Actualité juridique : Jurisprudence

Sommaires de jurisprudence

  • Delphine Tharaud
    Professeure de droit privé
    Université de Limoges
  • Brigitte Des Bouillons
    Docteure en droit
    Université de Rennes 1

I. Les animaux au sein des relations contractuelles

 

A. Les contrats

 

a. La vente

 

Cass. Civ. 1re, 24 avril 2024, 22-17.907

Vente aux enchères – Transport

 

Lors du salon de l’agriculture, l’association Blonde Pays d’Oc, mandatée par un éleveur, a vendu une vache aux enchères publiques à un prix dépassant 16 000 euros. Les conditions de vente du salon prévoyaient que l’éleveur devait effectuer le transport jusqu’à l’abattoir, l’animal étant sous la seule responsabilité de l’acquéreur à partir de l’intervention des services vétérinaires attestant que la carcasse était conforme et sans vice caché.

Après abattage et livraison de la carcasse à l’acquéreur, ce dernier a refusé de payer le prix convenu car il soutenait que la viande était impropre à la consommation. Le tribunal arbitral puis la cour d’appel ont considéré que le transfert de risques avait été réalisé le jour de l’abattage et, par conséquent, ont condamné l’acheteur à payer le prix convenu.

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris est cassé au motif que les juges du fond n’ont pas tenu compte du défaut des 3 estampilles sanitaires et de la seule présence d’une étiquette suiveuse, constatés par procès-verbal d’huissier. Dès lors, les services sanitaires n’ont pu attester de la conformité de la carcasse lors de l’abattage. Ces manquements réglementaires rendaient impossible la mise sur le circuit alimentaire de la carcasse, ce qui justifie une absence de paiement du prix.

D. T.

 

b. Bail rural

 

Aucune jurisprudence pour ce numéro.

 

c. Le dépôt

 

CA Limoges, 10 janvier 2024, n° 22/00759

Chien – Association – Absence de contrat écrit – Contrat de dépôt (oui) – Contrat de vente (non)

 

La propriétaire d’une chienne Husky l’a confiée à une association. Aucun contrat écrit n'a été signé. 4 mois plus tard, la restitution de l’animal est demandée, mais l’association s’y oppose. S’en est suivie une procédure de saisie avec intervention d’huissier, mais devant la Cour d’appel de Limoges, les débats ont porté sur la qualification juridique du contrat entre la propriétaire du chien et l’association. Pour la première, il s’agissait d’un contrat de dépôt par lequel elle confiait temporairement son animal à l’association qui devait lui restituer à première demande. Pour la seconde, il s’agissait d’un contrat de cession emportant transfert de propriété définitif le jour où l’animal lui a été confié. Pour l’essentiel, la cour d’appel s’appuie sur le fait que l’association n’a sollicité un changement officiel de détenteur de l’animal que postérieurement à la date de demande de restitution. Elle se fonde également sur des témoignages permettant d’établir l’état d’esprit de la propriétaire au moment où elle a confié sa chienne. De ces éléments principaux et d’autres pièces du dossier, la cour d’appel estime que le contrat doit s’analyser en un contrat de dépôt.

D. T.

 

B. La responsabilité contractuelle

 

Aucune jurisprudence pour ce numéro.

 

C. Le droit du travail/les relations de travail

 

CA Dijon, 21 mars 2024, n° 21/00655

Accident du travail – Parc animalier – Manipulation – Obligation de sécurité – Faute inexcusable de l’employeur (oui)

 

Une soigneuse animalière dans un parc zoologique a été victime d’un accident du travail. Précisément, elle s’est fait mal au dos en manipulant un varan d’une trentaine de kilos alors qu’elle le remettait dans son enclos intérieur.

Après la reconnaissance d’une incapacité de 12 %, elle a finalement été licenciée pour inaptitude professionnelle. Elle essaye d’obtenir la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité. Son argumentation est essentiellement fondée sur le défaut de prise en compte des risques, ce que réfute l’employeur en s’appuyant sur l’expérience professionnelle de la salariée, le suivi de formation sur le transport d’animaux lourds et surtout l’existence d’un protocole de sécurité que la salariée n’aurait pas suivi en manipulant seule le reptile. Pourtant, infirmant la décision de première instance, la Cour d’appel reconnait l’existence d’une faute inexcusable car si l’employeur a effectivement pris des mesures de prévention, dans les faits, le jour de l’accident, la salariée n’était pas en mesure de suivre le protocole imposé par l’employeur. Le manque de personnel sur site, la seule présence de stagiaires, la formation professionnelle suivie par la soigneuse en matière de transport et non de manipulation d’animaux lourds sont autant d’éléments qui, aux yeux des juges, indiquent que les mesures préventives n’étaient « ni appropriées ni effectives pour préserver la salariée du risque de pathologie lombaire ».

D. T.

 

II. Les animaux protégés

 

A. Espèces protégées

 

Cass. Crim., 26 mars 2024, n° 23-81.410

Tortue d’Hermann – Zone naturelle – Abattage d’arbres – Travaux – Préjudice écologique

 

Les agents d’une réserve naturelle ont constaté d’existence de travaux et l’abattage d’arbres dans une zone Natura 2000 qui correspond à l’habitat protégé de la tortue d’Hermann. Deux tortues d’Hermann, espèce menacée classée comme vulnérable, ainsi qu’un lézard vert, espèce protégée, ont été retrouvés morts. Le directeur de la société propriétaire des parcelles concernées ainsi que plusieurs cadres de celle-ci ont été poursuivis pour atteinte à l'habitat, destruction d'espèces protégées et déforestation. Devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, les prévenus soulèvent un moyen concernant leur condamnation à verser solidairement presque 185 000 euros au titre de préjudice écologique. Ils contestent le calcul des coûts au titre de la réparation de l’écosystème et de la réintroduction d’animaux. Cependant, la Haute juridiction reprend les différents éléments de calcul retenus par les juges du fond, comme l’importance de la destruction de l’habitat, la difficulté d’estimer les coûts de réintroduction des animaux, ainsi que le fait qu’aucune précision n’a été donnée par les prévenus concernant les possibilités de travaux de remise en état et le constat d’une impossibilité de réparation en nature. Dès lors, à défaut de remise en état proposée, la cour d’appel a souverainement évalué les dépenses nécessaires.

D.T.

 

CE, 26 avril 2024, n° 467728

Abeilles – Insectes pollinisateurs – Pollinisation – Protection – Cultures non attractives

 

Annulation pour excès de pouvoir de la décision fixant la liste des cultures qui ne sont pas considérées comme attractives pour les abeilles ou d'autres insectes pollinisateurs, telles que mentionnées à l'article 1er de l'arrêté du 20 novembre 2021 relatif à la protection des abeilles et des insectes pollinisateurs et à la préservation des services de pollinisation lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, publiée au bulletin officiel du ministère de l'agriculture le 24 mars 2022. Pour le Conseil d'État, le syndicat des apiculteurs d'Occitanie requérant est seulement fondé à demander l'annulation de la liste en tant qu'elle mentionne parmi les cultures non attractives pour les abeilles et les autres insectes pollinisateurs celles de la lentille, du pois (Pisum sativum), du soja et de la vigne.

B. des B.

 

CE, 15 mars 2024, n°4 61634

Abeilles – Produits phytopharmaceutiques

 

L'association Générations futures, l'Union nationale de l'apiculture française et l'association Agir pour l'environnement ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 27 septembre 2017 de la directrice générale déléguée de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) autorisant la mise sur le marché français des produits phytopharmaceutiques " Closer " et " Transform ", produits par la société Dow Agrosciences SAS.

Le juge suprême annule pour erreur de droit l’arrêt n° 20MA00410 du 17 décembre 2021 de la Cour administrative d'appel de Marseille confirmant le jugement n° 1704687 du 29 novembre 2019 annulant ces décisions. Il considère qu’il appartenait aux juges du fond de caractériser en quoi les conditions d'emploi telles qu'elles étaient formulées, au demeurant en recourant à des phrases types prévues à l'annexe III du règlement (UE) n° 547/2011 de la Commission du 8 juin 2011 portant application du règlement (CE) n° 1107/2009, n'auraient pas permis aux utilisateurs professionnels avertis de déterminer l'usage adapté des produits pour assurer l'effectivité des interdictions et prescriptions énoncées, dont le respect est contrôlé par les services du ministère chargé de l'agriculture conformément à l'article 68 du règlement du 21 octobre 2009 et à l'article L. 253-13 du code rural et de la pêche maritime, et dont la méconnaissance est punie en application de l'article L. 253-17 du même code. Enfin, eu égard aux termes des conditions ainsi énoncées, suffisamment précises pour en assurer l'application effective par les professionnels avertis employant ces produits, ils ont dénaturé les pièces du dossier soumis à son examen.

B. des B.

 

CE, 18 avril 2024, n° 469597

Ours – Mesures d’effarouchement (oui)

 

Rejet de la requête présentée par l'association Pays de l'ours - ADET (Association pour le développement durable des Pyrénées), l'association Ferus – Ours Loup Lynx Conservation, l'Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS), le Comité écologique ariègeois, l'association France nature environnement Hautes-Pyrénées, l'association Animal cross et l'association Fonds d'intervention éco-pastoral - groupe ours Pyrénées (FIEP) demandant au Conseil d’État d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 juin 2022 de la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire relatif à la mise en place de mesures d'effarouchement de l'ours brun dans les Pyrénées pour prévenir les dommages aux troupeaux.

Si les associations requérantes soutiennent que l'arrêté attaqué méconnaît le principe de précaution défini par l'article 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, pour le juge, il ressort des pièces du dossier, en particulier du bilan tiré de l'expérimentation menée en 2019, 2020 et 2021, qu'en l'état des connaissances disponibles, les mesures d'effarouchement simple par des moyens sonores, olfactifs ou lumineux, préconisées par l'arrêté attaqué, ne sont pas de nature à porter atteinte au maintien des populations d'ours dans leur aire de répartition naturelle ou à empêcher l'amélioration de l'état de conservation de l'espèce.

B. des B.

 

CE, 8 avril 2024, n° 471738

Loups – Tirs de défense simple (oui)

 

Rejet du pourvoi de l'association One Voice contre l’ordonnance n° 2300598 du 13 février 2023, du juge des référés du Tribunal administratif de Marseille, refusant de suspendre l'exécution de l'arrêté du préfet des Alpes-de-Haute-Provence du 19 décembre 2022 autorisant, jusqu'au 16 décembre 2027, des tirs de défense simple en vue de la protection des troupeaux du Groupement Agricole d'Exploitation en Commun (GAEC) de la Borie contre la prédation du loup, sur le territoire de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat (Alpes-de-Haute-Provence). Le Conseil d'État confirme l’ordonnance du juge des référés relevant qu’aucun moyen n’était, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.

B. des B.

 

CE, 15 avril 2024, n° 469526

Espèces protégées – Travaux – Conditions d’urgence (oui)

 

Annulation de l'ordonnance n° 2206980 du 16 novembre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble rejetant la requête les associations, Biodiversité sous nos pieds et France Nature Environnement Haute-Savoie demandant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 30 mai 2022 du préfet de la Haute-Savoie portant dérogation aux dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement au bénéfice de la société des Remontées mécaniques de Megève. Comme le rappelle le juge du Conseil d'État, pour déterminer, si une dérogation peut être accordée sur le fondement du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de porter une appréciation qui prenne en compte l'ensemble des aspects du projet, parmi lesquels figurent les atteintes que celui-ci est susceptible de porter aux espèces protégées. Il ressort des pièces du dossier que la liste des espèces protégées affectées par cet aménagement, telle qu'elle figure à l'article 1er de l'arrêté contesté du 30 mai 2022, comporte onze espèces de mammifères, trente espèces d'oiseaux, cinq espèces de reptiles et amphibiens. En se bornant à relever l'état avancé des travaux, 90 % de défrichement de la zone avait été réalisés, alors que l'argumentation dont il était saisi lui imposait d'examiner si l'impact des travaux restant à effectuer sur les espèces protégées pouvait conduire à regarder la condition d'urgence comme remplie, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit.

B. des B.

 

TA Nancy ord., 26 avril 2024, n° 240140

Grand tétras – Lâchers – Prélèvements en Norvège – Atteinte à la protection (non) – Intérêt général (oui)

 

Il peut sembler paradoxal de voir les associations de défense des oiseaux s’opposer à une décision du gouvernement autorisant les lâchers de grand tétras dans le cadre du plan de réintroduction du plus gros oiseau terrestre sauvage d'Europe dans les Vosges, dont la mise en œuvre devrait s’étaler sur cinq ans. En effet, les associations, SOS Massif des Vosges, Vosges Nature Environnement, Oiseaux Nature, Paysage Nature et Patrimoine de la Montagne Vosgienne contestent la pertinence de l'opération de réintroduction par le Parc Naturel Régional (PNR) des Ballons des Vosges qu’elles qualifient de coûteuse, d’inutile, et de néfaste pour les oiseaux prélevés en Norvège, capturés et transportés jusqu'en France et qui ne tient pas compte de l’avis défavorable résultant de la « consultation publique qui s'est terminée par un rejet massif et argumenté, 811 contributions défavorables sur un total de 957 réponses ». Tous ces arguments n’ont pas suffi à convaincre le juge de l’inutilité de l’opération. Le juge des référés ne pas retient pas le caractère d’urgence du recours, les lâchers ne sont « pas susceptibles de porter une atteinte suffisamment grave à la protection des oiseaux », observant que « le taux de mortalité lors de telles opérations est faible ». A contrario, il fait valoir que l’introduction de ces grands tétras répondait à « un motif d’intérêt général » de préservation de la biodiversité.

B. des B.

 

B. Chasse et pêche

 

CE, 6 mai 2024, n°468145

Alouettes – Matelotes – Pantes – Référé – Caractérisation de l’urgence – Méthode sélective (non) – Méthode traditionnelles de chasse – Dérogation (non)

 

Annulation pour excès de pouvoir de l’ensemble des arrêtés du 4 octobre 2022 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires autorisant la capture de l'alouette des champs, à l'aide de matoles dans les départements des Landes et du Lot-et-Garonne et, également, à l'aide de pantes dans les mêmes départements, ainsi que dans ceux de la Gironde et des Pyrénées-Atlantiques et fixant le nombre maximum de ces oiseaux pouvant être capturés pour la campagne 2022-2023.

Saisi par les Associations One Voice et association Ligue pour la protection des oiseaux d’une demande de suspension de l’exécution de ces arrêtés sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative (CJA), le juge des référés du Conseil d'État a rejeté la requête, pour défaut d’urgence, en ce qui concerne les deux premiers arrêtés qui n’ont « ni pour objet ni pour effet, par eux-mêmes, d’autoriser d’éventuels prélèvements » tout en faisant droit à leur demande en ce qui concerne les deux autres arrêtés, les conditions tenant à ce qu’« il n’existe pas d’autre solution satisfaisante » et à ce que la technique soit « sélective » ne paraissant pas satisfaites (CE ord., 21 oct. 2022, Association One Voice et autre, n° 468151 et autres).

Faisant écho à son arrêt du 24 mai 2023, n° 459400, 459405 (voir RSDA 2023-1 p. 200), le Conseil d'État retient, s’agissant des deux premiers arrêtés mettant en œuvre la dérogation prévue à l’article 9 de la directive, que le moyen tiré de ce qu’ils méconnaissent les objectifs de cet article doit être accueilli sur le fond, en ce que l’objectif annoncé visant à préserver les méthodes traditionnelles de chasse ne constitue pas un motif autonome de dérogation au sens de cet article et qu’il n’est pas démontré que les dommages causés aux oiseaux capturés non ciblés pourraient être regardés comme négligeables. Par voie de conséquence, il annule les deux autres arrêtés fixant le nombre de ces oiseaux pouvant être capturés pour la campagne 2022-2023.

B. des B.

 

CE ord., 22 décembre 2023, n°489926

Pêche – Mortalité accidentelle cétacés – Dissuasion acoustique – Fermeture de la pêche – Senne pélagique

 

On se souvient des tensions suscitées par sa décision du 22 décembre 2023 n° 449788, avec les entreprises de pêche (RSDA, n° 2023-2, p. 202), par laquelle le Conseil d'État a enjoint à l’État d'adopter, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures complémentaires de nature à réduire l'incidence des activités de pêche dans le golfe de Gascogne sur la mortalité accidentelle des petits cétacés à un niveau ne représentant pas une menace pour l'état de conservation de ces espèces, en assortissant les mesures engagées ou envisagées en matière d'équipement des navires en dispositifs de dissuasion acoustique, tant que n'est pas établie leur suffisance pour atteindre cet objectif, sans porter atteinte dans des conditions contraires à celui-ci à l'accès des petits cétacés aux zones de nutrition essentielles à leur survie, de mesures de fermeture spatiales et temporelles de la pêche appropriées. Dans le sillage de cette décision, le juge des référés du Conseil d’État, à la demande des associations requérantes, Défense des Milieux Aquatiques, France Nature Environnement et Sea Shepherd France, suspend pour partie l'exécution des dispositions dérogatoires de l'arrêté du 24 octobre 2023 du secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer interdisant la pêche de fin janvier à fin février, tout en assortissant celui-ci de dérogations qui selon les associations sont de nature à rendre inopérant l’objectif affiché de réduire efficacement la mortalité des cétacés. Plus encore, les juges étendent la fermeture de la pêche dans le golfe de Gascogne aux sennes pélagiques.

B. des B.

 

CE, 26 février 2024, n° 458219

Pêche – Anguilles – Quotas excessifs (non)

 

Rejet de l’ensemble des requêtes présentées par l’Association Défense des milieux aquatiques n°s 461744 et 461745, la Fédération nationale de la pêche et la protection du milieu aquatique et autre n°s 463366 et 463367, l’association France Nature Environnement et autre, demandant au Conseil d’État d'annuler pour excès de pouvoir, en tant qu'ils fixent des quotas excessifs, l'arrêté du 20 octobre 2021 de la ministre de la transition écologique relatif à l'encadrement de la pêche de l'anguille de moins de 12 centimètres par les pêcheurs professionnels en eau douce pour la campagne 2021-2022 et l'arrêté du 21 octobre 2021 de la ministre de la mer portant définition, répartition et modalités de gestion du quota d'anguille européenne (Anguilla anguilla) de moins de 12 centimètres pour la campagne de pêche 2021-2022.

Le juge rappelle « qu’il appartient aux ministres, dans la mise en œuvre de leur compétence d'autoriser par dérogation la pêche de la civelle, qui n'implique pas des prescriptions inconditionnelles résultant du droit de l'Union européenne mais suppose l'exercice d'un pouvoir d'appréciation, de veiller au respect des principes de prévention et de précaution respectivement garantis par les articles 3 et 5 de la Charte de l'environnement ». Par ailleurs, si l'anguille européenne est classée comme espèce en danger critique d'extinction, le recrutement au stade de la civelle reste faible mais stable. Par suite et faute d'élément établissant l'impossibilité d'atteindre les objectifs prescrits par les règlements européens des 11 décembre 2013 et 18 septembre 2007, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les quotas de captures fixés par les arrêtés attaqués, combinés aux autres mesures de protection existantes, assureraient une prévention insuffisante des atteintes à l'environnement, en méconnaissance des exigences résultant de l'article 3 de la Charte de l'environnement. Enfin, en l'absence d'éléments circonstanciés accréditant l'hypothèse d'un risque autre que celui, identifié et évalué, que la réglementation ici en cause vise à prévenir, les requérantes ne sont pas davantage fondées à soutenir que, pour parer à la réalisation d'un dommage grave et irréversible à l'environnement, les exigences résultant de l'article 5 de la Charte imposeraient l'adoption de mesures supplémentaires.

B. des B.

 

C. Santé animale et protection des races

 

CE, 26 février 2024, n° 469858

Chats – Race Scottish/Highland – Mutation génétique – Test obligatoire (oui) – LOOF – Coûts excessifs (non)

 

Rejet de la requête, mettant en cause une nouvelle règle adoptée le 27 août 2019, par la fédération pour la gestion du livre officiel des origines félines, applicable aux éleveurs de chats de la race Scottish/Highland à compter du 1er juillet 2020. Le conseil d’administration du LOOF impose désormais, pour les portées nées en France et les chats étrangers demandant leur enregistrement à compter du 1er juillet 2020, d’une part, que « tout reproducteur produisant des chatons Scottish/Highland (…) soit identifié génétiquement et testé pour le gène FOLD pour l’enregistrement d’une déclaration de saillie et de naissance, ainsi que les chats importés pour leur enregistrement au LOOF, ou au moment où ils reproduisent s’ils sont déjà enregistrés » et, d’autre part, que « les tests de filiation [soient] fournis pour tous les chatons au moment de la demande de pedigrees ». Pour le requérant cette procédure stricte engendre un surcoût « considérable » pour les éleveurs qui voient, selon lui, leurs charges tripler. Pour le juge, cette argumentation n’est guère convaincante et dépourvue de tout justificatif, les contraintes et le surcoût engendrés pour les éleveurs ne lui paraissent pas suffire à attester du caractère disproportionné de cette mesure au regard des objectifs poursuivis et du risque à terme, en cas de propagation de cette mutation, de remise en cause de l’élevage de cette race de chats. En outre, rien n’interdit aux éleveurs de répercuter, en tout ou partie, ces coûts dans le prix de vente et cette vérification de parenté paraît pouvoir être un atout pour l’éleveur qui est ainsi en mesure de certifier la généalogie de ses animaux et valoriser la qualité de son travail auprès des acheteurs. Il est en effet clair que le requérant ne cible que la décision mentionnée au point 7 de ce procès-verbal relatif à la race de chats Scottish/Highland et en tant seulement qu’elle conditionne la délivrance de pedigrees des chatons à la réalisation d’un test de filiation.

B. des B.

 

D. Cause animale

 

CE, 26 avril 2024, n° 462884

Cirque – Hippopotame – Départ dans un sanctuaire(non)

 

Nouveau revers pour l’association One Voice dont le pourvoi en cassation formé contre l’arrêt n° 20LY00080 du 3 février 2022 de la Cour administrative d'appel de Lyon pour obtenir le départ de l’hippopotame Jumbo du cirque dans lequel il vit depuis 40 ans, est rejeté par le Conseil d’État. Dans cet arrêt, la Cour administrative d'appel de Lyon a confirmé en appel le jugement n° 1703936 du 19 novembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble, rejetant le recours pour excès de pouvoir contre, en premier lieu, la décision du préfet de la Drôme du 28 juin 2017, refusant d'une part, d'abroger l’arrêté d'ouverture, de présentation et de détention de l'établissement de MM. A... et C... B..., dénommé " Cirque B... ", et l’autorisant à présenter au public, dix lions et un hippopotame, et, d'autre part, de procéder au retrait de l’hippopotame du cirque et à son transfert dans un sanctuaire. Pour le Conseil d’État, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’à la date à laquelle le préfet a refusé d’abroger l’arrêté d’ouverture du cirque que celui-ci ne respectait plus les conditions d’accueil de l’hippopotame ; en outre, l’hippopotame Jumbo ne participait plus au spectacle ; que par suite la Cour en s’estimant suffisamment informée pour conclure au rejet de la requête n’a pas commis d’erreur de droit.

B. des B.

 

III. Les animaux, êtres sensibles

 

A. L’alimentation animale (aspects sanitaires)

 

Aucune jurisprudence pour ce numéro.

 

B. Maltraitance, actes de cruauté

 

Cass. Crim., 23 janvier 2024, n° 23-80.689

Association de protection des animaux – Adoption – Mauvais traitement – Sanctions pénales

 

Deux femmes membres d’une association de protection des équidés, dont l’une en était la présidente, s’occupant d’une centaine de chevaux rachetés pour les soustraire à la maltraitance, à l'abandon ou à l'abattoir, ont été poursuivies pour diverses infractions dont abus de confiance, mauvaises conditions d’hébergement et pour obstacles ou entraves aux fonctions des agents chargés de la sécurité sanitaire, de l'alimentation et de la santé publique vétérinaire. Sur ce dernier point, les deux femmes ont fait valoir devant la Cour de cassation que cette qualification appliquée au titre de l'article L 205-11 du code rural et de la pêche maritime ne pouvait être retenue en l’espèce faute d’entrave constatée. Cependant, la Cour de cassation rejette le moyen. Reprenant les faits établis par les agents et pris en compte par les juges du fond, elle tient compte du fait que les deux femmes n’ont pas présenté les passeports des animaux demandés par les agents, ont excité les équidés en lâchant un chien parmi eux, ont retardé les opérations de retrait en éloignant les animaux et en tentant de transporter certains chevaux dans un autre département.

En revanche, la Cour de cassation accueille le moyen relatif à l’absence de qualification d’escroquerie. En effet, la présidente de l’association avait signé sans pouvoir un document présentant faussement un cheval en vue de son adoption et par lequel une personne avait versé une somme d’argent en vue d’une adoption. Pour la Cour de cassation, le délit d’escroquerie ne peut être constitué à partir d’un seul mensonge, fût-il écrit, et doit être accompagné de faits extérieurs constituant une manœuvre frauduleuse.

Pour finir, un dernier moyen portait sur l’absence de motivation de la peine. La présidente de l’association avait été condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, à l'interdiction d'exercer pendant cinq ans une activité professionnelle en lien avec les animaux, ainsi qu'à la peine complémentaire d'interdiction définitive de détenir des équidés. Cependant, la Cour de cassation reconnaît un manque de motivation concernant ces peines qui doivent notamment tenir compte de la personnalité de la personne condamnée. En effet, les juges du fond ont indiqué ne pas avoir d’éléments tangibles concernant la personnalité de la présidente de l’association alors que son avocat aurait pu utilement répondre à leurs questions sur ce point.

D. T.

 

CE, 29 mars 2024, n° 467524

Lagomorphes – Animaux de compagnie – Certificat d’engagement (oui)

 

Rejet de la requête du syndicat des professionnels de l'animal familier, PRODAF, demandant au Conseil d’État d'annuler pour excès de pouvoir les dispositions du I de l'article D. 214-32-4 du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction résultant du décret n° 2022-1012 du 18 juillet 2022 relatif à la protection des animaux de compagnie et des équidés contre la maltraitance animale en tant qu'elles concernent les lagomorphes qui ne sont pas destinés à la consommation humaine. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, d'une part, l'inclusion, par les dispositions contestées, des lagomorphes non destinés à la consommation humaine dans le champ des animaux auxquels s'applique l'obligation, pour toute personne envisageant d'acquérir un animal de compagnie, de signer, au moins sept jours avant l'acquisition, un certificat d'engagement et de connaissance des besoins spécifiques, telle que prévue par les dispositions de l'article L. 214-8 du même code, n'est pas contraire à l'objet de ces dispositions, destinées à lutter contre la maltraitance animale en prévenant les achats impulsifs pouvant conduire à de telles situations. D'autre part, la formalité ainsi imposée par les dispositions de l'article L. 214-8 n'étant subordonnée à aucune condition en matière d'identification des animaux concernés, la circonstance qu'aucune obligation de cette nature ne soit imposée pour les lagomorphes est sans incidence sur la légalité des dispositions attaquées.

B. des B.

 

C. Euthanasie, bien-être animal

 

CE ord., 15 février 2024, n° 491562

Euthanasie – Chien – Rage

 

Pas de sursis pour le bichon Toki visé par une mesure d’euthanasie pour avoir croisé lors d’une promenade, un chien porteur de la rage.

Ses propriétaires ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 9 janvier 2024 par lequel le maire de la commune de Hyères-les-Palmiers a ordonné l'euthanasie sans délai de leur petit chien Toki et de lui enjoindre de leur indiquer les mesures de surveillance à prendre, en substitution de la mesure d'euthanasie. Par une ordonnance n° 2400200 du 24 janvier 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande. Sans attendre la décision du juge du Conseil d’État saisi d’un pourvoi contre cette ordonnance, ni les résultats des examens effectués par un vétérinaire sur le bichon pour savoir s’il était porteur ou non de la rage ; résultats qui in fine se sont avérés négatifs, le préfet a fait exécuter d’office la mesure, d’où cette ordonnance laconique rendue par le Conseil d’État ; la requête étant devenue sans objet : « Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de suspension et d'injonction de la requête de Mme et M. B. ».

B. des B.

 

IV. Les animaux, être aimés

 

Aucune jurisprudence pour ce numéro.

 

V. Les animaux, causes de troubles

 

A. La responsabilité civile

 

Aucune jurisprudence pour ce numéro.

 

B. La responsabilité administrative

 

Aucune jurisprudence pour ce numéro.

 

C. La santé humaine

 

Cass. Crim., 23 avril 2024, n° 23-83.604

Élevage porcin – Règles sanitaires

 

Un homme a exploité un élevage de cochons gascons sur un terrain appartenant à une commune. Il a été condamné pour diverses infractions, notamment relatives aux conditions sanitaires dans lequel l’élevage était effectué. Il a été relaxé concernant d’autres contraventions, ce qui explique que le prévenu et le ministère public ont fait appel du jugement. Devant la Cour de cassation, se pose essentiellement la question de l’admission de la culpabilité de l’éleveur pour manquement à un règlement sanitaire départemental en installant son activité à moins de 100 mètres des habitations. La Cour de cassation a dû répondre au fait de savoir si cette contravention pouvait s’appliquer à un élevage en plein air et non pas seulement aux élevages clos. Le prévenu soutenait que cela n’était pas possible en raison du texte identifiant les « bâtiments renfermant des animaux ». La Haute juridiction ne suit pas cette lecture stricte et admet l’application du texte à l’ensemble des types d’élevage.

D. T.

 

D. Les animaux dangereux

 

a. Imprudence- Négligence

 

Cass. Civ. 2e, 14 mars 2024, n° 22-18.426

Ferme pédagogique – Fauve – Obligation de sécurité – Assurance

 

Une femme exploite une ferme pédagogique dans laquelle elle exerce également en qualité de dompteuse de fauves. En son absence, elle a laissé une bénévole de la structure, non formée, s’occuper du nourrissage des animaux. Celle-ci a été grièvement blessée par un tigre.

À la suite de cet accident, l’exploitante a été déclarée coupable des faits de blessures involontaires avec incapacité supérieure à 3 mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence, ainsi que d'exploitation irrégulière d'établissement détenant des animaux non domestiques. Son assureur a refusé sa garantie en s’appuyant sur la faute dolosive de l’assurée, ce que les juges du fond ont admis. Cependant, tel ne sera pas l’avis de la Cour de cassation. En effet, ne peut être retenue la faute dolosive dès lors que l’assuré n’a pas conscience du caractère inéluctable des conséquences dommageables de son acte. Or, ce point n’a pas été caractérisé par la cour d’appel. La simple conscience des risques par un manquement délibéré à une obligation de sécurité n’est pas suffisante pour établir une faute dolosive.

D. T.

 

b. Dégâts causés par les animaux

 

TA Toulouse ord., 7 mai 2024, n° 2402509, 2402510

Meutes canines – Régulation administrative – Motivation insuffisante

 

À l’instar de la décision du tribunal administratif de Mayotte du 15 novembre 2023, n° 2203167, annulant l’arrêté du préfet du 20 avril 2022 portant régulation administrative des meutes canines posant des problèmes de sécurité, qui autorisait la mise en œuvre d’opérations administratives de destruction des meutes de chiens par armes à feu, le tribunal administratif de Toulouse (Occitanie), ordonne la suspension de l’exécution de l’arrêté du 10 avril 2024 pris par le Préfet de l'Aveyron autorisant la destruction des chiens errants, divagants ou malfaisants sur le territoire des communes La Couvertoirade, L’Hospitalet du Larzac, Nant, Sainte Eulalie de Cernon et Saint Jean Saint Pau dans l’Aveyron entre 20 heures et 8 heures. Saisi par l’association Société Nationale pour la Défense des Animaux (SNDA) et l’association Stéphane LAMART « Pour la défense des droits des animaux », le tribunal administratif a considéré que l’urgence résultant de l’atteinte suffisamment grave portée aux intérêts défendus par les associations et de la période pendant laquelle l’abattage de tous les animaux était autorisée, justifiait que l’exécution de cet arrêté soit suspendue en présence d’un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, ressortant de l’insuffisance de sa motivation et d’une inexacte application des textes en vigueur.

B. des B.

 

E. Les animaux nuisibles

 

Aucune jurisprudence pour ce numéro.

     

    RSDA 1-2024

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