tigrés ou bleus), les Siamois (bruns ou bleus), les Abyssins et les chats de l’Île de Man (sans queue) ; et 2/ les chats à poil long, parmi lesquels ceux aux yeux orange, les Persans et les Birmans. À noter d’une part que le noir, le blanc et le fauve sont les teintes dominantes ; d’autre part que les chats ne présentent jamais de pelage tacheté, contrairement à d’autres espèces de félins. Le chat passe un temps certain à dormir et à s’entretenir : il « fait sa toilette » avec sa langue râpeuse et « fait ses griffes » en les affûtant sur des surfaces dures.

 c) Un comportement prévisible

  1. Sur le plan de l’éthologie, trois attitudes du chat sont aisément décelables. Le ronronnement est une manifestation de contentement ; le sifflement, associé aux oreilles couchées et à des mouvements de queue, manifeste l’agacement voire la colère ; quant au miaulement, il exprime une gamme d’émotions qui s’étend de la souffrance à une simple demande.

 d) Archives et anatomie du chat

  1. Les paragraphes qui précèdent synthétisent les constats des naturalistes au cours de leur observation du chat. Ces observations ont donné lieu à la production de documents : notes, dessins qui constituent, au sens strict, des archives20. Parmi les institutions publiques, on songe en premier lieu au Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN), à Paris, qui conserve des dessins et peintures21, des planches gravées22 parfois extraites de publications, et des photographies. Ces collections documentent le chat mais aussi, dans une moindre proportion, ses parasites, comme la puce23. Les archives départementales ne sont pas en reste. De tels fonds sont généralement conservés en série D (instruction publique, sciences et arts) pour l’Ancien Régime, en série T (enseignement, affaires culturelles, sports) pour la période 1800-1940, ou bien en série J (archives privées et documents entrés par voie extraordinaire) quelle que soit la période. À cet égard, les Archives de l'Hérault sont bien pourvues au sujet du chat24.

 e) Le chat, un félin archétypique

  1. En complément de ce qui a été écrit supra sur les termes et leur emploi, il est à noter que les mots « chats » et « félins » relèvent de la synecdoque : ils s’utilisent tant pour l’espèce que pour la famille à laquelle elle appartient au sein de l’ordre des mammifères carnivores25. Ainsi distingue-t-on, au sein de la famille des félins, les panthérinés ou « grands félins » et les félinés ou « petits félins ». Fait significatif, le terme « chat » joue un rôle de taxon générique et entre en composition pour désigner des espèces cousines26 : chat haret, chat sauvage27, chat-cervier, chat-pard28, chat-tigre, chat des sables, chat au pied noir. On pourrait rajouter, en français du Viêtnam, le chat doré, le chat marbré et le chat pêcheur, espèces de félins sauvages endémiques. Plus métropolitain et plus amusant est le cas du chat-fouine, ordinairement écrit « chat-fouin » (au masculin) voire « chafouin » en seul mot, qui a brièvement désigné le putois avant de qualifier injurieusement une personne fluette et sournoise29. Nous conclurons ce paragraphe avec le cas particulier d’un oiseau nocturne : le chat-huant. Son nom originel, « javan » (xie) puis « chahuan » (xiiies.), provient du gaulois « kawos », onomatopéique et à rapprocher de « chouette » et « choucas ». Au xive s., le mot est réinterprété en raison de la forme de la tête de cet oiseau et de son cri30, comme s’il s’agissait d’un « chat qui hue ».
  2. On aurait tort de cantonner ces considérations sémantiques à la seule sphère du vocabulaire, car derrière les mots se cachent des idées et, plus largement, un certain regard porté sur le vivant. Les naturalistes du siècle des Lumières, tel Buffon, ont été particulièrement actifs dans la classification des animaux. Le suédois Carl von Linné a proposé d’harmoniser les dénominations d’espèces en recourant à la nomenclature latine « binomiale », constituée du nom du genre suivi d’un terme « épais », mais pas nécessairement descriptif31. Ainsi Felis sylvestris et Felis catus appartiennent-ils au genre Felis et à la famille des Feli­dae comme Pathera tigris et Panthera leo(32). Les naturalistes contemporains, notamment tenants de la méthode phylogénétique, modifient les taxons au gré des évolutions de la connaissance33. Il est ainsi préconisé de classifier les espèces de manière systématique34, « par affiliation et non par ressemblance », de sorte que les mammifères carnivores « forment un groupe dont les formes et les couleurs varient beaucoup ». En somme, afin de distinguer l’espèce Felis catus parmi le groupe nombreux de ses cousins, on a accolé en nomenclature binomiale les deux termes qui l’ont désigné successivement en latin avant et après sa domestication à Rome35.
  3. Les archives témoignent, mais très marginalement, de cette dimension archétypique du chat. Un exemple très intéressant est fourni par un document conservé aux Archives départementales de l'Hérault, dont voici la description dans l’inventaire : « lettre adressée à l'intendant [du Languedoc] par Bourgeois, curé de Bouconville (Ardennes), prétendant avoir identifié la bête, grâce aux descriptions données, comme étant un chat-tigre, animal singulier [...] qu'on ne trouve autre part que dans Luncatan [Yucatan], presqu'île du Mexique, qui a été débarqué en France probablement par la Méditerranée, peut-être aussi par l'océan, et que l'on peut piéger avec un veau empoisonné (25 mars 1765) »36. Le chat-tigre correspond à l’oncille, espèce de félin effectivement endémique d’Amérique du Sud.

 II. Le chat aux côtés de l’homme : un indésirable désiré ?

  1. Marqués par cette ambivalence qui les caractérise37, les chats ont la particularité38 d’avoir existé et d’exister encore simultanément à l’état domestique et à l’état sauvage. Ces deux états seront présentés successivement, après quoi seront relevés quelques usages méconnus du chat par l’homme au cours de l’histoire.

A. Une longue domestication

  1. Des animaux sont dits domestiques39 s’ils ont subi de la part de l’homme des modifications et sélections40. On parle aussi d’animaux familiers, quand ils partagent leur zone de vie avec l’homme, voire d’animaux de compagnie, quand ils sont détenus par l’homme pour son agrément. Le processus de domestication41 du chat s’est étale sur le temps long, et s’inscrit depuis le xixe dans l’histoire des animaux de compagnie. Les archives offrent quelques jalons chronologiques de cette évolution, jusqu’à la lutte actuelle contre la maltraitance et l’abandon.

a) « L’invention du chat moderne »

  1. Ce paragraphe emprunte son intitulé et les grandes lignes de son contenu au récent article de Tomohiro Kabahira42. Les dernières découvertes archéologiques suggèrent que le chat pourrait avoir été introduit en Occident dès la Préhistoire, mais il n’y connut pas le statut privilégié que lui réservèrent les Égyptiens durant l’Antiquité. Il demeura longtemps cantonné, concurremment avec des genettes ou putois semi-apprivoisés, à une fonction utilitaire de chasseur de souris et autres animaux nuisibles43. Mais les Lumières, résolues à discréditer le Moyen Âge chrétien, ont exagéré une légende noire selon laquelle le chat était considéré alors comme une incarnation du Diable. Pourtant, des traces de pattes – et même d’urine ! – de chats dans des manuscrits du xve démontrent leur présence à cette époque dans les monastères44. D’autres sources confirment « que le chat fut un animal fami­lier déjà à l’époque médiévale, même s’il symbolisait les vices dans le bestiaire »45. Peintres et humanistes de la Renaissance lui conférèrent même – de manière exceptionnelle il est vrai – le rang de compagnon de l’homme. « Mais la conception ancienne persista. Ainsi dans l’iconogra­phie hollandaise du XVIIesiècle46, le chat symbolisa l’indiscipline, contrasté avec le chien, emblème, lui, de l’éducation »47. La situation demeura en demi-teinte au xviiie s. : Buffon fonda sa théorie de la domesticité sur la capacité affective des animaux, qu’il déniait aux chats, condamnés selon lui à rester d’éternels « demi-sauvages »48. Le xixe s. réfuta cette doctrine et bascula dans un éloge unanime du chat, certes mys­térieux et méfiant envers les inconnus, mais absolument capable d’aimer et donc digne d’être aimé49.

 b) Les animaux de compagnie et le tournant du xixe s.

  1. Aux xviie et xviiie, posséder des animaux domestiques est un privilège aristocratique : chiens, chats, agneaux, lièvres, hamsters, oiseaux divers et même singes, « considérés, surtout en ce qui concerne les espèces exotiques, comme des biens de luxe et servaient à souligner le prestige des propriétaires »50. L’industrialisation et l’urbanisation du xixes. virent chiens et chats investir progressivement les intérieurs bourgeois puis les ceux des classes moyennes citadines51. Alors que l’amitié de l’homme pour le chien s’inscrivait dans une longue tradition, « la grande nouveauté (…) fut [alors] la réhabilitation des chats »52. « Tel l’ange du foyer, il était identifié aux vertus de dignité et de bienséance et aux qualités féminines de grâce et de légèreté »53.
  2. Symboles de ce statut nouveau des animaux de compagnie comme des membres à part entière du foyer, des cimetières pour chiens et chats furent ouverts à New York, Londres puis Paris dans les décennies 1880 et 189054. Furent ensuite créées les pensions de vacances et, « dans l’entre-deux-guerres, la pet food entra dans les dépenses courantes des classes moyennes et supérieures en Europe et aux États-Unis »55. Dans le même temps, les progrès de la médecine vétérinaire ont permis d’identifier des pathologies et de développer de véritables protocoles chirurgicaux pour les animaux de compagnie, y compris les NAC56. Certains ont même pu bénéficier de dispositifs médicotechniques (ou « bioniques »57). En 2022, le nombre d’animaux de compagnie est estimé à plus d’un milliard dans le monde, ce qui représente 62 % des familles58. La médaille d’or (chiffres de 2018) revient aux chiens et celle d’argent aux chats, avec respectivement 470 et 373 millions de têtes. Mais dans certains pays comme la France ou les États-Unis, « les effectifs [du chat] dépassent ceux du chien »59. Les « amoureux des chats », jusque-là rares et isolés, ont progressivement constitué une nouvelle catégorie sociale désormais largement répandue60. Entre-temps, le rôle de chats de garde, à proximité de parchemins et papiers menacés par les rongeurs, a fait long feu. Au xixe, les Archives nationales britanniques furent créées après que des restes de rats et de chat ont été découverts en 1836 dans un coffre de documents61. Au siècle suivant, le Premier Ministre anglais institua la tradition de nommer un « Souricier en chef » pour son Cabinet du 10, Downing Street à Londres. En 2011, David Cameron marqua l’histoire en recrutant (puisqu’il a statut de fonctionnaire) un chat issu d’un refuge, appelé Larry62.

 c) Les archives du chat domestique

  1. Un phénomène si long et progressif ne pouvait passer inaperçu dans les archives. Plusieurs aspects sont ainsi documentés et fournissent une chronologie des tendances historiques. Parmi ces aspects : la détention de chats domestiques, la vie quotidienne à leurs côtés, les cas de vols voire de blessures mortelles infligées à des chats.
  2. Depuis quelques années63, obligation est faite à tous les nouveaux propriétaires de déclarer leur chien ou leur chat aux services du ministère de l’Agriculture. Ce dernier a souhaité déléguer la gestion du fichier ainsi constitué à la société « Identification des carnivores domestiques » (I-CAD64). La base de données des animaux et de leurs propriétaires entre pleinement dans le champ des archives publiques telles que définies par la loi65, néanmoins elle ne sera pas de sitôt accessible au public. Et comme cette obligation est récente, il n’existe pas de source historique antérieure qui documente l’acquisition, la cession, la perte ou la mort d’un chat. Le chercheur devra se contenter de mentions éparses, qui ne représentent très probablement qu’une infime partie de l’ensemble des cas. Il faut en effet que la détention de chat ait été portée à la connaissance de l’administration, en dehors de toute contrainte réglementaire, et donc le plus souvent en marge de procédures judiciaires. De tels documents sont normalement conservés aux archives départementales, en série B pour la période antérieure à 1790, en série L entre cette date et 1800, en série U entre 1800 et 1940 et enfin en série W après cette date. Nous nous bornerons à citer un seul exemple66, non pas qu’il soit emblématique ou représentatif, mais parce qu’il est hélas l’un des seuls que nous ayons pu identifier…
  3. Heureusement, et comme on pouvait l’espérer, la vie quotidienne au contact de chats est plus présente dans les archives. Elle l’est d’ailleurs essentiellement dans les collections iconographiques, ordinairement conservés aux archives départementales dans la série Fi qui leur est dédiée, voire dans la série J consacrée aux archives privées67. Certaines circonstances donnent une valeur accrue au témoignage, les périodes de guerre en font partie. On pense spontanément au rôle des chevaux, chiens et pigeons, efficaces auxiliaires et compagnons de l’armée68, mais quelques chats sont aussi attestés au plus près des tranchées69. Ils pouvaient tout à la fois repousser les rats qui ne manquaient pas de menacer les provisions des soldats, et prodiguer quelque affection, si précieuse sous la mitraille.

  4. La relation entre l’homme et le chat n’a cependant pas toujours été aussi bienveillante. Il s’agit clairement d’un biais archivistique70, mais les archives judiciaires rapportent plus volontiers des affaires dans lesquelles les chats concernés ont fait l’objet de vols, voire de mauvais traitements ayant entraîné la mort avec ou sans intention de la donner. La Bourgogne médiévale étant particulièrement bien couverte, il est possible de recenser plusieurs cas dans la série B (affaires judiciaires) des Archives départementales de la Côte-d’Or, tant pour les vols71 que pour les morts72. Le chercheur recensera ces affaires, mais il comparera surtout le montant des amendes avec celui des autres affaires jugées par les mêmes tribunaux, afin d’établir une « échelle de valeurs ». Ainsi, les vols de chat sont punis par une amende de même somme que pour avoir chassé le lièvre sans permission ou pour avoir jeté un verre de vin à la figure de quelqu’un ; mais c’est 200 fois moins que pour une tentative de viol. Quant aux coups mortels portés à des chats, c’est autant que pour avoir lavé (du linge ?) dans une fontaine malgré l’interdiction, deux fois plus que pour avoir mangé les poules d’un tiers ou quatre fois plus que pour avoir battu un chien. On peut donc en conclure que la vie du chat n’est pas foncièrement moins prisée que celle des autres animaux domestiques, dans ce Moyen Âge qu’on dit souvent si hostile aux petits félins.

 d) Quand le maître perd le droit de vie ou de mort

  1. Les évolutions juridiques et sociétales récentes sont encore plus favorables. Comme le rappelle Marie-Angèle Hermitte, « Le chat peut être un animal de compagnie objet de propriété de son humain »73, mais tout n’est pas permis pour autant. Ainsi plusieurs affaires récentes de maltraitances, abondamment relayées dans la presse, ont suscité condamnations en justice74 et réactions indignées. Les moyens de diffusion et de partage de l’information et des opinions aujourd’hui permettent la viralité de telles affaires dont s’emparent réseaux sociaux et associations de défense des animaux, conduisant parfois à la profération de menaces de mort envers les mis en cause75. Les pouvoirs publics se sont également engagés sur le sujet, comme en témoigne la loi du 30 novembre 202176 qui institue notamment un « certificat d’engagement et de connaissance » pour les acquéreurs d’un animal de compagnie ou d’un équidé.
  2. L’abandon d’animaux de compagnie est assimilé à une maltraitance, et passible à ce titre d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende, comme le rappelle sur son site le ministère de l’Agriculture77, qui a par ailleurs commandé une mission parlementaire à ce sujet78. À ces dispositions générales s’ajoute un dispositif propre aux chiens et aux chats. Outre l’obligation de déclaration de détention, le Ministère a institué en mai 2021 un Observatoire de la protection des carnivores domestiques79 afin de disposer de statistiques et de diagnostics plus précis pour guider sa politique en la matière.
  3. Concernant spécifiquement le chat, le Ministère concentre son action sur l’encouragement à la stérilisation, destinée à endiguer la prolifération de bêtes non désirées et vouées alors pour certaines à la mort ou à l’errance. Bien qu’elle ne soit pas obligatoire, elle est présentée comme un acte de protection80. Le Code rural enjoint d’ailleurs les maires à y recourir en alternative à la fourrière, ce qui permet de relâcher ensuite les bêtes non identifiées81. Ce dispositif « chats libres » est ordinairement mis en œuvre avec le concours local de vétérinaires et d’associations de protection animale. Les politiques publiques énumérées ci-dessus donnent lieu à la production de documents qui rejoindront, dans quelques années, les archives municipales, départementales ou nationales. Il n'en va pas de même des archives des clubs félins, structures privées dénuées de délégation de service public. Ces associations, institutionnalisées dans la seconde moitié du xixe, ont défini les canons de chaque race et emprunté la pratique des sociétés cynophiles d’organiser des concours de beauté pour juger les spécimens qui incarnent le mieux les standards fixés. Dans le même temps et pour répondre à ces exigences, « les éleveurs (…) ont incessam­ment créé de nouvelles races félines – de nos jours, l’International Cat Association en reconnaît plus de soixante-dix, alors que Buffon n’en connaissait que quatre »82.

 B. Une certaine persistance de l’état sauvage ?

  1. La domestication et même le raffinement dans la sélection des chats de race n’ont pas totalement effacé ni leur nature sauvage ni même la coexistence d’individus domestiques et d’individus sauvages. On désigne d’ailleurs spécifiquement sous le terme de « chats harets » des chats domestiques redevenus sauvages. Cet état de fait se manifeste principalement à travers deux phénomènes : la transmission de maladies (épizooties, zoonoses) et l’incidence sur la biodiversité.

a) Les maladies du chat (et de l’homme)

  1. Parmi les maladies auxquelles les chats sont sujets, le typhus est courant, dangereux, contagieux et précoce. Il se manifeste par de fortes fièvres, le poil collé, vomissements et coliques. Un vaccin préventif existe et, si cette précaution n’a pu être prise à temps ou s’est révélée inefficace, un traitement peut être administré. Tuberculose, maladies nerveuses et maladies de peau sont également fréquentes83. Par instinct, les chats savent bien souvent trouver les herbes purgatives qui soignent leurs leurs maux.
  2. Dans les siècles derniers, les périodes d’épidémies suscitèrent une méfiance accrue envers les animaux, suspects de contagion, et des massacres sont rapportés. Daniel Defoe rapporte dans son Journal de la peste que 40 000 chiens et 200 000 chats auraient été abattus ou empoisonnés, sur ordre des autorités municipales, pendant l’épidémie londonienne de 166584. Robert Darnton a quant à lui étudié Le Grand Massacre des chats (1984), perpétré au siècle suivant par des ouvriers parisiens et dont un manuscrit fait le récit85. Les biologistes incitent aujourd’hui à adopter une perspective plus nuancée : « très peu de zoonoses viennent des animaux de compagnie, car les humains ont co-évolué avec les chats et les chiens au cours des deux derniers siècles »86. Ainsi, « les zoonoses viennent plutôt des animaux domestiques et sauvages qui se sont éloignés des humains du fait de l’urbanisation, et qui reviennent dans l’espace public »87. Frédéric Keck va plus loin en voyant dans le discours sur les zoonoses une résurgence des « fantasmes de contagion » apparus autour de la pandémie de sida dans les années 1980, transférés désormais sur les animaux.

 b) Le chat, partie prenante et menace de la biodiversité

  1. Pour ce qui est de la biodiversité, le chat (en l’occurrence sauvage) incarne là encore une contradiction. D’une part, pour Marie-Angèle Hermitte, « La réapparition d’un chat sauvage, espèce à part entière autrefois réputée démoniaque, est considérée comme une victoire du droit de la biodiversité. Un chat errant n’est plus condamné à l’euthanasie, mais à la stérilisation ; relâché avec ses papiers, il devient un "chat libre" »88.
  2. D’autre part, un nombre croissant d’acteurs du monde animal soulignent les dégâts causés par les félins sur le vivant, et le risque de disparition qu’ils font peser sur la faune aviaire89. Ce dernier point ne manque d’interpeller, tant il rassemble en une même dénonciation des groupes d’opinion habituellement opposés : associations de défense des animaux90 et en particulier des oiseaux91, associations de chasseurs92, et finalement médias généralistes93. Les études menées sur l’extinction94 des espèces classent ainsi le chat sur la seconde95 marche du podium des coupables, avec une soixantaine d’espèces à son tableau de chasse, dont 2/3 d’oiseaux. Les félins se voient néanmoins reconnaître deux circonstances atténuantes : 1/ ils chassent non seulement pour se nourrir, mais aussi par instinct de prédateur, puisque leur anatomie est ainsi faite ( supra, I.B.b) ; 2/ l’augmentation du nombre de proies dues aux chats est mathématiquement liée à la hausse du nombre global de chats, conséquence de l’engouement de l’humain pour ces animaux domestiques. La stérilisation est une des mesures qui peut contribuer à endiguer le phénomène.
  3. Le chat n’est enfin pas le seul félin à chasser par nature, au point que certaines espèces développent des stratégies de prédation inattendues. On rapporte en Amérique du Sud le cas du chat-tigre – ou margay – qui imite le cri du jeune singe tamarin, de la famille des sagouins, pour attirer des individus adultes et les capturer d’un geste rapide96.

 C. « Dans le chat, tout est adéquat »

  1. La distinction, dans les sous-parties qui précèdent, entre le chat domestique et le chat sauvage, n’est pas valable dans tous les secteurs ni à toutes les périodes. Notamment, avant l’entrée du chat dans le club privilégié des animaux de compagnie au xixe, on faisait du chat – et les archives en portent témoignage – toutes sortes d’usages. Le célèbre adage « dans le cochon, tout est bon » pourrait ainsi être reformulé : « dans le chat, tout est adéquat ». Trois usages notamment retiennent notre attention : sa fonction thérapeutique, sa fourrure et… sa chair !

a) Un « médi-chat-ment »

  1. La présence d’animaux dans la pharmacopée est un phénomène ancien, qui persiste encore dans certaines régions du globe97, mais la participation du chat n’est pas de celles qui viennent spontanément à l’esprit. Pourtant, les Archives départementales de l’Hérault conservent un document passionnant sur les traitements administrés à une dame du Grand Siècle, à savoir : « pour y avoir appliqué deux pigeons sur le serveau ; pour y avoir appliqué deux poumons de mouton sur le serveau ; plus pour y avoir appliqué un gros chat sur le serveau ; plus pour luy avoir apliqué un amplastre de vésicatoires entre les deux épaules et pancé »98. On peut regretter de ne pas disposer de détails sur le mode d’application du gros chat sur le cerveau, mais la recherche consiste aussi à se satisfaire des sources telles quelles sont, et à accepter leurs lacunes et leurs silences.

 b) Dans la peau d’un chat

  1. Quittons les rives de la Méditerranée pour gagner la région limitrophe de la Bourgogne, de la Champagne et de l’Île-de-France. Elle se trouve aux confins des climats océanique et continental et les hivers peuvent y être froids et humides. Cela explique peut-être pourquoi, au xive, l’archevêque de Sens (auj. Yonne, ch.-l. arr.) a accepté de débourser 16 sous (environ 100 € de 2024) pour acheter plusieurs peaux de chat afin de se faire confectionner une couverture de lit99. La promotion du chat au rang d’animal familier et bien-aimé n’a pas mis fin à cet usage qu’on penserait d’un autre temps, aujourd’hui sur fond de trafic international100.

 c) Un chat dans la gorge…

  1. On dit de quelqu’un de malade qu’il ne se sent pas dans son assiette, voire qu’il a un chat dans la gorge. Ces deux expressions imagées ont pourtant connu des applications au sens propre, s’il faut en croire les sources du Moyen Âge et de l’Époque moderne. Les Archives départementales de la Savoie conservent ainsi un document qui relate une sombre affaire. Elle se déroule en 1778 dans le village de Trévignin, où un chat blanc a disparu depuis une semaine. Son propriétaire, Maurice Marin-Bertin, suspecte un voisin, François Marin-Grosjean, de l'avoir volé pour le manger, « car telle étoit sa coutume ». Les deux hommes se croisent, le propriétaire du chat traite le voleur présumé de « mangeur de chat blanc », après quoi l'accusé décharge un coup de fusil sur son accusateur, qui meurt le lendemain. Le meurtrier est condamné aux galères perpétuelles en première instance, peine commuée par arrêt du Sénat à 20 ans de galères101. Depuis quand l’accusation – donc peut-être le fait – de manger des chats a-t-elle eu cours en France ? Une indication, dans un document des Archives départementales de Côte-d'Or, peut être interprétée en ce sens au début du xiie On y apprend qu’un homme a été condamné à une amende de 2 francs pour avoir « vendu du chat »102 (1139). Mais que faut-il entendre par là ?
  2. Bien que des raisons morales et sanitaires rendent la consommation de viande de chat peu acceptable103 dans la société occidentale actuelle, elle est attestée en Asie104, en Afrique105, en Océanie et même en Europe106 ! En France et en Angleterre, le siège de Paris en 1870 et la Première Guerre mondiale ont donné lieu, on le sait, à la consommation d’animaux ordinairement exclus de l’alimentation humaine107. Pour lever les éventuelles réserves morales, on a parfois pu désigner la viande de chat sous l’euphémisme « lapin des toits ».

 III. Du chat réel au chat figuré, l’animal-totem et l’animal-muse

  1. Cette élégante périphrase met l’accent sur une dimension constituante du chat : sa capacité allégorique. Il est ainsi présent dans de nombreuses expressions courantes (en français mais également dans d’autres langues européennes ou extra-européennes), sous forme de symbole sur des objets courants ou dans la culture savante et populaire, c’est enfin une inépuisable source d’inspiration pour les artistes de tout poil.

A. Des mots pour le dire (bis)

  1. La richesse des vocables désignant Felis catus, la variété des connotations ainsi permises, et le nombre d’usages des félins, de la lutte contre les rats à l’échange de câlins, en passant par la fourniture occasionnelle de peaux voire de viande, expliquent la place importante que le chat occupe dans la langue courante, tant à travers des expressions imagées que pour nommer des objets.

a) Des expressions pour ne pas donner sa langue au chat

  1. Le célèbre linguiste Alain Rey constate que le chat « a inspiré de nombreuses locutions »108, mais il fait remarquer que ces expressions, en français, concernent surtout le chat mâle « alors que les mêmes, en italien, sont réparties entre le masculin et le féminin ». Il souligne également le fait que ces expressions placent le chat « parfois en opposition à chien, d'autre part avec ses proies, rat ou souris. » Ainsi peut-on d’abord dire « acheter / vendre chat en poche » (1610) ou « acheter un chat dans un sac », pour décrire une transaction faite sans avoir vu l’objet. Madame de Sévigné, illustre épistolière du Grand Siècle, semble être la première (1672) à avoir employé l’expression « mon Petit chat » comme surnom affectueux. Viennent ensuite « ne pas trouver un chat » (1778) puis « il n'y a pas un chat », qui signifie « ne trouver personne ». L’expression, attestée à la fin du xviiie, « jeter sa langue [à manger] aux chiens » a curieusement changé d’animal de référence pour devenir « donner » (1822) puis « jeter » (1832) « sa langue au chat ». De là, il n’y a qu’à contourner la glotte en direction de l’épiglotte pour « avoir un chat dans la gorge » (1835), métaphore que les linguistes n’expliquent pas. Vient enfin « écrire comme un chat » (1853), qui pourrait provenir du jeu paronymique sur griffe / greffe109.
  2. D’autres comparaisons sont relevées, bien que non datées : « Courir comme un chat maigre », c’est-à-dire très vite ; « passer comme un chat sur la braise », qui a le même sens et, au figuré, suppose de passer rapidement sur un fait douteux. « Faire une toilette de chat », c’est se laver de façon sommaire. Quant à « s'entendre / vivre comme chien et chat », c’est se quereller en permanence.
  3. D’autres expressions usuelles ne reposent pas sur la comparaison mais sur la métaphore110. Dans certaines, le chat incarne la sécurité, la prudence ou l’honnêteté : « à bon chat, bon rat », pour que toute défense soit à la mesure de l’attaque, sans quoi « quand le chat n'est pas là, les souris dansent » ; « chat échaudé craint l'eau froide », pour que toute expérience douloureuse serve de leçon ; « appeler un chat un chat » pour dire les choses telles qu’elles sont. Dans d’autres, plus nombreuses encore, le chat est signe de sournoiserie ou de culpabilité : « la nuit tous les chats sont gris », parce que l’obscurité efface les différences entre les personnes ; « n’éveillez pas le chat qui dort » en vous gardant de raviver une histoire ancienne qui pourrait vous nuire ; « avoir d’autres chats à fouetter » quand il y a des préoccupations plus importantes ; « c'est le chat [qui l'a fait] ! » lorsque quelqu’un refuse de reconnaître une culpabilité flagrante ; « jeter le chat aux jambes de quelqu’un » quand on lui rejette la responsabilité ; « tirer les marrons du jeu avec la patte du chat »111 quand on se sert d’un intermédiaire pour qu'il effectue des tâches que l'on craint de faire soi-même ; « emporter le chat », quand on quitte un lieu sans dire au revoir.
  4. Parmi les caractéristiques du chat appliqué à l’homme, on trouve l’agilité, la frilosité, la lascivité, l’aptitude à bondir ou sauter, à avancer à pas de chat, le fait d’avoir des yeux ou un sommeil de chat112. Quant aux femmes, elles peuvent se voir appliquer de la chatte les attributs suivants : un petit nez, un regard, une langueur, une pudeur, une volupté, une âme, des grâces ou des mines de chatte113. Le mot peut par glissement être utilisé avec une valeur adjectivale, à propos d'une personne ou de son attitude, pour qualifier des manières douces et insinuantes ; on rencontre parfois en ce sens les adjectifs « chatesque » voire « chatique ». Le félin peut avoir une dimension plus ludique dans « jouer au chat et à la souris », « jouer au chat et au rat », ou encore « jouer à chat / chat perché ».
  5. Outre la littérature, les archives, en tant que ressources textuelles datées, permettent d’attester l’usage d’expressions usuelles à telle ou telle époque. Cela peut concerner particulièrement les archives militaires114 et, dans une bien plus grande proportion, les archives judiciaires du Moyen Âge et d’Ancien Régime, conservées dans la série B des archives départementales115.
  6. Un dernier registre mérite tout particulièrement l’attention des chercheurs : celui des insultes. Ce phénomène a été étudié par Elsa Dorlin, qui note que : « Jusque dans la période contemporaine, l’insulte ou le mépris sexiste conti­nuent de puiser dans un bestiaire qui se veut offensant (…) : vache, poule, truie, chouette, biche, chatte, chienne, dinde, cougar, bique, moule, vipère, étoile de mer, guenon, gazelle, pie, perroquet, corbeau, crevette, mante religieuse, hippopotame, pou, tique, … »116. Le chat n’a pas échappé à ce phénomène117. Les Archives départementales de Côte-d’Or conservent, dans leurs fonds judiciaires du Moyen Âge et de l’Époque moderne118 (en série B, donc), une belle collection d’une quinzaine d’affaires conclues par des amendes infligées à des individus qui avaient traité des tiers de « chat » avec une évidente volonté injurieuse. La première occurrence remonte (au moins) à 1356119 ; suivent treize mentions au xve puis trois autres120 au cours du premier tiers du xvies. Ce terme est systématiquement utilisé comme synonyme de « menteur » et « voleur », et le plus souvent complété par des adjectifs ou d’autres qualificatifs visant à préciser ou amplifier l’insulte, parmi lesquels ce petit florilège : « Tu as menti comme un très chat » (1409), « Chat, traître, laron, fil d'una orda, vil putain, messelle, larranesse » (1417), « Voy celuy mesel, ordre vy puta, bastart Revoye, cucut olier, chat larron, puta chuta » (1434). Il peut aussi être étoffé de quelques menaces bien senties : « Herlo je te farey fuir for du pays comme chat et lare » (1427), « Je t'en donneray bien des autres [coups], va, chat larron que tu es » (1510). Un document héraultais, bien plus tardif, offre une variante « élégante » de ce injure, assortie de coups121. Il est possible, comme nous l’avons fait pour les maltraitances infligées aux chats (cf. supra, II.A.c), de mesurer les peines encourues par celui qui a traité des tiers de « chat », et comparer ses peines aux standards de l’époque. L’amende est aussi élevée que pour avoir menacé quelqu’un de l'étrangler ; elle est légèrement supérieure (4/3) à celle exigée d’un homme qui avait tué une poule et d’un autre dont le chien avait mordu un porc ; elle est enfin trois fois moindre que l’amende infligée à un homme qui avait lacéré un procès-verbal que son adversaire en justice s’apprêtait à remettre à un clerc du tribunal.
  7. En complément de la dimension injurieuse du mot « chat », on pourra citer le terme anglais « catcall»122, utilisé comme substantif singulier ou pluriel pour désigner 1/ un cri ou une huée signifiant le désaccord, dans une foule ou à l’occasion d’un événement sportif, ou bien 2/ une apostrophe ou un commentaire suggestif adressé à un tiers en public, constituant généralement une remarque sexiste ; on le trouve aussi sous forme verbale (« to catcall [somebody] »).

 b) Du sens imagé au nom d’objets et outils

  1. Les remarques concluant le paragraphe précédent donnent l’occasion d’évoquer un autre sens imagé du terme « chat », prenant cette fois une dimension concrète : le sens argotique désignant le sexe de la femme123, d’abord au masculin (« chat », xviiie) et remplacé plus tard par le féminin « chatte » avec son redoublement « chagatte » (vers 1950). Les linguistes y voient à la fois « une rencontre homonymique avec chas "trou, fente", mais aussi (…) la comparaison des poils pubiens avec le pelage d'un animal (Cf. beaver en anglais) »124. Dans le même esprit égrillard, une « chatterie » désigne une « caresse », « souvent avec des connotations sexuelles »125.
  2. D’autres mots, noms d’objets126, sont composés sur la base du mot « chat ». Il s’agit d’emplois techniques qui s’expliquent par analogie avec l'aspect physique du chat127 : le chat marin (espèce de phoque) et le poisson-chat (poisson) en référence aux moustaches ; le petit biscuit sec appelé « langue de chat » ; le « pied-de-chat », plante à l'aspect blanc duveteux ; la « queue de chat », un petit nuage blanc allongé. L’œil-de-chat est un cas intéressant : cette variété de pierres précieuses présente des reflets chatoyants, occasion de rappeler que cet adjectif, comme le verbe chatoyer et le substantif chatoiement sont utilisés depuis le milieu du xviiie pour désigner des reflets changeants selon la lumière, en référence aux reflets de l'œil du chat dans l'obscurité. Les griffes, comme on pouvait s’y attendre, sont la partie de l’anatomie du félin qui a inspiré le plus de dénominations d’objets, au point qu’on désigne simplement sous le vocable « chat » 1/ l’instrument à l'extrémité griffue utilisé en artillerie pour sonder l’intérieur du fut d'un canon ; 2/ le grappin utilisé en marine pour remonter des filets ou draguer des cordages. Les archives portent de rares attestations d’emploi des deux derniers termes : la pierre précieuse128 et l’outil muni de griffes129.

 B. Un félin archétypique (bis)

  1. La présence du chat parmi les hommes, au quotidien, est assurée au sens propre par l’animal lui-même, au sens figuré par les expressions qui se réfèrent à lui et les objets nommés d’après lui. Rien n’est alors plus normal que de le voir apparaître sous une forme imagée – et les archives en témoignent – sur d’autres objets quotidiens qui n’ont plus de lien direct avec l’animal ni avec sa morphologie. Ainsi des chats ont-ils pu orner des sceaux130, des pièces de monnaie131, des lettrines132 et marques d’orfèvres133. Plus récemment, les félins ont été promus au rang de sujets théoriques à l’appui de raisonnements scientifiques et philosophiques.

a) Un « cobaye » en physique quantique

  1. On dénomme ainsi sous le nom de « chat de Schrödinger » une conjecture imaginée par Erwin Schrödinger (1935) et qui repose sur un protocole expérimental consistant à placer un chat dans un environnement clos et aveugle – une boîte par exemple – dans lequel il est exposé à un danger mortel (poison ou influx électrique) qui peut lui être administré ou non. Les physiciens en concluent qu’il est impossible, à moins d’ouvrir la boîte, de savoir si le chat est mort ou vivant ; d’où l’on peut déduire qu’il est à la fois mort et vivant. Cette démonstration prend la métaphore d’un protocole expérimental « à taille humaine » mais elle s’applique en réalité à l’infiniment petit, pour explorer les limites de la pensée des scientifiques de l’école de Copenhague en matière de physique quantique ; étant entendu que l’expérience est purement spéculative : elle vise à nourrir la réflexion sans qu’il ne soit envisagé de la mettre en œuvre concrètement.
  2. Selon Étienne Klein134, le choix du chat comme « cobaye » s’explique de diverses manières : il pourrait faire suite à un échange de Schrödinger avec Einstein et/ou faire allusion au caractère parfois imprévisible du chat ou bien au mythe selon lequel le chat disposerait de 7 voire 9 vies, croyance liée à la réincarnation dans différentes religions du monde. La physique, en tant que science de la matière et de la nature, est pour ainsi dire une cousine de la philosophie ; il y a donc de la physique à la philosophie un pas que le chat saute allègrement.

 b) Un parangon en philosophie

  1. Dans sa célèbre pièce Rhinocéros, Eugène Ionesco utilise, comme Schrödinger, un chat-parangon pour tourner en ridicule les sophismes et autres paralogismes, figures rhétoriques fallacieuses. Il place ainsi, dans la bouche d’un personnage appelé « le Logicien » , le faux syllogisme suivant : « Tous les chats sont mortels, [or] Socrate est mortel, donc Socrate est un chat. » Comble de stupidité, le vieux Monsieur auquel s’adresse le Logicien ne s’offusque pas de ce raccourci abusif et acquiesce : « C’est vrai, j’ai un chat qui s’appelle Socrate. »
  2. Tout aussi surréaliste est le chat du Cheshire, le fameux félin tigré né sous la plus de Lewis Carroll dans le roman Alice au pays des merveilles(1865). Il s’illustre à la fois par son grand sourire un peu dément, et par la rhétorique fantaisiste dont il use dans les conversations philosophiques, et qui trouble Alice. Une lecture moins terre-à-terre de cette œuvre conteste la folie de ce personnage : n’est-il pas au contraire l'un des rares esprits rationnels135 – quoique désabusé – du roman ? Ce caractère ambivalent, si seyant à un chat, lui a valu de devenir un personnage important de la culture populaire.

 c) Un mème de la culture pop

  1. En effet, le chat du Cheshire a inspiré des livres, des films, des jeux vidéo et même des paroles et titres de chansons. Preuve que la culture populaire, si elle ne manifeste évidemment pas le même désir d’abstraction que la culture savante, partage néanmoins un même goût pour le chat archétypique, qui prend souvent, mais pas toujours, la forme d’un chat humanisé ou d’un humain empruntant des caractéristiques habituellement propres au chat. Sans prétendre dresser ici une liste exhaustive, prétention aussi vaine qu’irréaliste, en voici quelques exemples représentatifs.
  2. On pensera par exemple à la Mère Michel, dont la comptine bien connue signale qu’elle a perdu son chat et crie par la fenêtre à qui le lui rendra. Finalement, le père Lustucru la rassure : son chat n’est pas perdu et, contre récompense, lui sera même restitué. La transaction n’aboutit pas et le pauvre félin est vendu136. Toujours à destination des enfants, Tom and Jerry (Tom et Jerry), série d’animation (6 à 10 minutes par épisode) initiée par William Hanna et Joseph Barbera en 1940 et qui s’est maintenue et renouvelée avec une incroyable longévité jusqu’au début des années 2020, avec quelques déclinaisons en longs métrages et jeux vidéo. La série Tweety & Sylvester (Titi et Grosminet), créée par Friz Feleng en 1942, a compté 46 épisodes de 7 minutes jusqu’à son interruption en 1964, elle aussi poursuivie par des longs-métrages. L’une et l’autre reposent sur le jeu du chat et de la souris – celle-ci prenant la forme d’un canari dans la seconde – où l’adresse et la malice inventive du chat sont systématiquement tenues en échec. La série Herman and Katnip, par Seymour Keitel, est contemporaine des précédentes (1944-1959) mais n’a pas connu de déclinaisons en format long. Enfin, une version parodique de ces séries est insérée dans certains épisodes des Simpson, de Matt Groening (depuis 1990) sous le titre The Itchy and Scratchy Show. Les chamailleries dont sont victimes Tom, Grosminet ou Katnip prennent contre Scratchy des tournures souvent mortelles, qui semblent ne pas choquer les enfants Bart et Lisa Simpson, hilares devant cette cruauté animale banalisée.
  3. Dans un esprit moins burlesque, The Aristocats (Les Aristochats), long-métrage d'animation des studios Disney (1970),tiré d’une histoire de Tom McGowan et Tom Rowe. Paris, 1910, l’ancienne cantatrice Adélaïde Bonnefamille a choisi pour héritiers la chatte Duchesse et ses trois chatons Marie, Toulouse et Berlioz. Le majordome Edgar ne l’entend pas de cette oreille et s’efforce de se débarrasser des encombrants félins, mais O’Maley, un chat de gouttière courageux, contrariera son plan machiavélique.
  4. À destination des adolescents, citons le manga Kyattsu Ai, ou Cat's Eye en français. Œuvre de Tsukasa Hojo, il comprend dix-huit volumes (1981-1985). La nuit venue, trois sœurs troquent leur tablier de propriétaires d’un café pour enfiler leur combinaison moulante de voleuses. Loin d’être de vulgaires braqueuses, elles volent uniquement des pièces ayant appartenu à leur père, mystérieusement disparu, dans l’espoir que sa collection reconstituée leur permette de le retrouver. Comble d’élégance (et de provocation), elles préviennent de leur projet en envoyant une carte signée « Cat's Eye », portant le lieu, la date et l’heure du vol prévu. Ces indications lancent à leurs trousses un inspecteur qui n’est autre que le fiancé de la benjamine, ignorant la double vie de cette dernière. Une série télévisée d'animation japonaise,en 73 épisodes de 24 minutes, en a été tirée (1983-1985). À la même époque est diffusée une autre série télé d’animation, franco-américaine : Les Entrechats (Heathcliff & the Catillac Cats, 1984-1987). Chacun des 86 épisodes de 22 minutes comprend deux parties indépendantes : la première raconte les aventures de l’élégant « Isidore le citadin », tandis que dans la seconde le chat de gouttière « Rif-Raf fait le roi malin », selon les paroles du générique ; les deux héros ne se rencontrent jamais.
  5. Dans un registre plus effrayant, le célèbre auteur de romans d’épouvante Stephen King a publié en 1977 la nouvelle « The Cat from Hell» (« Un chat d’enfer »). Un richissime septuagénaire a bâti sa fortune sur la production d’un médicament dont la phase de tests a coûté la vie à plusieurs milliers de chats. Par la suite, un mystérieux félin est arrivé chez lui et a causé la mort de tous ses proches. Le magnat pharmaceutique engage donc un tueur à gages pour se débarrasser de l’animal. L’issue de l’affaire ne sera pas celle escomptée… En 1985, plusieurs nouvelles du même auteur sont adaptées sous forme d’un long-métrage : Cat's Eye. Le fil rouge du film est un chat tigré doté du don de clairvoyance.
  6. Par chance, tous les chats ne sont pas si angoissants que ceux de Stephen King. Certains, de chair et d’os, sont même choisis comme gri-gris137 tel Dewey, mascotte de la bibliothèque municipale d’Iowa, passé à la postérité depuis qu’une bibliothécaire lui a consacré une biographie138. Bob, un chat de gouttière londonien, est devenu un héros de livres et même de films139. Les réseaux sociaux ont amplifié cette mode du chat-totem, à travers la pratique des « trends» (tendances) et des « mèmes » : des images et/ou textes courts basés sur des références culturelles populaires et souvent caricaturales, tantôt humoristiques et tantôt tendres. Les chats y occupent une grande place, au point qu’une catégorie entière leur est dédiée : les « lolcats » ou « cat mèmes », qui soulignent soit le côté affectueux / paresseux / maladroit / indécis des félins, soit au contraire leur caractère sournois / possessif / prompt à pousser du haut des meubles les objets courants de leurs maîtres (tasses, etc.).

 C. Le chat dans les arts

  1. Bien avant de devenir des stars de la pop culture, les chats ont su gagner le cœur des artistes, dont la sensibilité s’accordait peut-être plus naturellement avec le tempérament ambivalent, tantôt câlin et tantôt indépendant, de ces animaux de compagnie auxquels ils reconnaissaient une vraie capacité affective140. Giulia Guazzaloca replace ce phénomène dans le contexte d’adoption massive d’animaux de compagnie au xixe, dont le choix « reflétait l’image et l’iden­tité sociale »141 des classes moyennes. Elle met ainsi en regard d’une part la célébration des chiens de race par les poètes, romanciers, sculpteurs et peintres, comme « un indice de respectabilité et de bonne éducation. Les bâtards eux, tout comme les chats de gouttière, étaient magnifiés par les artistes bohémiens et représentaient une vie libre et non conventionnelle ».
  2. Tomohiro Kabahira acquiesce : « Ainsi, à l’époque contemporaine, les écrivains revendiquèrent le chat pour en faire une sorte d’animal totem du champ culturel. » Il voit apparaître, au siècle suivant, une distinction sociale entre propriétaires de chats et de chiens dans les « années 1980 : si les deux animaux existaient ensemble dans les foyers sans diplôme universi­taire, le chien était prisé par les entrepreneurs et les militaires, alors que le chat jouissait du suffrage des enseignants, des fonctionnaires civils, des écrivains et des artistes »142.
  3. Sans prétendre à un recensement exhaustif des occurrences du chat dans l’art, et en complément de ce qui a été écrit supra sur le félin dans la philosophie et la culture populaire, des exemples se trouvent, archives à l’appui, dans la poésie licencieuse143, dans la peinture144, la gravure145 et les créations audio-visuelles146. Dans bien des cas, le choix du chat repose sur des caractéristiques ambivalentes de nonchalance ou d’agilité déjà relevées par ailleurs. Tel est le cas du thème orchestral The Waltzing Cat (La valse du chat) de Leroy Anderson (1950). Cette pièce s’ouvre sur un motif de valse indolent mais sautillant, dans lequel le glissement des instruments à corde suggère un miaulement. La partie centrale évoque le ton espiègle d’une musique de dessin animé, comme un jeu du chat et de la souris. Le motif principal revient dans une nonchalance pleine de vitalité et de nouveaux miaulements concluent la pièce, qui n’est pas sans rappeler les œuvres de Johann Strauss Jr.

 IV. En guise de conclusion : les biais de la recherche

  1. Au terme de ce long parcours qui nous a conduit I. à interroger la classification du chat dans le vocabulaire et la taxonomie, II. à mesurer la place du chat dans l’environnement humain et III. à recenser les rôles symboliques du chat, le chercheur et l’archiviste auront pu relever dans l’accès aux sources plusieurs obstacles qui induisent des biais. Ces obstacles sont de deux natures contradictoires : d’une part la difficulté à identifier tous les résultats pertinents et d’autre part le « bruit » généré par des résultats non pertinents et qui brouillent la recherche.

A. Granularité, visibilité et surreprésentation

  1. Les archives, nous l’avons déjà rappelé147, sont produites dans l’exercice d’une activité. Elles sont donc accessibles aux chercheurs, mais cela représente un usage secondaire, postérieur à l’usage originel, administratif et/ou juridique. Compenser l’écart qui peut exister entre ces deux types d’usagers relève de l’activité de l’archiviste, qui classe de décrit les documents pour en faciliter l’accès. Le contexte de production des documents est une donnée majeure que l’archiviste doit restituer, il décrit donc les éléments du général (fonds, série) au particulier (dossier, fichier). L’instrument de recherche ainsi constitué prend la forme d’une arborescence dans laquelle l’archiviste s’est efforcé de ne pas répéter à un échelon inférieur une information déjà indiquée à un échelon supérieur, et qui vaut pour l’ensemble de cette branche de l’arborescence. Traditionnellement, le chercheur procède de la même manière, en consultant les instruments de recherche depuis les niveaux hauts vers les niveaux bas, pour affiner sa recherche en cercles concentriques qui le mènent progressivement vers les documents les plus proches de son sujet d’étude.
  2. Cependant l’informatique a constitué une révolution dans la création, la gestion et l’exploitation de l’information, de sorte que la recherche dominante est aujourd’hui celle des barres de recherche et autres moteurs de recherche : on part de l’information-cible et, éventuellement, si le temps le permet, on l’élargit ensuite aux sujets connexes. Les archivistes, en professionnels de l’information, se sont adaptés à ce renversement de paradigme : ils ont massivement rétroconverti leurs instruments de recherche pour rendre tous les niveaux « interrogeables ». Cette opération comporte bien des avantages, mais aussi un inconvénient, celui de permettre un accès direct aux niveaux bas sans l’accès préalable aux informations portées par les niveaux hauts et qui s’appliquent à toute la branche. Il peut s’ensuivre un manque de contexte qui ne permet pas, pour en revenir au sujet qui nous occupe, d’identifier facilement si le « chat » cité est un animal ou autre chose148.
  3. Autre élément qui peut avoir des incidences sur la recherche, le niveau de finesse – disons la granularité – choisie par l’archiviste dans sa description. Ce choix repose essentiellement sur le ratio entre temps à investir et valeur ajoutée. Il peut donc varier, sur un même type de dossiers, en fonction de critères objectifs. Il s’ensuit une hétérogénéité du seuil de visibilité entre données équivalentes, sans que le chercheur n’en ait forcément conscience, ce qui est source de biais. Par exemple, les séries B des archives départementales, consacrées aux institutions judiciaires du Moyen Âge et d’Ancien Régime, ont souvent été classées au xixe, quand le temps disponible pour la description ne manquait pas. Les inventaires sont donc souvent des successions de notices pièce à pièce détaillées. Des dossiers équivalents, pour des juridictions contemporaines (série W), seront classés par date, parfois avec une indexation des parties, sans précision supplémentaire sous peine de passer un temps dont l’archiviste ne dispose plus. En résulte une inégalité de visibilité et, par conséquent, une surreprésentation des série B dans les listes de résultats149, sans que cela n’induise nécessairement une pertinence plus grande des dossiers indexés au regard du sujet de la recherche. Parallèlement, l’absence de description ou d’indexation fine pour d’autres types de procédures ou d’autres supports comme les images entraîne de fait une sous-représentation. Le chercheur ne doit pas méconnaître les biais qui sont à l’œuvre dans ses outils d’accès à l’information, sans quoi il les reprend inconsciemment à son compte dans son travail. Enfin, l’absence de transcription en plein-texte pour les documents rend quasiment impossible un relevé des expressions populaires dans les documents. Cela ne signifie évidemment pas qu’elles n’existent pas, mais qu’il faut procéder autrement pour les trouver, en l’occurrence en dépouillant les documents originaux.
  4. Jusqu’à 2017, un autre obstacle se dressait devant le chercheur : la libre administration des services d’archives, notamment territoriaux. Les normes étaient les mêmes, mais leur application n’excluait pas des usages locaux, et surtout les instruments de recherche étaient diffusés sur des sites internet propres à chaque collectivité. Une recherche généraliste imposait donc une centaine de recherches départementales distinctes. Depuis 2017, le portail FranceArchives150 du Service interministériel des Archives de France résout une partie du problème en fédérant tous les instruments de recherche des collectivités partenaires, c’est-à-dire plusieurs centaines (au 15 avril 2024).

 B. Bruit, parasites, homonymie

  1. Cette agrégation en un lieu unique de ressources dispersées ne peut que satisfaire le chercheur dont elle facilite le travail. Néanmoins, cette agrégation amplifie les écarts de granularité déjà mentionnés, et génère du bruit. Ce dernier peut être réduit par le recours à des facettes (par date du document, par lieu de conservation, par identité du service producteur). Mais les facettes ne permettent pas de distinguer les homonymes. Dans le cas du chat, l’onomastique ajoute sa part de confusion. Toponymie et anthroponymie prouvent l’importance du félin au quotidien, à travers des patronymes « Chat/Lechat »151 ou des noms de lieux-dits « Pont-au-Chat/chêne au Chat ».
  2. Le chercheur ne se départira pas de sa prudence usuelle : en Bourgogne et en Champagne, le toponyme « Chat » est une déformation de « Chas », du latin casa (maison). Par ailleurs, la présence massive de dossiers de personnel dans les documents référencés génère une surreprésentation dans les résultats. Et bien souvent, ces dossiers ne sont pas indexés au nom de personne mais aux premières lettres du premier et du dernier nom portés sur les dossiers contenus dans la boîte d’archives correspondante152. Il s’agit là encore d’un bruit qui peut induire des biais.
  3. Là encore, les solutions existent, encore faut-il prendre le temps de les mettre en œuvre. La désambiguïsation, et notamment la caractérisation des termes selon un thésaurus de notices d’autorité, consiste à démêler pour les homonymes celui auquel se rattache chacune des occurrences. Dans la mesure où le portail FranceArchives rassemble plus de 24 millions d’unités d’archives153, ce travail ne sera pas fait du jour au lendemain. Il repose également, en amont, sur de nouvelles pratiques d’indexation dans les services d’archives. Par chance, ce travail est utile mais non indispensable aux recherches sur le droit des animaux et des chats en particulier. Si le chercheur est aussi bon chasseur que le félin, il saura se glisser avec agilité dans les rayonnages des archives et remplir sa gibecière même dans les zones d’ombre des instruments de recherche.

 

Mots-clés : chat, félin, archives, sources, recherches, ambivalence

 

  • 1 Nous les citons ici de manière laconique ; elles seront développées et explicitées par la suite.
  • 2 Éric Baratay, Cultures félines (xviiie-xxie siècle). Les chats créent leur histoire, Paris, Seuil, 2021, coll. « L’univers historique », 336 p.
  • 3 D’après Code du patrimoine, art. L. 211-1. – Pour une analyse plus détaillée, voir Egle Barone Visigalli et Cyril Daydé, « Archives des animaux », Pierre Serna, Véronique Le Ru, Malik Mellah et Benedetta Piazzesi (dir.), Dictionnaire historique et critique des animaux, Seyssel, Champ Vallon, 2024, p. 89-90.
  • 4 Les éléments suivants sont issus d’Alfred Ernout et Antoine Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine. Histoire des mots, Paris, Klincksieck, 1932 (rééd. 2001), p. 106 ; ils sont repris notamment par Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française. L'édition ultime, Paris, Le Robert, 2022, vol. I, p. 486.
  • 5 Nous reviendrons sur ce phénomène, qui s’est reproduit ensuite dans la langue française.
  • 6 Ernout et Meillet, op. cit., p. 223-224.
  • 7 Ernout et Meillet, op. cit., p. 106.
  • 8 La Grande Encyclopédie Larousse, Paris, Larousse, 1975, t. 5, p. 2657.
  • 9 Jacqueline Picoche, Dictionnaire d’étymologie du français. L’arbre généalogique des mots, Paris, Le Robert, coll. « Les usuels », 2020, p. 372. Alain Rey, op. cit., vol. 2, p. 1569, donne une chronologie différente mais partage l’essentiel de l’évolution.
  • 10 Alain Rey, loc. cit.
  • 11 Ibid., vol. 2, p. 1516.
  • 12 Ce terme entre en composition dans le nom du personnage de chat blanc imaginé par la Comtesse de Ségur, que l’on trouve à la fois dans un conte éponyme : « Histoire de Blondine, de Bonne-Biche et de Beau-Minon », Nouveaux Contes de fées (1856) et dans Les malheurs de Sophie (1858).
  • 13 Ces deux valeurs contradictoires seront analysées en détail dans la troisième partie de l’article.
  • 14 Alain Rey, op. cit., vol. 2, p. 1159.
  • 15 Jules Gilliéron et Edmond Edmont, Atlas linguistique de la France, Paris, Champion, 9 vol., 1902-1910, carte n° 250 [http://lig-tdcge.imag.fr/steamer/eclats/cartesALF/TIFF/CarteALF0250.tif].
  • 16 La Grande Encyclopédie Larousse, loc. cit.
  • 17 Serge Rosolen, « Vision(s) animale(s) », Dictionnaire historique et critique des animaux, op. cit., p. 559.
  • 18 Notons la particularité des chats nus, dont il existe une petite dizaine de races, et qui sont de fait des animaux de compagnie, moins armés pour la chasse et la vie à l’extérieur.
  • 19 La Grande Encyclopédie Larousse, p. 2257-2258.
  • 20 Cf. supra, note 3.
  • 21 MNHN, Mammifères, portefeuille 71, fol. 69 : Felis / Chat, aquarelle anonyme sur vélin, 460 × 330 mm (s. d.).
  • 22 MNHN, Est Zo Mam 52 (5) : Estampes de mammifères de la collection de planches séparées de la Bibliothèque centrale du Muséum > Miscellaneous > Planches diverses de félidés > 1. Chat des Chartreux et 2. Chat angora, gravure anonyme sur bois, 135 × 80 mm, issue d’une édition des Œuvres complètes de Buffon (xixe s.).
  • 23 MNHN, PHO 3 (3) : Auguste Bertsch, Album photomicrographique, 5 et 6, « Puce de chat », tirage sur papier salé, contrecollé sur carton (v. 1853-1860).
  • 24 Arch. dép. Hérault, Société royale des sciences de Montpellier, D 166 : Mémoires, notes et rapports > Description anatomique d'un chat monstrueux, envoïée à la Société royale par M. Poullin, correspondant, au mois de juin 1742 (fol. 62-63) ; D 194 : Publications de la Société > Observations sur les rapports et les différences du tigre avec le chat, par M. Lamorier, p. 201 à 206, avec une planche gravée signée « Jeanjean fecit » (1738).
  • 25 Alain Rey, op. cit., vol. I, p. 486-488 ; Trésor de la langue française (ci-après TLF), Paris, CNRS/Gallimard, 1977, vol. 5, p. 594.
  • 26 Ibid.
  • 27 Ce terme en apparence générique désigne également au Québec le raton-laveur
  • 28 Ce doublet étymologique de « guépard », à rapprocher de l’italien gattopardo, est aussi un ancien nom du serval.
  • 29 Alain Rey, op. cit., vol. 2, p. 1044. À noter que le terme « fouine », au sens figuré, conserve la même connotation.
  • 30 Ibid., vol. 1, p. 487.
  • 31 Emilio Padoa Schioppa, Dictionnaire historique et critique des animaux, op. cit., « Dénombrement des animaux », p. 221-222.
  • 32=Ibid.
  • 33 Véronique Le Ru, « Notion d’espèce », p. 392. On y lit en guise d’illustration : « Ainsi le taxon pachydermes (qui regroupait éléphants, rhinocéros et hippopotames) n’est plus utilisé aujourd’hui car ces trois espèces n’ont pas d’ancêtre commun récent. »
  • 34 Ibid.
  • 35 Cf. supra, notes 4 et 7.
  • 36 Arch. dép. Hérault, C 44 (vues n° 526-528) : Intendance de Languedoc > Eaux et forêts, louveterie > Traque de la bête du Gévaudan : lettre lettre adressée à l'intendant (25 mars 1765) [en ligne : https://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vtae4d7c596d1d6505e/daogrp/0/526].
  • 37 Cf. supra, Introduction.
  • 38 Sur cette distinction : « Animal domestique, sauvage, apprivoisé, de compagnie : quelles différences ? », Service-Public.fr, mis en ligne le 22 décembre 2023 [https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F34904].
  • 39 Arrêté du 11 août 2006 fixant la liste des espèces, races ou variétés d'animaux domestiques, annexe [https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000789087].
  • 40 Emmanuel Desveaux, « Sélection », Dictionnaire historique et critique des animaux, op. cit., p. 511.
  • 41 Voir le numéro dédié de la Revue semestrielle de droit animalier (ci-après RSDA), Montpellier : Université de Montpellier/Institut de droit européen des droits de l’Homme, « La domestication », 1/2020 [en ligne : https://www.revue-rsda.fr/revue-rsda/6749-revue-rsda-1-2020].
  • 42 Tomohiro Kabahira, « Chat. L’invention du chat moderne », Dictionnaire historique et critique des animaux, op. cit., p. 160.
  • 43 Alain Rey, op. cit., vol. 1, p. 486, rapporte que le terme « chatière », désignant la petite ouverture au bas d'une porte pour laisser passer les chats est attestée au moins dès le xiiie s.
  • 44 Nicolas Gary, « Urine de chat et manuscrits médiévaux : la malédiction du scribe », ActuaLitté, 18 janvier 2014 [https://actualitte.com/article/51733/insolite/urine-de-chat-et-manuscrits-medievaux-la-malediction-du-scribe]. Estela Bonnaffoux, « Chats alors au Moyen Âge », Actuel Moyen Âge, 8 août 2019 [https://actuelmoyenage.wordpress.com/2019/08/08/chats-alors-au-moyen-age/].
  • 45 Tomohiro Kabahira, art. cit., p. 161.
  • 46 À la même époque, les compagnies maritimes généralisaient la présence de félins à bord pour traquer le moindre rat susceptible de ravager les provisions nécessaires à la traversée.
  • 47 Tomohiro Kabahira, art. cit., p. 161.
  • 48 Ibid., p. 162.
  • 49 Ibid.
  • 50 Giulia Guazzaloca, « Animal de compagnie », Dictionnaire historique et critique des animaux, p. 48.
  • 51 Ibid.
  • 52 bid., p. 49.
  • 53 Ibid.
  • 54 Ibid., p. 50.
  • 55 Ibid.
  • 56 Serge Rosolen, art. cit., p. 563. – Voir également RSDA, « Le soin », 1/2023 [https://www.revue-rsda.fr/revue-rsda/7110-revue-rsda-1-2023].
  • 57 Cyril Daydé, « Un remède de cheval pour éviter d’être malade comme un chien ? Soin humain et/ou soin animal au prisme des archives », RSDA, 1/2023, n. 136 à 138, p. 445.
  • 58 Giulia Guazzaloca, art. cit., p. 51.
  • 59 Tomohiro Kabahira, art. cit., p. 160.
  • 60 Ibid., p. 163.
  • 61 « Sir Henry Cole’s rat », The National Archives, rubrique « Records revealed » [https://beta.nationalarchives.gov.uk/explore-the-collection/stories/sir-henry-coles-rat/].
  • 62 « Downing Street : Larry a enfin chassé sa première souris ! », 30 Millions d’Amis, 30 août 2012 [https://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/2813-downing-street-larry-a-enfin-chasse-sa-premiere-souris/].
  • 63 « L'identification des animaux de compagnie, une obligation légale qui les protège », mise à jour 2 juin 2023, https://agriculture.gouv.fr/lidentification-des-animaux-de-compagnie-une-obligation-legale-qui-les-protege].
  • 64 [https://www.i-cad.fr/].
  • 65 Code du patrimoine, art. L211-4, alinéa 2° [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032860057].
  • 66 Arch. dép. Côte-d’Or, B 9760 : Cours et juridictions > Comptabilité féodale > Châtellenie de Saint-Rambert > Amende de 6 sous, payée par Jeannet de Morgelle, pour n'avoir pas déclaré à la cour que la femme Turelle avait un chat dans la maison de Jean de Serrières (1368).
  • 67 Arch. dép. Hérault, 245 J 143 : Fonds du photographe et cinéaste montpelliérain Eusèbe Bras > « Germaine Rozières portant un chat », 1 tirage sur papier, n. et b., 6 × 6,5 cm et 4 tirages sur papier, monochrome, 9 × 14 cm (s. d., 1ère moitié xxe s.).
  • 68 Cyril Daydé, « Compagnons dans l’effort : les animaux au travail, pistes de recherche et sources à exploiter dans les archives », RSDA, 1-2/2019, p. 401-417.
  • 69 Ibid., p. 405, fig. 7. Voir aussi infra, fig. 1.
  • 70 Et à ce titre nous y reviendrons dans la dernière partie.
  • 71 Arch. dép. Côte-d’Or, Cours et juridictions > Comptabilité féodale > B 9856 : Châtellenie de Saint-Sorlin et Lagnieu > Amende de 9 deniers payée par Pierre Budin pour avoir pris un chat (1368). – B 9063 : Châtellenie de Pont-d'Ain > Amende de 11 deniers payée par Jean Beczon pour avoir pris le chat sauvage chassé par Guillaume Sellier (1394). – B 9767 : Châtellenie de Saint-Rambert > Compositions de 4 deniers payée par une femme inculpée d'avoir volé un chat (1386). – B 10099 : Châtellenie de Seyssel > Compositions de 3 deniers payée par la femme Tignat pour avoir caché le chat de la Fillarde (1375).
  • 72 Arch. dép. Côte-d’Or, Cours et juridictions > Comptabilité féodale > B 9747 : Châtellenie de Saint-Rambert > Amende de 20 sous infligée à Jean Bolozon (1338). – B 9418 : Châtellenie de Rossillon et Ordonnaz > Amende de 12 deniers payée par Jean Martel, qui avait tué le chat de Jean de Pierre (1400). – B 9548 : Châtellenie de Saint-Genis et Cordon > Amande de 14 florins infligée à la femme Birard, qui avait tué le petit chat de Martin Pechet (1420).
  • 73 Marie-Angèle Hermitte, « Animisme juridique animal », Dictionnaire historique et critique des animaux, op. cit., p. 78.
  • 74 Cyril Daydé, « Un remède de cheval », art. cit., n. 98 et 99, p. 436.
  • 75 Robin Doreau, « L’affaire de maltraitance animale d’un adolescent jetant des chatons du haut d'un pont vire à la chasse à l’homme sur les réseaux sociaux », FranceTV Info, 10 avril 2024 [https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/aveyron/rodez/l-affaire-de-maltraitance-animale-d-un-adolescent-jetant-des-chatons-du-haut-d-un-pont-vire-a-la-chasse-a-l-homme-sur-les-reseaux-sociaux-2953229.html].
  • 76 Loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes [https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044387560].
  • 77 « La lutte contre l'abandon des animaux de compagnie », mis à jour le 19 juin 2023 [https://agriculture.gouv.fr/la-lutte-contre-labandon-des-animaux-de-compagnie].
  • 78 Mission du député Loïc Dombreval dont le rapport est en ligne [https://agriculture.gouv.fr/telecharger/113603].
  • 79 « L'observatoire de la protection des carnivores domestiques (OCAD) », mis à jour le 2 août 2023 [https://agriculture.gouv.fr/lobservatoire-de-la-protection-des-carnivores-domestiques-ocad].
  • 80 « La stérilisation des chats, un acte de protection », mis à jour le 24 juin 2020 [https://agriculture.gouv.fr/la-sterilisation-des-chats-un-acte-de-protection].
  • 81 Code rural et de la pêche maritime, art. L211-27 [https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000021666336&cidTexte=LEGITEXT000006071367&dateTexte=20100701].
  • 82 Tomohiro Kabahira, art. cit., p. 163.
  • 83 La Grande Encyclopédie Larousse, op. cit., p. 2657-2658.
  • 84 Arnaud Exbalin, « Canicide », Dictionnaire historique et critique des animaux, op. cit., p. 127.
  • 85 Tomohiro Kabahira, art. cit., p. 160-161.
  • 86 Frédéric Keck, « Zoonose », Dictionnaire historique et critique des animaux, op. cit., p. 569.
  • 87 Ibid.
  • 88 Marie-Angèle Hermitte, loc. cit.
  • 89 Voir le numéro dédié de la RSDA, 2/2020 [https://www.revue-rsda.fr/revue-rsda/6849-revue-rsda-2-2020].
  • 90 « Les chats sont-ils en train de détruire la biodiversité ? », France Nature Environnement, 8 février 2022 [https://fne.asso.fr/actualites/les-chats-sont-ils-en-train-de-detruire-la-biodiversite].
  • 91 « Position LPO sur la prédation du chat domestique », site internet de la LPO, 28 avril 2021 [https://www.lpo.fr/qui-sommes-nous/projet-associatif/positionnements/position-lpo-sur-la-predation-du-chat-domestique].
  • 92 Mathias Noël, « 800 millions d’oiseaux croqués par an ? », Le chasseur français, 7 juillet 2023 [https://www.lechasseurfrancais.com/nature/800-millions-doiseaux-croques-par-an-82099.html].
  • 93 Pierre Ropert, « Le chat domestique, une menace pour la biodiversité », RadioFrance, 4 avril 2023 [https://www.radiofrance.fr/franceculture/les-chats-domestiques-une-menace-pour-la-biodiversite-6261898].
  • 94 Voir le numéro dédié de la RSDA, 2/2018 [https://www.revue-rsda.fr/revue-rsda/6814-revue-rsda-2-2018].
  • 95 La médaille d’or de ce triste palmarès est attribuée au rat, crédité de 75 espèces éteintes, dont 2/3 d’oiseaux. Sur le rat, voir le numéro dédié de la RSDA, 1/2018 [https://www.revue-rsda.fr/revue-rsda/7564-rsda-1-2018].
  • 96 Christine Dell'Amore, « Jungle Cat Mimics Monkey to Lure Prey – A First », National Geographic, 16 juillet 2010 [https://www.nationalgeographic.com/science/article/100712-cats-mimics-monkeys-prey-science].
  • 97 Cyril Daydé, « Santé humaine et contamination animale : retracer les zoonoses dans les archives », RSDA, 1/2021, p. 435-437 [https://www.revue-rsda.fr/revue-rsda/6781-revue-rsda-1-2021].
  • 98 Arch. dép. Hérault, 19 HDT 50 : Hôpital de Saint-Pons-de-Thomières > Papiers provenant de la succession de Françoise de Flottes, veuve de Jean Maynadier > Compte de Chambert, pour la dernière maladie de Madame de Maynadier (s. d., XVIIe siècle).
  • 99 Arch. dép. Yonne, G 347 : Archevêché de Sens > Comptabilité au temporel > Doyenné de Melun (1365-1366).
  • 100 « Suisse : des articles en peau de chat toujours commercialisés ? », Fondation 30 millions d’amis, 4 juillet 2013 [https://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/6224-suisse-des-articles-en-peau-de-chat-toujours-commercialises/].
  • 101 Arch. dép. Savoie, 2B 12010 : Procédures criminelles > Juge mage de Savoie > Condamnation de François Marin-Grosjean pour le meurtre de Maurice Marin-Bertin (1778).
  • 102 Arch. dép. Côte-d'Or, B 3690 : Comptabilité domaniale > Bailliage du Chalonnais > Compte du receveur Jean de Genlis (1139).
  • 103 Jeremy MacClancy, Consuming the Inedible: Neglected Dimensions of Food Choice, Providence, Berghahn Books, 2009, 258 p.
  • 104 Malcolm Moore, « Cat-nappers feed Cantonese taste for pet delicacy », The Telegraph, 1er janvier 2009 [https://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/asia/china/4061850/Cat-nappers-feed-Cantonese-taste-for-pet-delicacy.html].
  • 105 Francis Ngwa-Niba, « The cat eaters of Cameroon », BBC News,‎ 17 mars 2003 [http://news.bbc.co.uk/1/hi/uk/2857891.stm].
  • 106 Antoine Krempf, « Les Suisses sont-ils de gros mangeurs de petits chats ? », Radio France, 28 novembre 2014 [https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux-numerique/les-suisses-sont-ils-de-gros-mangeurs-de-petits-chats_1769775.html].
  • 107 Camille Lestienne, « Siège de Paris de 1870 : chaque jour Le Figaro recensait les bons plans pour survivre », Le Figaro, 17 septembre 2020 [https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/siege-de-paris-de-1870-chaque-jour-le-figaro-recensait-les-bons-plans-pour-survivre-20200917]. – Cecil Sommers, Temporary Crusaders, Londres/New York, 1919 [https://net.lib.byu.edu/estu/wwi/memoir/Crusaders/Sommers.htm].
  • 108 Alain Rey, op.cit., vol. 1, p. 486.
  • 109 Cf. supra, n. 14.
  • 110 TLF, op. cit., vol. 5, p. 595.
  • 111 En référence à la fable Le singe et le rat de Jean de La Fontaine.
  • 112 TLF, op. cit., vol. 5, p. 594.
  • 113 Ibid.
  • 114 Service historique de la Défense (Vincennes), B 5/12-94 : Archives militaires de la guerre de Vendée > Correspondance > Armée de l'Ouest > Lettre du général Willot au général Lacuée soupçonnant le général Hoche de vouloir « changer de place en jetant le chat aux jambes de ses successeurs » (24 novembre 1795).
  • 115 Arch. dép. Savoie, 2B 10163 : Procédures criminelles > Juge mage de Maurienne > Affaire de vol par force de trois fromages dans une grange ; le procureur général déclare : « il n'y a pas de quoi fouetter un chat » (1750).
  • 116 Elsa Dorlin, « Humanité/animalité, masculin/féminin », Dictionnaire historique et critique des animaux, op. cit., p. 318
  • 117 Sur la place du chat dans l’imaginaire misogyne, on associe généralement le chat à la femme asociale, en particulier le chat noir de la sorcière.
  • 118 Il s’agit des fonds des châtellenies, précision que nous n’avons pas répétée dans les références citées infra.
  • 119 B 9850 : Saint-Sorlin et Lagnieu.
  • 120 B 9624 : Saint-Germain-d'Ambérieux (1409) ; B 7163, B 7191, B 7192 et B 7221 : Bourg (1417, 1445-1446 et 1472) ; B 8243 : Loyes (1427) ; B 8930 et B 8937 : Poncin (1427 et 1431) ; B 9790 : Saint-Rambert (1428) ; B 8599 : Montluel (1434) ; B 9896 : Saint-Sorlin et Lagnieu (1448) ; B 8823 et B 8868 : Pérouges (1452 et 1510) ;
  • 121 B 9256 : Pont-de-Vaux (1473) ; B 8194 : Jasseron (1508) ; B 10079 : Saint-Trivier (1531). Arch. dép. Hérault, L 6322 : Tribunal du district de Montpellier > Affaires criminelles > Procédures > Antoinette Larene, épouse Astruc, contre la famille de Jac qui l’a injuriée en la traitant de moustache de chat romain et l’a agressée le soir même en la battant (1790).
  • 122 Merriam Webster OnLine Dictionary [https://www.merriam-webster.com/dictionary/catcall].
  • 123 Alain Rey, op. cit., vol. 1, p. 486.
  • 124 Ibid.
  • 125 Ibid.
  • 126 TLF, vol. 5, p. 595-596.
  • 127 En chorégraphie, et par référence à son agilité, on pratique le « saut de chat » ou les « entrechats », suite de sauts latéraux s'effectuant les jambes écartées et repliées. Le « trou du chat », par comparaison avec une chatière, désigne dans les navires un espace rectangulaire ménagé dans la hune pour le passage des hommes et du matériel vers et depuis le mât. Quant à l’or de chat, c’est un or massif, utilisé pour dorer les statuettes et dont le lien avec l’animal ne s’explique pas.
  • 128 Arch. dép. Cher, E/1577 : Minutier de Me Michel Bounet, notaire à Bourges > Détail des bijoux et pierreries de la succession de Jean Batailleau, marchand lapidaire à Bourges, […] dans le lot de Georges Sarrazin [gendre du testateur], sont compris « troys yeulx de chat » (1569).
  • 129 Arch. dép. Côte-d'Or, B 8924 : Justices du Moyen Âge et de l’Époque moderne > Comptabilité domaniale > Châtellenie de Poncin > Achat d’un millier de grands clous « chappeluz », pour faire « chat à rompre mur » (1405). – Arch. dép. Hérault, 74 H 35 : Clergé régulier du Moyen Âge et de l’Époque moderne > Ordres religieux de femmes > Œuvre du Bon Pasteur de Montpellier [spécialisée dans l’accueil de femmes et filles « de mauvaise vie », ce qui explique la suite] > Comptabilité > Dépenses pour chat de fers et menottes pour les prisonnières (1694-1695). – Arch. dép. Vendée, B 1052 : Justices d'Ancien Régime > Baronnie de Palluau > Procédures civiles > Procès-verbal de réapposition des scellés sur les meubles du sieur Cantin, chirurgien, décédé dans sa maison, au bourg de Commequier, car ils avaient été brisés par un chat [on pourrait aussi interpréter ici le terme comme désignant l’animal…] (30 avril 1784).
  • 130 Arch. dép. Côte-d'Or, PS 935-S et 744 : Sceau d’Étienne Héraut, avocat demeurant à Troyes, représentant un écu penché (…) timbré d'un heaume de profil cimé d'un chat assis (1386).
  • 131 Arch. dép. Côte-d'Or, B 1793 : Justices du Moyen Âge et de l’Époque moderne > Comptabilité domaniale > Comptes de Jean Johanneau, conseiller, maître des comptes du Roi à Dijon et receveur général de la province de Bourgogne > Tableau de la valeur des monnaies d'or et d'argent en usage, dont le florin du chat, valant 10 sous et demi. À noter que trois autres animaux ont donné leur nom à des monnaies citées dans ce document : le lion, 28 sous ; l'écu de Foy à la vache, 23 sous et le mouton de Montpellier, 13 sous (1485-1488).
  • 132 Arch. dép. Côte-d'Or, G 2561 : Clergé régulier > Chapitre de Notre-Dame de Beaune > Registres des délibérations > Grand H initial du mot « Hodie », sur la barre transversale inférieure, un porc armé d'un bâton qu'il agite dans un mortier et un chat enroulé sur un soufflet, fol. 1 (1552).
  • 133 Arch. dép. Vienne, C 696 : Administrations provinciales > Greffe de l’élection de Poitiers > Procès-verbal de l’enregistrement fait par Jacques-Bernard Vigier, directeur des Aides à Poitiers, sur une plaque de cuivre rouge, de poinçons pour la marque des objets d'or et d'argent, (…), représentant (…) un chat, une tête de bouc, une tête de levrette (…) (1775).
  • 134 Étienne Klein, Il était sept fois la révolution, Albert Einstein et les autres, Paris, Flammarion, 2005, 237 p. ; « Du bon usage des chats », Le monde selon Étienne Klein. Recueil des chroniques diffusées dans le cadre des "Matins" de France Culture (septembre 2012 – juillet 2014), Paris, Flammarion, coll. « Champs sciences », 2016, 352 p.
  • 135 On en oublierait presque qu’Alice croise une chatte, bien avant de rencontrer ce chat. Il s’agit de Dinah, qui marque le point de bascule entre réalité et fiction comme le chat symbolise parfois le passage entre le jour et la nuit.
  • 136 Dans certaines versions, le père Lustucru conclut : « pour un lapin, votre chat est vendu ». Si l’on se rapporte à une certaine expression des années 1870-1940 (cf. supra, II.C.c, la dernière phrase du paragraphe), le vers admet une interprétation différente : « pour un lapin » ne signifierait pas « en échange d’un lapin » mais « en guise de [c’est-à-dire avec l’étiquette de] lapin ».
  • 137 Tomohiro Kabahira, art. cit., p. 164.
  • 138 Ibid.
  • 139 Ibid.
  • 140 Honoré de Balzac, « Les peines de cœur d’une chatte anglaise », Scène de la vie privée et publique des animaux, t. I, 1842, p. 42-52.
  • 141 Giulia Guazzaloca, art.cit., p. 49.
  • 142 Tomohiro Kabahira, art. cit., p. 163.
  • 143 Arch. dép. Hérault, 249 J 74 : Archives familiales des seigneurs de Jonquières > Famille Massol > Génération II > Raymond Massol (vers 1715-1789) > Archives personnelles > Poème paillard ayant pour sujet un chat (s. d., vers 1750).
  • 144 Élisabeth Foucart-Walter et Pierre Rosenberg, Le Chat et la palette. Le chat dans la pein­ture occidentale du xve au xxe siècle, Paris, Adam Biro, 1987.
  • 145 Arch. dép. Vosges, 374 J 2332 à 2519 : Fonds de l’imagier Jean-Paul Marchal > Matrices en bois gravé et en linoléum gravé > Animaux, dont 22 ayant pour sujet un chat, chat assis, chat au dos rond, chats en ribambelle, chat s’étirant, chien et chat (1985-2013).
  • 146 Arch. nat., 20210224/1471/5 : Archives de Jack Lang, ministre de la Culture > Audiovisuel > Productions musicales > Le Chat, 1 vinyle (s. d.).
  • 147 Cf. supra, n. 3.
  • 148 Voir par exemple supra le documents B 1052 des Arch. dép. Vendée cité dans la n. 128.
  • 149 Une surreprésentation des Arch. dép. de la Côte-d’Or est également constatée, conséquence de la même cause.
  • 150 [https://francearchives.gouv.fr/fr].
  • 151 L’étymologie usuellement retenue est celle d’un sobriquet appliqué à une personne rusée voire sournoise.
  • 152 Jean Tosti, professeur de lettres dans les Pyrénées-Orientales (décédé en 2021) s’est illustré par son dictionnaire des noms de famille (dont l’accès en ligne a été supprimé). Il ne recensait pas moins d’une trentaine de patronymes débutant par les quatre lettres « CHAT ».
  • 153 Chiffre début juin 2024, qui ne peut aller qu’en augmentant. Certaines unités d’archives peuvent compter plusieurs notices d’autorité à renseigner, voire des centaines s’il s’agit d’un fichier ou d’un ensemble de dossiers de personnel.
 

RSDA 1-2024

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